• Le Miracle des loups, roman de Henry Dupuy-Mazuel, 1924

    Je me suis plongé dans ce vieux roman d’aventures, et je me suis bien emmerdé !  Je ne connaissais pas l’auteur, et la lecture de son bouquin ne me donne pas envie d’en savoir davantage sur lui ! L’histoire est un effroyable embrouillamini sur fond de Moyen-Âge et donc de chevalerie, avec toute la brutalité et la violence de cette époque, qui vénère tellement Dieu qu’elle considère l’homme comme rien, un rien qu’on peut assassiner, poignarder, trucider sans jugement : juste la raison du plus fort, la force étant assimilée au droit. C’est dans cet univers impitoyable, véritable Dallas des siècles passés, que ce déroule l’aventure abracadabrantesque que voici, oyez bonnes gens des campagnes et bons bourgeois des villes : Le roi Louis XI règne sur la France, qui est encore loin d’être la douce France façon Charles Trenet. Et voici que le roi nourrit un projet royal, qui ferait hurler nos féministes : donner sa nièce, la belle Jeanne de Beauvais, en mariage à Charles le Téméraire, qui tire une langue longue comme ça en bavant de désir chaque fois qu’il croise la belle, qui pourtant ne porte pas de minijupe. Las ! La jolie Jeanne, de son côté, en pince grave pour un preux  chevalier (il faut savoir qu’à l’époque il n’y a que des manants et des chevaliers, et que les chevaliers sont en principe tous preux, sauf quelques-uns qui sont félons !)… ! Vous imaginez la suite, je ne vous la détaille pas, ce seront de sourdes rivalités, des complots ourdis dans l’ombre, et de terribles combats entre les mâles pour la conquête de la femelle… Cette histoire, pénible et chiante à lire, dégoulinante d’amour courtois et de coups de masse d’arme à travers les gencives, est pourtant étourdissante de mouvement, de violences, de rebondissements et de suspense, il n’est donc pas étonnant que Le Miracle des loups ait été adapté au cinéma plusieurs fois. Le titre du livre, Le Miracle des loups, est tiré d’une des scènes du bouquin : la belle Jeanne de Beauvais, poursuivie dans la neige par des méchants très laids, traverse une rivière gelée, mais rencontre des loups sur la rive d’en face ! Mais les loups fondent devant le doulce pucelle chaste et pure  et ne lui font aucun mal! Bizarre !... Mais si ça se trouve, les loups venaient juste de se taper le Petit Chaperon Rouge, ils n’avaient plus faim !!!... Bref, un mauvais  roman pour un bon film. On termine par une petite citation extraite du livre, pour faire frémir les meufs d’aujourd’hui, ces éternelles rêveuses romantiques sous les dehors de filles libérées : « L’amour est gracieux et plaisant. Il aime l’ombre des nuits, la lumière des yeux et le printemps des lilas ».


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  • L’Ombre douce, roman de Hoai Huong Nguyen, 2013

    Un roman tel que l’Ombre  douce ne se rencontre pas tous les jours. C’est comme une pépite en littérature, qu’on découvre au milieu des scories d’écriture, de cette mauvaise littérature  faite  de bouquins snobinards et opportunistes d’auteurs « people » qui engorgent le rayon librairie des hypermarchés avec leurs titres racoleurs pour populo… Rien de tel ici : un roman discret, une écriture fine, pudique et délicate, avec laquelle l’auteur nous raconte l’éclosion d’un amour… L’histoire se déroule en 1953, au Vietnam, la bataille de Dien-Bien-Phu est proche. Dans un hôpital militaire, Mai, une jeune auxiliaire de santé, soigne Yann, un soldat français, un Breton de Locmaria. Bien entendu, les deux jeunes gens tombent amoureux, et peu après, Yann rejoint le front, et se retrouve dans l’enfer de Dien-Bien-Phu, qui verra la défaite totale de la France. Jusque là, on pourrait classer ce livre parmi les bluettes sentimentales comme celles de la collection Harlequin. Mais c’est mal connaître l’auteur ! En fait, essayons d’imaginer la suite. Premier cas de figure : Yann est tué à la guerre et le roman s’achève dans les larmes et la douleur… Deuxième cas de figure : Yann revient, il épouse Mai, et l’histoire finit dans un F4 HLM avec trois mouflets à torcher en attendant la retraite…  Eh bien, non, raté ! Des événements inattendus, mais pourtant vraisemblables, vont se produire, d’où il résultera une cascade de faits tragiques… Je n’en dirai pas davantage… Ruez-vous sur l’Ombre douce, ce superbe roman où la douceur côtoie effectivement la plus noire des ombres…

