• Pierre Loti- Maison de Rochefort-

     

     

    LA MAISON DE PIERRE LOTI, A ROCHEFORT

    Le 14 septembre 2001

    141, rue Pierre Loti, ROCHEFORT



    C’est une bien curieuse maison que celle de Pierre Loti… Mais l’écrivain, de son vrai nom Julien Viaud, était aussi un homme bien curieux… Située au 141 rue Pierre Loti, à Rochefort, la maison natale de Pierre Loti est à l’image de l’auteur : une grande extravagance sous un aspect extérieur banal et tranquille. C’est une maison ancienne, puisque c’est là qu’était née déjà sa mère, Nadine Texier, en 1810. Elle avait épousé en 1830 Théodore Viaud ; mais ce n’est que 20 ans plus tard que naît Julien Viaud, qui deviendra l’écrivain Pierre Loti. Son enfance est douillette et choyée, bercée par les arts délicats : le dessin, la peinture… Pourtant, au sein de Rochefort, alors grand port de guerre, et influencé par son frère aîné, qui a 18 ans de plus que lui et qui parcourt le monde comme médecin militaire, Julien Viaud ressent l’appel du large. Il s’embarque en 1869 sur le Jean Bart, et pendant plus de trente ans il va parcourir tous les océans sur près de trente navires… Officier de marine, il ne peut écrire sous son vrai nom ; il écrit donc sous le pseudonyme de Pierre Loti, « loti » signifiant « petite fleur tropicale » dans le dialecte tahitien.

    En 1886, il épouse une bourgeoise bordelaise, Blanche Franc de Ferrières. De ses voyages, il rapporte peu à peu d’innombrables objets et matériaux, avec lesquels il va meubler, tout en la transformant, la maison de Rochefort. Mais il doit d’abord rembourser les lourdes dettes de son père, compromis dans un scandale financier, et dont la maison est menacée de saisie. La gloire littéraire vient vite, d’abord avec « Aziyadé » en 1879, récit de son aventure amoureuse avec une belle orientale, puis avec « Rarahu » en 1880… Dès lors, Pierre Loti aménage sa maison… Sa démarche est celle d’une tentative désespérée pour arrêter le cours du temps, ou, plus exactement, pour retrouver le temps passé, à la façon de Proust mais avec d’autres moyens ; Pierre Loti amasse dans sa maison des souvenirs des pays qu’il a aimés…

    Promenons-nous dans la maison… Suivez-moi…

    • Le salon rouge :

     Tendu de velours rouge, et évoqué dans « Le Roman d’un enfant », il comporte des portraits de famille aux murs,  et le piano familial. L’ambiance y est feutrée, à la fois bourgeoise et pesante, sombre et austère comme l’enfance de Pierre Loti, étouffante et surprotégée.

    • Le salon bleu :

     Il a été conçu en 1896, dans un style 18è siècle approximatif. Loti en effet n’est pas un puriste ; il ne cherche pas la vérité historique, mais à reconstituer des climats, des ambiances… Et le 18è siècle représente alors le regret du Paradis perdu, le symbole d’une douceur de vivre perdue à jamais au moment de la Révolution Française

    • La salle Renaissance :

     Vaste pièce aux lourdes boiseries, et comportant un monumental escalier dissymétrique, qui semble sorti d’un manoir anglais, et dont Sacha Guitry disait qu’il était fait pour être descendu… Cette pièce est une construction fantastique où se mêlent toutes sortes d’objets, avec un sens aigu de l’égalité des cultures, de leur profonde proximité. Cette salle a été conçue également pour exposer cinq grandes tapisseries des Flandres. Loti donna ici de nombreuses fêtes.

    • Au premier étage se trouve la curieuse salle gothique :

     Les fenêtres d’origine ont été déposées, et Loti a fait mettre à leur place des fenêtres d’église, en ogive… et posées à l’envers, c’est-à-dire l’extérieur en-dedans !  Le 12 avril 1888, il inaugure cette pièce en y donnant, pour 25 convives, un grand déjeuner médiéval ; au menu : du hérisson, du cygne et du paon !… Les menus sont imprimés en vieux français, que doivent aussi parler les invités ! Les habitants de Rochefort sont invités à titre de figurants : du haut de la mezzanine ils peuvent assister au festin ; bien entendu, ils doivent être déguisés pour la circonstance !… Par la fenêtre, on voit le petit jardin et ses deux palmiers, avec son petit cloître, son bassin entouré de pierres moussues.

