Encore un livre-foutaise, un de plus ! Mon seul plaisir : l'avoir refermé à jamais avant de le flanquer à la benne ! Pour moi, la lecture, quel qu'en soit le sujet, l'auteur et le style, doit s'accompagner d'un plaisir ineffable et pourtant simple : celui de se dire en l'ayant terminé : j'ai passé de bons moments... C'est tout le contraire avec le Jardin d'Acclimatation, dont la lecture est d'un incommensurable, d'un interminable ennui ; soyons clair et direct : on s'emmerde ferme du début à la fin ! La première page s'ouvre sur l'euthanasie d'un chien malade que son maître conduit chez le vétérinaire, la dernière page se termine sur le fourgon qui emporte le cadavre du chien pour la crémation. Entre les deux, rien de consistant ni de construit, pas le moindre suspense, rien que des milliers de notations pointillistes, de la littérature infinitésimale par petites touches. Il ne se passe rien, mais on se fouaille l'ego, on se triture l'être et la pensée, dans un fatras de détails minimalistes sans le moindre intérêt, le tout dans le décor de l'appartement rupin d'un ancien ministre et de son épouse. C'est dire qu'on navigue dans la haute bourgeoisie, où, faute d'avoir faim et d'avoir besoin de travailler, on se torture de mille manières pour préserver les apparences de la respectibilité mondaine. Dans ces conditions, on ne saurait accepter l'homosexualité du fils de famille ; alors, dans le secret étouffant de la marmite familiale, on prétend que le fils a une tumeur au cerveau, prétexte à lui faire subir une lobotomie pour le guérir de la pédérastie. Il en sortira profondément diminué, on l'exile, on le cache alors dans la propriété familale de province, et tout ce beau monde, à longueur de pages, nous emmerde avec ses états d'âme au sujet de ce drame ! Yves Navarre se plaît tellement à se noyer dans les détails qu'on n'a aucune vue d'ensemble : c'est du pointillisme, comme celui de Seurat en peinture, sauf qu'avec Seurat, on peut toujours reculer de la toile pour mieux voir l'ensemble de ce qui est repésenté. On ne peut en faire autant avec le livre : on est bien obligé de coller aux phrases et aux mots, ligne par ligne, sans distanciation ! Mais plus qu'un long discours,voici un extrait de cette logorrhée :
"Pas de courrier aujourd'hui 9 juillet. Claire entend la 2cv de Michel, retour de distribution. Peut-être demain, une lettre, mais de qui ? L'époque où Claire s'abonnait à des revues pour recevoir au moins quelque chose, régulièrement, est révolue. Révolue depuis le soir de Rians. Claire se souvient de la brusque attention de l'audience quand elle avait dit "caca". C'est tout. Il y eut quelques visites, Martine, Léa, "tu devrais revenir". Claire se contentait, armée d'un sourire, de leur servir à boire, de mettre de la musique, de ne jamais dire non, de ne jamais dire oui, de les laisser à leur discours, et peut-être ainsi, à la longue,de les troubler au point de doute."
Maintenant, un autre extrait, pour ne pas qu'on dise que j'ai choisi le pire, exprès : " Une autre fois, Suzy le comprit vite, Bernadette, n'ayant pas reconnu la voix de la soeur de Monsieur, avait demandé : "c'est Mademoiselle Jacqueline ? Monsieur m'a chargé de vous laisser un message". Il y avait dans la voix de Bernadette un peu de mépris que Suzy ne lui avait jamais connu. Suzy avait raccroché.. Aujourd'hui, de retour chez elle, dans le petit appartement du boulevard Haussmann, tout encombré d'objets qui refusent le souvenir, de cette poussière vivante qui dit l'absence comme une présence, Suzy va s'asseoir au bureau de son mari. Le téléphone est là. Elle veut réfléchir. Avant de prendre place, elle saisit le coussin du fauteuil, le bouffe à petites tapes, le retourne, le pose et prend place, les coudes sur le bureau, les poings joints sous le menton, le regard à l'horizon du papier jauni. Elle n'a plus d'argent. Il va falloir en trouver pour la reprise de La Carambole."
J'arrête ! J'en peux plus ! Et dire que ce navet a obtenu le Prix Goncourt en 1980 ! Cré dié ! C'est à ne pas le croire ! Le Jardin d'Acclimatation, en vérité je vous le dis : c'est 391 pages d'un long emmerdement tranquille !...