•  CRIME ET CHÂTIMENT - Exposition Musée  d’Orsay

    Visite organisée par le Centre Culturel de Vitry

    Le 15 avril 2010


    Conçue par Robert Badinter, l’exposition Crime et Châtiment retrace, à travers la peinture, la représentation des crimes et des châtiments réservés aux criminels, sur une période qui va de 1791 à nos jours. En arrière-plan, une question sans réponse : pourquoi le mal ? Pourquoi la mort donnée volontairement à des hommes par des hommes ?... La visite est guidée par une conférencière. On parcourt ainsi l’histoire des crimes et de leur punition à travers des œuvres artistiques…

    A l’origine : nous sommes tous des assassins. Pas étonnant, puisque le premier criminel de l’histoire de l’humanité est Caïn, qui tue son frère Abel : premier meurtre et premier fratricide, coup double ! Et c’est donc de Caïn, le survivant, que nous descendons ! Etonnez-vous après ça de la présence du Mal ! Le tableau de Pierre-Paul Proudhon montre le Justice et la vengeance poursuivant le crime : on voit que le bras de la Justice est plus en avant que celui de la vengeance, pour signifier que c’est à la justice de punir, non à la vengeance…

    1791,  la mort égalitaire : Les nombreux supplices, les tortures en tous genres sont abolis par la Révolution. Désormais, la guillotine et son couteau de 40 kg assurent à tous les criminels une mort égalitaire ! Le musée d’Orsay expose la dernière guillotine employée en France ( Rappelons que l’abolition en 1981 de la peine de mort a été assortie de l’interdiction de montrer au public la guillotine pendant une période de 25 ans, ce délai est maintenant expiré).

    1793 : Premier projet d’abolition de la peine de mort, déposé par Le Peletier de Saint-Fargeau, lequel vote cependant la mort de Louis XVI et est assassiné le jour même, le 20 janvier 1793. Un tableau représente Le Peletier sur son lit de mort. Bien sûr, plusieurs toiles représentent l’assassinat de Marat par Charlotte Corday le 13 juillet 1793. Tantôt Charlotte Corday est représentée comme la fourbe criminelle, tantôt comme une belle égérie à l’image de Jeanne d’Arc, dans une ambiguïté qui persiste de nos jours.

    En 1817, Géricault peint l’assassinat de Fualdès, ancien député de l’Aveyron, égorgé à Rodez le 19 mars 1817 : c’est l’apparition du fait divers en peinture ; mais c’est un échec, car les journaux font mieux en ce domaine, avec une large diffusion.

    La période romantique : On s’attache alors à montrer la femme fatale, c'est-à-dire la femme criminelle. Et la femme est doublement criminelle, puisque elle doit en principe donner la vie… Dans le même temps, Goya peint à la fois l’horreur et le sublime des brigands.

    La tête de l’emploi : Le peintre Hugues Foureau peint la tête décapitée de Fieschi, qui avait tenté de tuer Louis-Philippe en 1836. C’est le début des études scientifiques sur les caractéristiques des visages. Le Dr Georget tente de discriminer les fous (non responsables) des criminels (responsables).

    1880-1920 : Canards et Apaches : L’apparition d’une presse illustrée à grand tirage donne un retentissement spectaculaire aux crimes, en flattant les passions les plus basses du public. C’est l’époque des terribles apaches qu’il ne fait pas bon rencontrer dans les rues. C’est « Le Petit Journal » qui est en pointe dans ce domaine : récits et illustrations spectaculaires, « des romans autrement mieux faits que ceux de Walter Scott », écrit Balzac … En 1928, Joseph Kessel crée le magazine « Détective », dans lequel la rédaction allie précision sordide, cruauté, érotisme, drame, suspens…. Kessel justifie ces récits : « Le crime existe, c’est une réalité, et pour s’en défendre, l’information vaut mieux que le silence. » On peut penser également que le récit des meurtres permet aux lecteurs de « se laver » de leurs mauvaises pulsions, par le phénomène de la catharsis.