    Terminons par quelques citations extraites du livre :

    -         De part et d'autre, il y avait une appréhension qui grandissait avec le désir d'en finir - le goût du sang et de la mort - le maigre espoir de vaincre - ou de moins de mourir vite - et d'en tuer un maximum - parfois l'homme se transforme en bête avec les meilleures raisons du monde.

    -         Lorsque Yann la vit pour la première fois, il ne la trouva ni jolie ni laide, la simple indifférence des paysages silencieux. Mais, après quelques jours, son visage s'était dessiné comme celui d'un être singulier sans qu'il sût vraiment pourquoi.

    -         La lune était lumineuse dans le ciel troublé, un fin croissant de lune. Sa blancheur évoquait dans l’esprit de Mai ce vieux poème que Yann lui avait lu ; elle en avait appris quelques vers pour les avoir toujours avec elle, car avec un poème, on n’est jamais seul.


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  • Lève-toi et charme, roman de Clément Bénech, 2015

    Franchement, ça fait du bien de lire un bouquin qui change de la littérature nombriliste écrite par de vieilles écrivaines aigries ayant beaucoup vécu, et qui nous détaillent avec amertume leur libido flétrie, les souvenirs exaltés des émois de leur point G et leurs déceptions conjugales répétées… Ici, foin des rancœurs des mémés racornies, et pas trace du lourd érotisme épais et fané des terrifiantes cougars. Clément Bénech, l’auteur, a 23 ans, et il possède, encore préservée, toute la fraîcheur d’une jeunesse pétillante, avec ce brin d’impertinence insouciante que la vieillesse efface hélas ! Et donc, il nous entraîne à sa suite dans une  aventure : un étudiant bosse sur sa thèse de doctorat à Paris. Du moins il est censé bosser, mais en fait il consacre pas mal de son temps à sa petite copine Annabelle : ce couple de jeunes a déjà des habitudes de vieux. Et la thèse qui n’avance pas ! Du coup, il décide de s’exiler à Berlin, sur le conseil d’un de ses profs : là-bas, loin du bruit de Paris et des bras d’Annabelle, il pourra se plonger dans l’étude… Avec lui il emmène son chat, Dino, qu’il trimballe sur son épaule à travers rues et squares de la ville allemande. Mais Dino, qui n’apprécie pas ce voyage, pisse partout, et de préférence sur la couette, obligeant son maître à des lessives réitérées. Or, c’est justement dans une laverie automatique que sa route croise celle d’une certaine Dora, sorte d’emmerdeuse énigmatique. Bien entendu, après quelques échanges et deux ou trois infos sur le fonctionnement de la machine à laver, on se revoit, et pas pour préparer une thèse. Non, on se revoit pour le cul, comme toujours, dans ce grand élan auquel on donne toutes sortes de noms, cochons ou romantiques, mais qui n’a qu’un but : surpeupler la Terre de mouflets en excès… Cette baisouillette d’outre-Rhin n’empêche nullement notre héros d’appeler au téléphone sa copine Annabelle restée à Paris ; et même ils se font un petit strip-tease mutuel et virtuel, par l’entremise de la webcam de leurs ordinateurs… Hélas, ils n’arriveront pas à l’orgasme, à la suite d’une panne internet, et ce bug malencontreux va interrompre leurs ébats ! Tout cela est raconté avec légèreté et humour, comme quoi les jeunes savent dédramatiser le sexe : de quoi faire hurler d’indignation les octogénaires et autres vieux à principes… Au bout de quelques mois et après diverses péripéties que je vous laisse le soin de découvrir, notre étudiant, qui a fort peu travaillé à Berlin, retrouve Paris, retrouve Annabelle, et soutient sa thèse… Et il l’obtiendra !... Un bon roman, vite lu, et qui témoigne dans la littérature d’un renouveau qui bouscule à la fois les codes de l’écriture et ceux de la morale. Une belle bouffée de jeunesse !


