• La Nuit d’orage – roman de Georges Duhamel – 1928 –

    La main de ma sœur, contrairement aux paroles d’une chanson leste, ne s’égare pas du côté de la culotte des zouaves, mais s’attarde plus volontiers dans les brocantes, où elle déniche parfois une pépite dont elle me fait profiter. C’est ainsi qu’elle a dégoté je ne sais où  un vieux bouquin qu’elle a eu la gentillesse et la bonne idée de m’offrir récemment : un vieux roman de Georges Duhamel, intitulé La Nuit d’orage. L’ouvrage a été écrit en 1928, mais l’exemplaire que j’ai lu a été publié en 1939, au prix de cinq francs, par les éditions Arthème Fayard. J’ai remarqué un détail amusant : ce livre, publié donc en 1939, soit il y a  74 ans, n’a jamais été lu par qui que ce soit ! Les pages étaient encore attachées entre elles ! Ainsi, pendant trois quarts de siècles, nul n’a jamais eu l’idée de lire ce livre ! Quel manque de curiosité intellectuelle ! Alors j’ai pris un couteau, j’ai libéré les feuillets et je me suis plongé dans cette Nuit d’orage. Il faut en convenir, cette prose tranche avec ce qu’on connaît de Georges Duhamel habituellement : pas de roman-fleuve ici, mais un récit court de 125 pages seulement. L’histoire est simple : elle met en scène deux personnages : un homme et une femme qui viennent de se marier, un couple d’intellectuels ayant la science et l’étude pour raisons de vivre... C’est dire qu’ils sont gouvernés par la seule raison, et qu’ils tiennent pour fariboles tout ce qui s’en éloigne. Superstitions et autres billevesées leur semblent méprisables, et indignes de l’homme civilisé... Un jour, ils partent ensemble pour un court voyage en Afrique, au cours duquel, dans un site archéologique, ils piochent divers cailloux et vestiges, et rapportent ainsi, à leur retour, toutes sortes de petits débris et objets divers. Or, un de leurs amis, examinant leurs trouvailles, remarque qu’un des objets rapportés semble être une dent humaine, enchâssée dans un morceau de bois, et leur dit que cet objet est maléfique, qu’il porte malheur. Bien entendu, nos deux intellos haussent les épaules, rangent l’objet dans une commode et l’oublient... Mais quelques semaines plus tard, l’épouse est prise d’une sorte de fatigue inexplicable, un état dépressif, qui se prolonge sans cause apparente. On consulte plusieurs médecins, qui ne trouvent pas la cause de ce malaise qui dure... C’est alors que le doute s’insinue, doucement, dans l’esprit du mari : et si ?... mais non ! Il se refuse à admettre une pareille superstition ! Un objet maléfique ? Impossible... Pourtant, un jour qu’il ouvre la commode, il découvre, stupéfait, que l’objet a disparu ! Qui l’a pris ? Son épouse ? Mais pourquoi n’en a-t-elle pas parlé ?...Toute l’histoire repose sur l’antagonisme entre l’affirmation de la seule rationalité... et l’installation insidieuse d’un terrible doute, que nul ne veut avouer, ni l’homme, ni la femme... doute que vient renforcer la mystérieuse disparition de l’objet...  L’homme est-il seulement un être doué de raison ?... Une histoire étrange, un Georges Duhamel différent, à découvrir...


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