    Fin des galères, début du bagne : Vers 1750, sous Louis XV, les galères sont supprimées. Les navires restent alors à quai dans des ports : Toulon, Brest, Rochefort…. Et on y entasse les condamnés : c’est la naissance des bagnes, où l’on conduit les prisonniers après une longue marche enchaînée le long des routes, où leur passage doit servir d’exemple. Les bagnes seront ensuite « expatriés » vers la Guyane, la Nouvelle-Calédonie, avant d’être supprimés en 1938.

     Fin du 19è siècle, début du 20è siècle : Le crime et la science : On tente de caractériser le criminel et de le prévoir. Dans la foulée des lois de Mendel et des théories sur l’hérédité, se met en place une théorie de la dégénérescence : les criminels-nés (théorie de Lombroso dans les années 1875). Se pose alors la question de la responsabilité du mal : punir ou soigner ? Chez Zola, il y a une véritable fatalité de la déchéance humaine… Tout se passe comme si les caractères physiques l’emportent sur les caractères de l’âme….

    Plus tard, Alphonse Bertillon lance les bases de la police scientifique : photographie anthropométrique, empreintes digitales, photographie systématique des lieux du crime et des victimes.

    Le surréalisme et le crime : De même que le romantisme un siècle plus tôt, le surréalisme, dans les années 1920 et plus tard, est fasciné par le crime. Violette Nozières et les sœurs Papin, sont, aux yeux des surréalistes, des héroïnes. Tout ce qui relève de l’ordre est rejeté. André Breton déclare : «L’acte surréaliste le plus simple consiste à descendre dans la rue, revolver au poing, et à tirer tant qu’on peut au hasard dans la foule »…

    Après ça, on s’étonnera de la violence actuelle !

    Il y a encore  bien d’autres choses dans l’exposition « Crime et Châtiment »… Alors, allez-y. Mais la question demeure : pourquoi la violence humaine, le crime, la mort donnée aux autres ? Pourquoi le premier commandement religieux «  Tu ne tueras point ! » est-il quotidiennement bafoué partout dans le monde ?.... Mystère ! Eh oui, il y a encore des mystères dans l’humanité, et heureusement : ça permet aux philosophes de philosopher… pendant qu’ailleurs, un peu partout, on continue de s’étriper !





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    A LA SORBONNE…

    Mardi 24 juillet 2001



    Ce mardi est un beau jour d’été, chaud et ensoleillé, et quand j’arrive à 14h30 au n° 46 de la rue Saint-Jacques, lieu du rendez-vous pour la visite, j’ai l’impression d’être écrasé par le soleil…  Mais j’ai une autre surprise : je ne reconnais qu’à peine le bâtiment de La Sorbonne. Moi qui ai toujours vu sa façade toute noire, au temps de ma folle jeunesse, voici qu’elle est redevenue du ton de la pierre blonde et chaude… Tant d’années ont passé et je n’étais jamais revenu dans ce quartier, ou plus exactement, je n’étais plus jamais passé devant la Sorbonne. La visite commence… C’est à la fois décevant et très beau ! Ce paradoxe apparent s’explique ainsi : en venant, j’imaginais découvrir cette vénérable institution, fondée par Robert de Sorbon en 1257, au milieu du 11è siècle… Or il ne reste rigoureusement rien des bâtiments d’origine ! Pas une pierre, pas un vestige, pas l’ombre d’un objet quelconque !…Tout a disparu, car l’histoire de La Sorbonne est celle d’une longue suite d’avatars… Il ne reste de la Sorbonne que le nom ; les bâtiments sont, eux, récents. Essayons de les résumer, ces avatars :

    La Sorbonne des premiers temps : A l’origine, il s’agissait d’un établissement d’enseignement pour étudiants pauvres, fondé par Robert de Sorbon, un théologien qui était le chapelain de Saint-Louis. La création de cet établissement marque le retour, enfin, d’un goût pour la connaissance , qui avait fait cruellement défaut au 10è siècle, lequel n’a produit chez nous absolument aucun texte présentant le moindre intérêt culturel, philosophique ou religieux. Notre pays est alors largement soumis aux Anglais, et par ailleurs il n’y a aucune autorité royale, mais seulement des seigneurs se comportant comme des pillards et qui écument les provinces… Long siècle d’obscurantisme intellectuel… Le retour à l’envie de connaissances a été consécutif aux rencontres fructueuses avec la culture musulmane, à l’occasion des trois premières croisades qui se sont échelonnées de 1095 à 1192…

    Très rapidement, la Sorbonne prend un rôle prépondérant dans l’enseignement de la théologie, mais ce n’est qu’en 1554 qu’elle prend justement le nom de « Sorbonne », bien après la mort de son fondateur Robert de Sorbon, décédé à Paris 280 ans plus tôt, en l’an de grâce 1274.