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  • Les Cerfs-volants de Kaboul, roman de Khaled Hosseini

    Une fois n’est pas coutume, voici un grand roman, ou plutôt une œuvre puissante et poignante. On est loin ici des romans à la con qui fleurissent en tête de gondole et on nous raconte des histoires nombrilistes de couples reconstitués et de leurs petites crapuleries quotidiennes, les coucheries en cachette, le cannabis et les vacances entre couples qui tournent aux concours d’échange de périnées sous les cocotiers ! Non, ici on est dans le dramatique : dans les années 1970, un petit garçon, le jeune Amir, fils d’un riche commerçant, vit des jours heureux en Afghanistan, avec son copain d’enfance, Hassan,  qui est le serviteur de son père. Une indéfectible amitié lie les deux garçons, bien qu’Amir ne cesse d’humilier Hassan,  dont l’humble condition sociale le condamne aux tâches les plus serviles… Les deux enfants participent ensemble à des concours traditionnels de cerfs-volants à Kaboul… Et puis survient 1979 et la terrible guerre entre les moudjahidines et le pouvoir communiste d’Afghanistan, une guerre qui va durer dix ans, avec d’effrayants ravages. En 1989, la guerre continuera hélas, sous d’autres formes, et elle se poursuit  malheureusement en 2015, même si tout le monde s’en fout, Ricard à la main et clope à la gueule, le cul dans le canapé, rigolant devant Patrick Sébastien qui chante les sardines dans leurs boîtes !…  Bref, à travers ces années, Amir a grandi, il s’est exilé aux USA et s’y est marié. Une  nouvelle vie, l’oubli peut-être… Or voici qu’en 2001, Amir reçoit un appel téléphonique. Il quitte les Etats-Unis, retrouve l’Afghanistan, avec les talibans et plonge à nouveau dans son passé… Et de lourds secrets reviennent au jour… Dans cette œuvre  très forte, jamais une parole de haine, jamais la moindre polémique politico-idéologique. Juste une fiction qui n’en est pas une et  qui ressemble à un témoignage implacable, bouleversant, et d’une grande pudeur. Un très très grand bouquin. Une œuvre rare parmi tout le fouillis de bouquin crétins vendus en grande surface ! Les Cerfs-volants de Kaboul est publié chez 10/18. 


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  • Pierrot mon ami, roman de Raymond Queneau, 1942

    Ce roman, léger et badin, nous plonge dans le Paris de l’entre-deux guerres, entre 1920 et 1940. Pierrot est un jeune homme un peu distrait. Il trouve un boulot dans un parc de loisirs, l’Uni-Park. Il est affecté à l’une des attractions, le « Palais de la Rigolade » dans lequel les jeunes femmes se voient entraînées sur une soufflerie qui fait voler leurs jupes et dévoile tout à la fois leurs jambes et leurs dessous ! Une attraction évidemment très prisée des hommes, à une époque où n’existaient pas encore les minijupes qui mettaient la petite culotte à la portée du regard de chaque passant, promeneur ou badaud... (La même attraction serait à nouveau très appréciée mais ferait hurler les féministes, ce qui serait stupide, puisqu’il suffit d’être attentif en se baladant, et qu’en outre le spectacle est gratuit !!!)... Revenons au roman : à la suite d’un malentendu, Pierrot est licencié, comme on l’était à l’époque : sans préavis et sans indemnité, en toute simplicité. Commence alors pour lui une sorte de vie de bohême, à la recherche  d’un nouvel emploi, tandis que se croisent autour de lui des copains, ainsi qu’Yvonne, dont il est très amoureux, et qui est la fille du directeur de l’Uni-Park.  Ce roman est une histoire sans grande prétention littéraire, mais qui nous fait connaître une vie à la fois plus joyeuse et plus précaire que celle que connaissent les gens d’aujourd’hui, dans le Paris des années trente. C’est à la fois si proche et si loin de nous. Un livre à lire cet été, sur une plage non-fumeur bien sûr. 


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