Par Robertcri
Un bon livre, étonnant et déconcertant. Tandis que fleurissent des "romans paysans" bas de gamme un peu partout, voici que, avec Giono, le roman paysan trouve ses lettres de noblesse... C'est que là, on n'en reste pas au niveau des pâquerettes, on ne distille pas une nostalgie du bon vieux temps, on ne milite pas pour un retour à la nature façon Green Peace... Ce serait même plutôt le contraire ! Explications : Dans le monde rural du début du 20ème siècle, on travaille dur, on souffre, on ne ménage pas sa peine dans cette région méridionale baignée par l'Ouvèze dont parle Giono. Chaque famille paysanne se bat, âprement, pour faire fructifier son champ ou son troupeau... Et voici qu'arrive un homme, un inconnu, Bobi... Il est un peu poète, et il parle, il dit des choses étranges pour les paysans : il veut planter des fleurs... Les paysans en sont ahuris : ça va se vendre ?... Mais non, répond Bobi, c'est juste pour faire joli, c'est pour donner de la joie... Bobi préconise aussi de travailler ensemble, de mettre ensemble les ressources, le travail et les récoltes, plutôt que de travailler égoïstement, chacun dans son coin. Il parle de joie et de générosité à ces forçats de la terre qui ne connaissent que leurs sillons... Ses paroles séduisent les paysans, ces taiseux... Quelque chose commence à changer... On se met à laisser libres chevaux et juments, on domestique un cerf et des biches... Une vie nouvelle se fait jour... Hélas, les hommes sont les hommes, des sentiments troubles vont naître, une jeune femme, Aurore, tombe secrètement amoureuse de Bobi, qui lui, succombe aux charmes opulents de Joséphine, et il la baise enfin, page 307, je vous le dis, pour que vous y alliez tout de suite s'il n' y a que ça qui vous intéresse, plutôt que les paysages bucoliques ! Non, ne protestez pas, vous êtes nombreux dans ce cas !... Les éditeurs le savent bien : le cul ça fait vendre, c'est comme ça ! Revenons au roman : malgré son titre plein d'espoir "Que ma joie demeure", il va se terminer dans le drame, avec la mort d'Aurore, puis le désespoir de Bobi, qui s'aperçoit qu'il a échoué dans sa tentative d'apporter la joie. C'est le paradoxe de ce livre : l'échec du héros Bobi, et une belle réussite de Giono, qui nous donne là un magnifique hymne à la nature, à la générosité et à l'espoir... Un seul point négatif peut-être : beaucoup de descriptions trop longues à mon goût, mais qu'il est aisé de contourner en sautant quelques lignes ici ou là : ça ne nuit en rien à la compréhension... Que ma joie demeure, un grand livre, une oeuvre devenue déjà un classique du genre, et surtout une belle leçon d'humanisme.
Petite notice biographique sur l'auteur : Jean Giono est né à Manosque en 1895. Il est mort, toujours à Manosque, le 8 octobre 1970. Pour le reste, consultez Wikipédia, vous saurez tout sur lui !
Thème Magazine © - Hébergé par Eklablog