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Littérature et écriture, dans les thèmes suivants : récits et nouvelles - souvenirs - chroniques - critiques littéraires et cinématographiques - humour - poésie - voyages et balades -

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Le Christi - René-Victor Pilhes -

Les lecteurs dont le cerveau est assez évolué pour s'intéresser à autre chose que les sempiternelles histoires de cul à l'eau de rose de la collection Harlequin, se souviennent sans doute du Prix Femina 1974, décerné à René-Victor Pilhes pour l'Imprécateur : roman prenant, envoûtant, aux frontières du réel et du fantastique, dans le monde inhumain et cruel des sociétés multinationales géantes... En 1997, René-Victor-Pilhes renoue avec le fantastique et publie Le Christi,   nous plongeant à la fois dans le monde moderne, américanisé, et les mystères anciens des Cathares... Les Cathares étaient des religieux qui connurent leur apogée au 13è siècle. Opposés à l'Eglise de Rome, ils dénonçaient le luxe insolent et le train de vie des prélats, et ils considéraient qu'il ne pouvait exister un seul Dieu "infiniment bon", car ce dieu n'aurait pas permis le mal ni le péché. Il y a donc "dualisme" : un Bon Dieu, et un Mauvais Dieu... Revenons au roman de Pilhes. Quelle est l'histoire ? En fait, une mission américaine arrive au village de Montségur, au sud de la France, sur les lieux mêmes où, en 1244, après l'impitoyable traque d'une Inquisition féroce, de nombreux Cathares furent brûlés vifs  pour hérésie... La mission américaine, dirigée par le général George, vient à Montségur pour y étudier de quelle manière la religion des Cathares pourrait expliquer la naissance et le développement éventuel de sectes susceptibles d'endoctriner, sous couvert de religion, des terroristes capables d'attentats... Or, dans le village, vivent les membres d'une communauté cathare, qui voient d'un très mauvais oeil l'intervention américaine... Peu à peu cependant, des relations cordiales vont s'établir entre le général George et le futur évêque des Cathares : dialogue fructueux entre la science et l'irrationnel... Toutefois, la communauté cathare compte en son sein des individus troubles : qui est véritablement Katine ?... Qui se cache sous le nom de Christi ?...  Pourquoi certains membres de la mission américaine sont-ils soudain sensibles à l'irrationnel ?... Tout le talent de René Victor-Pilhes est de nous faire vivre un suspense permanent fait de sourdes menaces qu'on perçoit, qu'on pressent sans pour autant les identifier... Au fil des pages, on s'achemine vers quelque chose d'inéluctable que pourtant on ne peut deviner et qui éclatera dans les toutes dernières pages... Au-delà de l'intrigue et du style, ce qui frappe dans ce roman c'est le caractère prémonitoire de bien des pages, notamment celles consacrées au capitalisme, aux produits financiers dérivés qui vont faire s'écrouler notre monde, tel cet extrait consacré au Marché : "Ce Dieu-Robot, c'est le Marché... Qu'est ce monstre dont les peuples n'ont jamais vu la figure et qu'ils entendent grogner, lui et ses petits, "les marchés", dès que son estomac le dérange et qu'il réclame sans délai son abominable ration d'ajustements, de licenciements, de réduction de budgets sociaux, de "cures de rigueur", de "vérité des prix", semant le désespoir, la famine et la mort en échange des juteux rendements des obligations du Trésor américain, et malheur aux pays qui renâclent et aux monnaies qui désobéissent, ils sont aussitôt abandonnés et châtiés par des déplacements instantanés de milliards de dollars, butins planétaires de fonds de pension, sociétés d'assurances, sociétés d'investissement à capital variable, et autres institutions financières et usines à fabriquer l'argent, imposant aux gouvernements une absence de règles et de lois, propice à leurs forfaits,  conforme à leurs insatiables appétits, hurlant sur leur passage à travers les nations dévastées : "Place ! Place !". Cette finance mondiale, hystérique, est adorée par vous car elle présente certains traits inhérents à la nature divine telle que les hommes l'ont imaginée.... Cette finance n'est plus visible, elle n'est plus matérialisée, plus de billets, de pièces, de lingots, rien que des écritures d'ordinateurs déchiffrables par les seuls initiés..."... Franchement, quelle clairvoyance ! Tout est dit sur la crise financière de fin 2008... avec plus de dix ans d'avance... On en reste confondu.

Notons encore que ce livre ne s'arrête pas au mot fin. Etonnant, non ? Je m'explique : on est tellement pris par les mystères des Cathares, que l'on a  envie d'en savoir un peu plus sur eux...  Ce n'est pas tous les jours qu'on lit un roman qui, outre le bonheur de lire, donne, par-dessus le marché, l'envie d'apprendre ! Allez, je vais de ce pas me documenter sur le sujet ! Mais auparavant, lézardons un peu : le soleil brille sur Anglet, ce dimanche 17 mai, ce serait bête de ne pas en profiter, les Cathares attendront un peu !...Amen !

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