    La reconstruction : La Sorbonne médiévale ne va pas survivre… Au 17è siècle, Richelieu fait procéder à sa reconstruction complète. Tout est abattu. Même l’ancienne chapelle (qui se trouvait au centre de l’actuelle grande cour) est détruite. A la place, une nouvelle chapelle est édifiée par Lemercier, avec son dôme caractéristique en hémisphère, typique justement de  Lemercier : Richelieu en pose la première pierre le 1er mai 1635. Cette chapelle est ornée de peintures de Philippe de Champaigne. Elle abritera en 1694 le tombeau de Richelieu, décédé en 1642. Lemercier construit également tous les autres bâtiments de la Sorbonne.

    La Sorbonne, outre son rôle d’enseignement, s’érige en tribunal ecclésiastique pour censurer tous les ouvrages jugés contraires à l’orthodoxie. C’est ainsi que la Sorbonne va s’opposer fortement aux jésuites au 16è siècle, aux jansénistes au 17è siècle, puis aux Encyclopédistes au 18è siècle. La Sorbonne sera fermée au moment de la Révolution, en tant qu’établissement ecclésiastique. C’est Napoléon qui en fera une Université d’Etat, ce qu’elle deviendra de fait en 1824.

    La nouvelle Sorbonne : Les bâtiments allaient connaître encore une nouvelle transformation. En effet, la 3è République est caractérisée par sa foi immense en l’enseignement ; de la connaissance, pense-t-on alors avec un enthousiasme naïf, naîtra une humanité nouvelle, plus riche et plus fraternelle, qui mettra fin aux guerres...  C’est dire à quel point on est utopiste à l’époque ! Par ailleurs, la République entend montrer qu’elle peut faire aussi bien que les rois ; et si les rois bâtissaient des palais, la République veut, elle,  construire un palais de la connaissance… C’est dans ces conditions que la Sorbonne est reconstruite, une fois encore. Le projet en est confié à l’architecte Nénot. La chapelle de l’époque de Richelieu est conservée. Tout le reste est détruit, et les bâtiments actuels sont édifiés. Nénot, quoique fort critiqué comme trop classique, a su toutefois édifier des bâtiments moins austères que les précédents, tout en veillant à leur harmonie par rapport à la chapelle existante. La nouvelle Sorbonne est inaugurée le 5 août 1889, pour marquer l’anniversaire de l’abolition des privilèges un siècle plus tôt, dans la nuit du 4 au 5 août 1789… Elle devient une Faculté des Lettres et une Faculté des Sciences. La 3è République, imprégnée du culte de la science et du positivisme, entendait montrer ainsi que la philosophie, les lettres, et les sciences humaines en général, ne pouvaient être coupées de la science, considérée comme source privilégiée de toute connaissance et comme facteur de progrès.

    Au rez-de-chaussée, on trouve un hall somptueux, tout en longueur, qui longe la rue des Ecoles, et qui est décoré de vastes peintures symbolisant le savoir sous ses diverses formes. Puis un hall magnifique constitue le point de départ de deux escaliers monumentaux, dont l’un symbolise la science, l’autre les lettres. Entre le vide qui sépare les deux escaliers, le regard monte jusqu’à la voûte, qui s’orne d’un grand vitrail polychrome. Une grille forgée forme la rampe de l’escalier, elle est ornée d’écussons dorés représentant les armes de toutes les villes de France possédant une université. A l’étage, de vastes fresques marouflées retracent l’histoire de la Sorbonne, depuis l’enseignement d’Abélard au Moyen-Age… D’autres toiles montrent de grands hommes dans leurs divers savoirs : Bernard Palissy, Ambroise Paré, Descartes, Pascal, Laënnec, Lavoisier… Un grand salon aux décorations fastueuses contient un portrait en pied du Cardinal de Richelieu, par Philippe de Champaigne.

