Par Robertcri
Le devoir de mémoire à géométrie variable…
Il y a quelques années, j’ai visité le village-martyr d’Oradour-sur-Glane. J’en avais souvent entendu parler : à l’école, au lycée, dans la presse, à la télé. Impossible d’ignorer ce terrible massacre de 632 personnes, y compris des enfants, des femmes. C’était le 10 juin 1944. Un drame affreux. Pas un acte de guerre, un acte de barbarie. Afin que se perpétue le souvenir de ce massacre, on n’a pas reconstruit le village, on l’a laissé en ruines, tel que les Allemands l’ont abandonné au soir de cette journée du 10 juin 1944. C’est une bonne chose de se souvenir ainsi des drames épouvantables de l’Histoire. Par contre, c’est moins bien d’invoquer le devoir de mémoire seulement quand ça arrange, et d’oublier vite fait ce qui dérange… J’explique : Pour Oradour, on veut se souvenir avec d’autant plus d’ardeur, que les coupables sont des Allemands, des barbares, des monstres !... Pour ma part, ce devoir de mémoire, pour légitime qu’il soit, ne me suffit pas. Car je ne crois pas que « les monstres » aient une seule nationalité, et qu’on en trouve seulement de l’autre côté de nos frontières… J’aimerais qu’on se souvienne aussi des horreurs que nous avons commises, nous, les Français, en France. Mais là, c’est bizarre… on devient amnésique ! Alors je vais vous raconter un massacre, dont la télé et la presse n’ont jamais parlé, celui du village des Lucs sur Boulogne, en Vendée, il y a un peu plus de deux cents ans… Nous sommes le 28 février 1794, en pleine révolution française, aux pires moments de la Terreur. Les Républicains, divisés en deux colonnes infernales entrent sur le territoire des Lucs-sur-Boulogne, alors divisé en deux paroisses; le Grand-Luc avec 2 050 habitants et le Petit-Luc, peuplé d'une centaine de personnes. Face à l'arrivée des colonnes, une partie de la population court se réfugier dans la chapelle du Petit-Luc. Mais les villageois ne sont guère en mesure de se défendre, la population présente compte principalement des vieillards, des femmes, des enfants. L’absence de presque tous les hommes adultes semble indiquer aux Républicains que les hommes ont participé aux combats menés contre la révolution sous les ordres de Charrette. L'abbé Voyneau, curé du Petit-Luc se présente alors aux soldats sur le chemin de la Molnaie, sans intention belliqueuse et sans armes. Mais les soldats se saisissent de lui, le torturent et l'éventrent. Matincourt, le chef des colonnes, décide de ne pas faire de quartier. La chapelle étant trop petite pour contenir toute la population, les soldats ouvrent d’abord le feu sur les personnes à l'extérieur, puis, afin d'économiser les cartouches, lancent une charge à la baïonnette, massacrant et achevant les blessés. Les survivants se barricadent à l'intérieur de la chapelle, mais les Républicains incendient alors l'église, puis tirent des obus d'artillerie sur l’église, ce qui provoque l'éboulement de l'édifice qui ensevelit tous ses occupants. Le massacre des Lucs sur Boulogne a fait 564 victimes, dont de nombreuses femmes et de nombreux enfants. Au fond, on n’est pas loin des 632 victimes d’Oradour, ce qui prouve qu’en France, on est capable de faire aussi « bien » que les autres, quand on veut bien !...
Il ne faut pas enterrer la mémoire des turpitudes françaises. En effet, en ne dénonçant que les crimes commis par « les autres », on finirait par se persuader que nous sommes parfaits, nous autres ! Et c’est dangereux de croire qu’on est parfaits et que seuls les autres sont des salauds ! La saloperie humaine n’a pas de frontière, la barbarie peut sévir aussi chez nous, et de notre fait, dans la douce France ! Le vrai devoir de mémoire, c’est de se souvenir de tous les massacres, et de les dénoncer tous, sans omettre ceux que nous avons commis. A quoi peut servir la lucidité vis-à-vis des autres, si nous demeurons aveugles vis-à vis de nous-mêmes ?...
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