    • La mosquée :

     C’est la pièce la plus extravagante sans doute de toute la maison : pièce haute, avec un plafond en bois ouvragé. Pierre Loti, à partir de matériaux et d’éléments rapportés de Damas et provenant de la mosquée Omeyyades, reconstitue en 1896 l’ambiance d’une mosquée : carrelages muraux, fontaine, cénotaphes, tapis… Il ajoute en 1905 la stèle de la tombe de Aziyadé, après le décès de cette dernière… Mais il n’y a ici aucun souci de reconstitution fidèle, et Loti a seulement le désir de reconstituer une ambiance orientale islamique où se mêlent ses rêves et ses souvenirs de marin.

    • Le salon turc :

    Il jouxte la mosquée ; tendu de velours rubis, il comporte un plafond en stuc soutenu par des colonnes de marbre rose ; la pièce est décorée d’armes, de tapis, de narguilés…

    • La chambre à coucher :

    Elle étonne par la contraste saisissant qu’elle présente avec le reste de la maison ; ce n’est pas la pièce du « personnage Loti » mais celle de l’ « homme Loti » ; ici pas d’extravagance, mais au contraire un extraordinaire dépouillement, quasi monacal : des murs blancs  peints à la chaux, un lit de fer particulièrement austère, avec, sur le côté, une simple malle murale marquée « Cdt Viaud », comme dans une cabine de navire… Dans cette pièce, on peut voir au mur un casque de poilu de 14 : Pierre Loti, sur sa demande, a servi pendant quatre ans dans l’Armée des Vosges… Sur une table, d’innombrables ustensiles de toilette témoignent de la hantise de la vieillesse de Loti et de son souci obsessionnel de la beauté et de la jeunesse…

    Pierre Loti était, selon Barthou, « naïf et rusé, raffiné et primaire, coquet et sauvage, doux et violent, sensible et sec »… Sans doute aussi aimait-il surprendre et déconcerter…

    A la fin de sa vie, il revient vivre dans sa maison de Rochefort, après avoir traîné toute son existence une perpétuelle et inconsolable tristesse… Le 5 juin 1923, à moitié paralysé, il quitte Rochefort et se fait transporter dans sa maison d’Hendaye : Rochefort avait été pour lui la maison de l’enfance et du bonheur, de la vie, il ne pouvait y rester pour mourir… Il meurt le 10 juin 1923 à Hendaye. Il est enterré sur l’île d’Oléron, dans le jardin de la « maison des aïeules » où il avait passé les étés de son enfance.

    On ne peut voir sa tombe. L’accès n’en est pas autorisé.

    Sa maison de Rochefort est aujourd’hui propriété de la ville. Elle a été ouverte au public en 1969 ; elle a été restaurée en 1987/1988. Par contre, en la visitant, on se dit que cette maison pourrait être celle d’un aventurier, d’un homme politique, d’un négociant ; et rien n’indique qu’elle fut celle d’un écrivain. Et il en est bien peu question pendant la visite… Il faut s’y faire : l’écriture, ce n’est pas pittoresque… Pourtant, en questionnant un peu, on apprend que Pierre Loti écrivait dans une pièce de la maison, pièce hélas… qui n’est pas accessible au public : le bureau de son frère Gustave. En effet, derrière la maison que l’on voit, il y en a une autre, avec la chambre d’enfant de Pierre Loti, avec la chambre des momies,  la salle chinoise, la salle paysanne. Mais ces pièces sont très petites et ne sont pas en état. Et puis il y a les pièces disparues : la pagode japonaise, la chambre espagnole, qui n’existent plus que sur des photographies…

    Heureusement, dans le hall d’entrée, on peut s’intéresser aux œuvres de Pierre Loti, ou en acquérir : les livres sont là sur un présentoir : l’écriture est sauve !...

    …Et si vous passez par Rochefort, au hasard de vos déplacements, arrêtez-vous pour visiter cette extraordinaire maison, celle d’un écrivain original, parcourant le monde pendant toute sa vie  à la recherche sans doute d’un bonheur impossible



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