    Le grand amphithéâtre : C’est encore un lieu prestigieux, avec ses 1200 places en hémicycle. Il est décoré sur les côtés de statues : Robert de Sorbon, Richelieu, Pascal, Lavoisier, Descartes… Au-dessus de la chaire professorale, la salle est décorée d’une vaste fresque de Puvis de Chavanne, intitulée «  Le Bois Sacré ». Sur fond de paysage vert et brun, assorti aux fauteuils de l’amphi, on voit évoluer des personnages allégoriques, qui, assoiffés de connaissances, viennent s’abreuver aux sources du savoir, représentées par des femmes et qui ont pour noms : Géométrie, Physiologie, Eloquence, Philosophie, Botanique, Géologie… tout un programme !…

    La visite se termine ici… A noter que la Sorbonne a perdu son caractère d’établissement spécifique : les universités Paris 1, Paris 2, Paris 3 et Paris 4 s’y partagent un certain nombre d’enseignements, essentiellement pour des raisons de prestige…

    L’accès à la chapelle n’est pas possible en raison d’une manifestation qui en interdit l’accès… Je retrouve la rue des Ecoles, toujours écrasée de soleil, pour une longue balade à pieds jusqu’au Jardin des Plantes, à côté de cette vieille faculté des Sciences de la rue Cuvier, où je fus moi même étudiant… il y a bien longtemps !…  


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    LA MAISON DE PIERRE LOTI, A ROCHEFORT

    Le 14 septembre 2001

    141, rue Pierre Loti, ROCHEFORT



    C’est une bien curieuse maison que celle de Pierre Loti… Mais l’écrivain, de son vrai nom Julien Viaud, était aussi un homme bien curieux… Située au 141 rue Pierre Loti, à Rochefort, la maison natale de Pierre Loti est à l’image de l’auteur : une grande extravagance sous un aspect extérieur banal et tranquille. C’est une maison ancienne, puisque c’est là qu’était née déjà sa mère, Nadine Texier, en 1810. Elle avait épousé en 1830 Théodore Viaud ; mais ce n’est que 20 ans plus tard que naît Julien Viaud, qui deviendra l’écrivain Pierre Loti. Son enfance est douillette et choyée, bercée par les arts délicats : le dessin, la peinture… Pourtant, au sein de Rochefort, alors grand port de guerre, et influencé par son frère aîné, qui a 18 ans de plus que lui et qui parcourt le monde comme médecin militaire, Julien Viaud ressent l’appel du large. Il s’embarque en 1869 sur le Jean Bart, et pendant plus de trente ans il va parcourir tous les océans sur près de trente navires… Officier de marine, il ne peut écrire sous son vrai nom ; il écrit donc sous le pseudonyme de Pierre Loti, « loti » signifiant « petite fleur tropicale » dans le dialecte tahitien.

    En 1886, il épouse une bourgeoise bordelaise, Blanche Franc de Ferrières. De ses voyages, il rapporte peu à peu d’innombrables objets et matériaux, avec lesquels il va meubler, tout en la transformant, la maison de Rochefort. Mais il doit d’abord rembourser les lourdes dettes de son père, compromis dans un scandale financier, et dont la maison est menacée de saisie. La gloire littéraire vient vite, d’abord avec « Aziyadé » en 1879, récit de son aventure amoureuse avec une belle orientale, puis avec « Rarahu » en 1880… Dès lors, Pierre Loti aménage sa maison… Sa démarche est celle d’une tentative désespérée pour arrêter le cours du temps, ou, plus exactement, pour retrouver le temps passé, à la façon de Proust mais avec d’autres moyens ; Pierre Loti amasse dans sa maison des souvenirs des pays qu’il a aimés…

    Promenons-nous dans la maison… Suivez-moi…

    • Le salon rouge :

     Tendu de velours rouge, et évoqué dans « Le Roman d’un enfant », il comporte des portraits de famille aux murs,  et le piano familial. L’ambiance y est feutrée, à la fois bourgeoise et pesante, sombre et austère comme l’enfance de Pierre Loti, étouffante et surprotégée.

