Enfin une histoire qui palpite un peu ! Il était temps, après ces dernières lectures où le mièvre le disputait au confus et à l’ironie bistrotière à prétention philosophique ! Ouf ! Avec « Seul le silence », de R.J Ellory, paru en 2008, on a un polar qui est un polar, mais pas un polar de gare, avec une véritable histoire, une histoire qui fait froid dans le dos : dans la petite ville américaine d’Augusta Falls, en Géorgie, un jour, on découvre le cadavre, atrocement mutilé, d’une petite fille, Alice, 11 ans. Tuée et violée… On est en 1939. Le héros de l’histoire, Joseph Vaughan, a alors 12 ans. Il est particulièrement bouleversé : Alice était sa voisine en classe. L’enquête est immédiatement confiée au shérif Haynes Dearing. Mais il n’y a eu aucun témoin, il n’y a pas le moindre indice, et les recherches ne donnent rien… Et puis on est au tout début de la deuxième guerre mondiale, on a tant d'autres préoccupations !... Peut-être est-ce là un drame isolé ? Une tragédie comme on en trouve çà et là de par le monde, ce vaste monde fait de larmes et de sang ?... Hélas non, on trouve bientôt le corps dénudé et découpé en morceaux d’une nouvelle petite fille de 9 ans… Un tueur rôde dans l’ombre, la peur s’installe dans la ville. Le shérif est à nouveau sur le coup, mais sans succès. L'enquête piétine. Avec cinq copains d’école, le jeune Joseph crée alors une sorte de club secret : « Les Anges gardiens ». Leur mission : surveiller la ville et veiller sur toutes les petites filles, afin de les protéger et de parvenir à démasquer le tueur… Malheureusement, malgré cette généreuse intention, une troisième petite fille est bientôt découverte… La peur tourne à la psychose collective, la chasse aux sorcières n’est pas loin… Bientôt est homme est mis en cause par la rumeur publique, c'est un Allemand, alors forcément... Joseph se culpabilise : « Les Anges gardiens » ont échoué, et de nouvelles petites victimes s’ajoutent encore aux premières… Après de dramatiques péripéties, Joseph a grandi, il a 19 ans, et il reçoit un jour la visite de son institutrice, Alexandra Webber : histoire d’amour… L’institutrice apprend l’amour à Joseph et surtout l’incite à écrire… Mais à la suite d’un nouveau drame, Joseph décide de partir, et de s’installer à New-York et de vivre une nouvelle vie, loin de la Géorgie. Devenu écrivain, il écrit l’histoire de sa vie et les meurtres des petites filles… Mais il se trouve frappé d’un nouveau drame personnel : sa nouvelle compagne, Bridget, est retrouvée morte, sauvagement assassinée…A partir de là, un terrible engrenage va se mettre en route, désignant Joseph comme le coupable… Et ce n’est que dans les toutes dernières pages que la vérité nous est révélée… Ce roman est d’une grande noirceur, mais il est fort bien écrit, en sorte que, à chaque page, on s’impatiente de tourner la page suivante pour connaître la suite… Pourtant, le suspense est un peu inégal, en raison d’un déséquilibre dans l’écriture du livre. Explication : Les 250 premières pages, consacrées à ce qui se passe en Géorgie, sont passionnantes, avec une progression dramatique envoûtante. Mais dans les cent pages suivantes, il y a une sorte de longue transition un peu laborieuse, entre la Géorgie et New-York où se déroulera la deuxième partie de l’histoire. Enfin, dans le dernière partie, on tombe dans quelque chose de beaucoup moins vraisemblable, toute une suite de coups tordus qui permet d’en arriver à la chute finale qui nous dévoile la vérité : on connaît enfin le meurtrier des petites filles… « Seul le silence » est un ouvrage où l’histoire se partage entre l’humain, le pathétique, l’émouvant et l’absurde. Un roman à lire sans hésiter ! J’allais dire « les yeux fermés », mais bon, faut pas exagérer !....
Roger Jon Ellory, dit RJ Ellory, est un écrivain britannique, né en 1965. Très tôt orphelin de père il est élevé à la campagne par sa mère. Mais les choses tournent mal, et on retrouve Ellory dans divers orphelinats. Il connaît ensuite la prison, à 17 ans, pour des faits de braconnage. A la sortie, il travaille un moment dans la photographie, mais c’est par l’écriture qu’il parvient à prendre un nouveau départ dans la vie, en 2003, avec « Gandlemoth ». Suivent d’autres romans, dont en 2007 « A quiet belief in angels », devenu en français « Seul le silence ». C’est le seul des romans de RJ Ellory à avoir été traduit en français. Un coup de chapeau au traducteur, Fabrice Pointeau, parce qu’il le vaut bien !