    • Le salon bleu :

     Il a été conçu en 1896, dans un style 18è siècle approximatif. Loti en effet n’est pas un puriste ; il ne cherche pas la vérité historique, mais à reconstituer des climats, des ambiances… Et le 18è siècle représente alors le regret du Paradis perdu, le symbole d’une douceur de vivre perdue à jamais au moment de la Révolution Française

    • La salle Renaissance :

     Vaste pièce aux lourdes boiseries, et comportant un monumental escalier dissymétrique, qui semble sorti d’un manoir anglais, et dont Sacha Guitry disait qu’il était fait pour être descendu… Cette pièce est une construction fantastique où se mêlent toutes sortes d’objets, avec un sens aigu de l’égalité des cultures, de leur profonde proximité. Cette salle a été conçue également pour exposer cinq grandes tapisseries des Flandres. Loti donna ici de nombreuses fêtes.

    • Au premier étage se trouve la curieuse salle gothique :

     Les fenêtres d’origine ont été déposées, et Loti a fait mettre à leur place des fenêtres d’église, en ogive… et posées à l’envers, c’est-à-dire l’extérieur en-dedans !  Le 12 avril 1888, il inaugure cette pièce en y donnant, pour 25 convives, un grand déjeuner médiéval ; au menu : du hérisson, du cygne et du paon !… Les menus sont imprimés en vieux français, que doivent aussi parler les invités ! Les habitants de Rochefort sont invités à titre de figurants : du haut de la mezzanine ils peuvent assister au festin ; bien entendu, ils doivent être déguisés pour la circonstance !… Par la fenêtre, on voit le petit jardin et ses deux palmiers, avec son petit cloître, son bassin entouré de pierres moussues.

    • La mosquée :

     C’est la pièce la plus extravagante sans doute de toute la maison : pièce haute, avec un plafond en bois ouvragé. Pierre Loti, à partir de matériaux et d’éléments rapportés de Damas et provenant de la mosquée Omeyyades, reconstitue en 1896 l’ambiance d’une mosquée : carrelages muraux, fontaine, cénotaphes, tapis… Il ajoute en 1905 la stèle de la tombe de Aziyadé, après le décès de cette dernière… Mais il n’y a ici aucun souci de reconstitution fidèle, et Loti a seulement le désir de reconstituer une ambiance orientale islamique où se mêlent ses rêves et ses souvenirs de marin.

    • Le salon turc :

    Il jouxte la mosquée ; tendu de velours rubis, il comporte un plafond en stuc soutenu par des colonnes de marbre rose ; la pièce est décorée d’armes, de tapis, de narguilés…

    • La chambre à coucher :

    Elle étonne par la contraste saisissant qu’elle présente avec le reste de la maison ; ce n’est pas la pièce du « personnage Loti » mais celle de l’ « homme Loti » ; ici pas d’extravagance, mais au contraire un extraordinaire dépouillement, quasi monacal : des murs blancs  peints à la chaux, un lit de fer particulièrement austère, avec, sur le côté, une simple malle murale marquée « Cdt Viaud », comme dans une cabine de navire… Dans cette pièce, on peut voir au mur un casque de poilu de 14 : Pierre Loti, sur sa demande, a servi pendant quatre ans dans l’Armée des Vosges… Sur une table, d’innombrables ustensiles de toilette témoignent de la hantise de la vieillesse de Loti et de son souci obsessionnel de la beauté et de la jeunesse…

    Pierre Loti était, selon Barthou, « naïf et rusé, raffiné et primaire, coquet et sauvage, doux et violent, sensible et sec »… Sans doute aussi aimait-il surprendre et déconcerter…

    A la fin de sa vie, il revient vivre dans sa maison de Rochefort, après avoir traîné toute son existence une perpétuelle et inconsolable tristesse… Le 5 juin 1923, à moitié paralysé, il quitte Rochefort et se fait transporter dans sa maison d’Hendaye : Rochefort avait été pour lui la maison de l’enfance et du bonheur, de la vie, il ne pouvait y rester pour mourir… Il meurt le 10 juin 1923 à Hendaye. Il est enterré sur l’île d’Oléron, dans le jardin de la « maison des aïeules » où il avait passé les étés de son enfance.

    On ne peut voir sa tombe. L’accès n’en est pas autorisé.

    Sa maison de Rochefort est aujourd’hui propriété de la ville. Elle a été ouverte au public en 1969 ; elle a été restaurée en 1987/1988. Par contre, en la visitant, on se dit que cette maison pourrait être celle d’un aventurier, d’un homme politique, d’un négociant ; et rien n’indique qu’elle fut celle d’un écrivain. Et il en est bien peu question pendant la visite… Il faut s’y faire : l’écriture, ce n’est pas pittoresque… Pourtant, en questionnant un peu, on apprend que Pierre Loti écrivait dans une pièce de la maison, pièce hélas… qui n’est pas accessible au public : le bureau de son frère Gustave. En effet, derrière la maison que l’on voit, il y en a une autre, avec la chambre d’enfant de Pierre Loti, avec la chambre des momies,  la salle chinoise, la salle paysanne. Mais ces pièces sont très petites et ne sont pas en état. Et puis il y a les pièces disparues : la pagode japonaise, la chambre espagnole, qui n’existent plus que sur des photographies…

    Heureusement, dans le hall d’entrée, on peut s’intéresser aux œuvres de Pierre Loti, ou en acquérir : les livres sont là sur un présentoir : l’écriture est sauve !...

    …Et si vous passez par Rochefort, au hasard de vos déplacements, arrêtez-vous pour visiter cette extraordinaire maison, celle d’un écrivain original, parcourant le monde pendant toute sa vie  à la recherche sans doute d’un bonheur impossible



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  • Que voilà un film excellent ! C'est sans doute pour cette raison qu'une bande de critiques professionnels a cru bon de l'éreinter ! Pour nombre d'intellos en effet, un film n'est un bon film que si on se fait chier dans la salle obscure et si on manie des concepts théoriques, en se prenant la tête pour chercher des références à Proust ou aux plans-coups d'Antonioni ! Mais laissons ces pisse-vinaigre et autres casse-couilles qui confondent un bon film avec un bouquin de Kant ! Et entrons dans la salle obscure : Le Concert est un bon film, car il nous fait passer deux heures de bon cinéma : belles images, superbe musique du concerto pour violon de Tchaikovski, dépaysement devant des Russes dont le comportement nous amuse et nous déconcerte... L'histoire est originale, et nous change de ces centaines de films qui se bornent à nous montrer inlassablement des voyous commettant des hold-up, ou des couples enlisés dans leurs divorces laborieux et leurs histoires de culs recommencées, avec comme grave préoccupation ontologique : "C'est qui, qui va garder les mômes le mercredi ?" Ras-le-bol ! Le Concert nous raconte une histoire : Andrei Filipov, grand chef d'orchestre du Bolchoï de Moscou dans les années 70, est déchu par le parti communiste pour avoir refusé de se séparer de musiciens juifs. Il travaille désormais au Bolchoï comme homme de ménage. Un jour, il met la main sur un fax : Le théâtre du Chatelet invite l'orchestre du Bolchoï à venir à Paris. Une idée folle naît alors dans l'esprit de Filipov : rassembler tous ses anciens copains musiciens déchus, reconstituer l'orchestre et venir à Paris jouer le fameux concerto pour violon de Tchaïkovski, en se faisant passer pour le Bolchoï ! Il en résulte des gags assez bien vus, bien tournés et très amusants. Et puis le réalisateur a su ménager un émouvant suspense : la violoniste solo de Paris (jouée par la belle mais triste Mélanie Laurent) est inconnue des Russes. De plus, elle ignore qui sont ses parents, on croit comprendre qu'ils ont été déportés dans un goulag, autrefois... ça aussi, ça a dû déplaire aux critiques ! Dénoncer les camps nazis est carrément une ardente obligation démocratique, mais évoquer seulement les camps soviétiques provoque évidemment des nausées chez les intellos de gauche ! La dignité de la personne humaine, ça dépend, c'est comme ça arrange les idéologues politicards !... Revenons au film : il faut le voir, le revoir, il est excellent ! Et puis les acteurs sont très bien dans leurs rôles : Mélanie Laurent est parfaite en violoniste intelligente mais tourmentée et triste, et François Berléand est superbe en directeur tonitruant du théâtre du Châtelet ! Si vous ne trouvez plus le film en salle... achetez le dvd !


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  • Il y a des livres qu'on lit par envie, d'autres qu'on découvre par hasard.... Le Fait du Prince appartient à une autre catégorie encore : celle des livres qu'on lit par erreur ! Explication : je cherchais sur internet le livre d'Amélie Nothomb  "Le fait du prince"... Surfant avec frénésie sur divers sites pour comparer les prix, j'ai fini par trouver un exemplaire à 1,50 euros ! Hop, j'ai conclu le marché en deux petits clics... mais à la livraison, j'ai pris une petite claque : le bouquin reçu n'était pas celui d'Amélie Nothomb mais celui de Catherine Arley, auteur français-mais oui- puisque son vrai nom est... Pierrette Pernot ! J'avais le bon titre, mais pas le bon auteur ! Comme quoi, il faut se méfier des prix trop bas : ils cachent toujours quelque chose !.. Mais bon, à quelque chose erreur est bonne, et je me suis plongé dans le bouquin de Catherine Arley, un polar ! Et un polar original en plus ! En quelques mots : Fitzgerald Scott, grand patron de Scotland Yard, sera en retraite à la fin de l'année. Il compte bien vivre paisiblement les quelques mois de carrière qui lui restent... C'est compter sans une terrible affaire : Sa propre fille est kidnappée. Et pas par n'importe qui : par Whisland, un très grand industriel d'envergure internationale. Whisland a décidé en effet de réaliser le hold-up du siècle. Il n'a pourtant nullement besoin d'argent. Il veut seulement réussir ce hold-up comme il a réussi toutes ses affaires industrielles et commerciales... Avec la fille du chef de la police en otage, il détient un atout maître. Il va également recruter des hommes de main, avec un machiavélisme implacable et très efficace. Le hold-up ne peut que réussir. Et il réussit !... Mais l'homme d'affaires, qui avait tout prévu... a négligé quelques détails... Dommage  pour lui !...   Et tant mieux pour moi qui ai découvert un bon polar ! Une erreur de lecture, certes, mais sans regret !

    Bio : Catherine Arley est injustement méconnue en France. De son vrai nom Pierrette Pernot, elle est née le 26 décembre 1924. Etudes classiques, Conservatoire, puis débuts à la scène et à l'écran au commencement des années 50. Mais après son mariage, elle arrête son activité de comédienne et publie en 1953 son premier roman : "Tu vas mourir"... Malgré le succès obtenu par ce livre, son deuxième roman "La femme de paille" est refusé par tous les éditeurs français. Catherine Arley se tourne alors vers l'étranger et bien lui en prend : La Femme de paille est publié en Suisse puis est traduit dans 24 langues ! Mais les éditeurs français n'ont pas seulement la vue courte parfois, ils ont aussi la rancune tenace et ne pardonnent pas à cet auteur qui a réussi sans eux en dehors de nos frontières . C'est donc seulement en 1972 que Catherine Arley sera à nouveau publiée en France, avec notamment : Duel au premier sang, Les armures de sables, A tête reposée, Le Fait du Prince... Il semble que les éditeurs des années 50 aient manqué d'audace : les romans de Catherine Arley étaient alors trop anticonformistes et les histoires racontées souvent immorales... Les éditeurs privilégiaient à l'époque le roman noir classique. Catherine Arley a eu bien raison d'ignorer une France coincée au conformisme étriqué ! Elle a trouvé ailleurs la juste reconnaissance d'un talent original et affirmé. Notons cependant que son roman unanimement rejeté en France "La Femme de paille" a fait l'objet d'une adaptation au théâtre, qui a finalement été programmée à la télévision. L'auteur vit encore à Paris, dans le XVIè arrondissement.


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