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Littérature et écriture, dans les thèmes suivants : récits et nouvelles - souvenirs - chroniques - critiques littéraires et cinématographiques - humour - poésie - voyages et balades -

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La Modification - Michel Butor -

La Modification, paru en 1957, s'inscrit dans le mouvement littéraire qu'on a appelé le "Nouveau Roman", dont Alain Robbe-Grillet fut le chef de file. Michel Butor a obtenu le Prix Renaudot avec ce roman. Pourtant sa lecture m'a surpris : où est donc la nouveauté dans ce livre ? Oh certes, on décèle bien quelque chose de nouveau, essentiellement dans la forme : presque tout le récit est écrit à la deuxième personne du pluriel de politesse, et ça commence comme ça dès le début  : "Vous avez mis le pied gauche sur la rainure de cuivre, et de votre épaule droite vous essayez en vain de pousser un peu plus le panneau coulissant. Vous vous introduisez par l'étroite ouverture en vous frottant contre ses bords, puis, votre valise couverte de granuleux cuir sombre couleur d'épaisse bouteille, votre valise assez petite d'homme habitué aux longs voyages, vous l'arrachez par sa poignée collante, avec vos doigts qui se sont échauffés, si peu lourde qu'elle soit, de l'avoir portée jusqu'ici, vous la soulevez et vous sentez vos muscles et vos tendons se dessiner non seulement dans vos phalanges, dans votre paume, votre poignet et votre bras, mais dans votre épaule aussi, dans toute la moitié du dos et dans vos vertèbres depuis votre cou jusqu'aux reins."  Ouf ! Au passage, vous avez remarqué la longueur insoutenable de la deuxième phrase ? J'ai eu peur qu'elle ne finisse jamais et je me suis dit : ça commence bien, le Nouveau Roman !  En outre, avez-vous remarqué l'insignifiance de cette phrase interminable ? ce long bavardage mesquin sur une valise et sur les douleurs diverses qu'elle occasionne aux muscles, aux bras, à telle phalange ?  Moi, ce luxe de petits détails m'ennuie prodigieusement.. Quel verbiage ! Et ce pointillisme analytique se retrouve tout au long du livre : les chapitres défilent comme défilent les gares, car le héros est dans le train au début du roman, pourquoi pas ? Le problème c'est que page 278, il est toujours dans ce même train qui va de paris à Rome. A l'évidence on ne connaissait pas encore le TGV dans les années 60 !Il est vrai que le père de Michel Butor était employé aux Chemins de Fer du Nord !... Et tout au long des chapitres et des gares, Michel Butor nous raconte l'histoire de son héros : il habite Paris, dans le quartier de l'Odéon. Bel appartement, une domestique zélée, un luxe de bon aloi, un métier lucratif... Bref tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si son épouse, Henriette, n'était devenue une femme vieillie et chenue, grise et fade. Or notre héros, dans le cadre de son boulot, se rend souvent à Rome par le train, et voyage en première classe, aux frais de son patron évidemment... Alors, quand il rencontre à Rome la jeune et belle Cécile, il saute sur l'occasion (et sur Cécile ça va de soi !). Il décide de l'aider à s'installer à Paris... Tout le livre nous raconte cette histoire somme toute bien banale, cette scie, cent fois radotée dans la littérature comme dans la vraie vie, de l'épouse vieillissante quittée pour une jeunette, tant il est vrai  que l'amour rejoint un constat que chacun peut faire en gastronomie : le foie de veau est plus tendre que le foie de génisse ! Et le voyage dans le train est prétexte à l'évocation de tous les menus faits de cette rencontre, de ce nouveau départ dans la vie envisagé, avec une accumulation infernale de détails sans intérêt : les gestes des autres voyageurs, leur allure, leurs vêtements, le wagon-restaurant, le contrôleur, la couleur du ciel vue du couloir ou du compartiment du train. En outre, l'auteur procède à un insupportable étalage des richesses culturelles de Rome : pédant et chiant ! Là où, tout de même, une originalité se fait jour, c'est que les sentiments du héros évoluent, et subissent peu à peu une modification, d'où le titre du roman... Ainsi, Cécile, magnifiée et déifiée tant qu'elle est à Rome, sorte d'entité inaccessible, deviendra à Paris une femme de peu d'intérêt, pire : gênante... A vrai dire, je me doutais de cette modification bien avant la fin, à cause d'un détail sordide et révélateur : tandis que notre héros voyage toujours en première classe pour ses voyages d'affaires remboursés par sa boîte... il voyage en troisième classe quand il va rejoindre Cécile à Rome ! Car là, c'est lui qui paie, et ça change tout ! Là j'ai eu un doute : un Grand Amour qui ne vaut pas un billet de première classe payé de sa poche, ça ne peut pas aller bien loin !... J'avais raison... Terminus tout le monde descend, j'ai refermé le bouquin en m'étirant un peu. Ce voyage au pays de la lecture m'a bien fatigué.

Bio : Michel Butor  est né en 1920 à Mons-en-Baroeul dans la banlieue de Lille. Son père travaillait aux Chemins de fer. En 1929 la famille s’installe à Paris et Michel  va à l’école Saint-François Xavier. En 1939, au moment de la guerre, la famille reflue vers Evreux. En 1940, Michel Butor entre en seconde à Louis-Le-Grand à Paris. En 1944, il entre à la Sorbonne et obtient une licence de philosophie.  C’est en 1945 que paraît son premier texte : « Hommage partiel à Max Ernst ». Passionné de surréalisme, Michel Butor rencontre en 1946 André Breton.  En 1950 il est professeur au lycée de Sens. Son premier roman « Passage de Milan » est publié en 1951.

En 1956, il obtient le prix Fénéon pour son deuxième roman : » L’Emploi du temps ».

En 1957, il séjourne à Rome ; puis publie la même année  La Modification qui lui vaut le prix Renaudot. Il participe dès lors de l'école du "Nouveau Roman"

En août 1958 il épouse Marie-Jo.

En 1959, il donne des conférences en Hollande, en Allemagne, au Maroc. Malgré cet emploi du temps chargé, naissance de Cécile, la première de ses quatre filles.1960 : naissance de sa deuxième fille : Agnès. 1962 : naissance d’Irène ; 1967 : naissance de Mathilde, la petite dernière !

Butor a été professeur de langue française à l'étranger (notamment en Egypte) et professeur de philosophie à l'Ecole Internationale de Genève dans les années 1950. Ensuite il a commencé une carrière universitaire comme professeur de littérature, tout d'abord aux États-Unis, puis en France à l'université de Nice et finalement à l'université de Genève jusqu'à sa retraite en 1991.

Michel Butor est connu du grand public comme romancier, et en particulier comme l'auteur de La Modification. Cette image de l'auteur est probablement injuste, dans le sens où Michel Butor a définitivement rompu avec l'écriture romanesque après Degrés, en 1960, avec la publication de Mobile en 1962.

Après avoir essayé dans ses premiers livres de concilier à la fois un certain détachement de la forme traditionnelle du roman et une volonté de représenter le monde contemporain, se rattachant ainsi au groupe du Nouveau Roman, il choisit des formes nouvelles expérimentales, à partir de Mobile, grand ouvrage fait de collages divers (encyclopédies américaines, descriptions d'automobiles, articles de journaux, etc.) pour essayer de rendre compte de la réalité étonnante des États-Unis contemporains. Michel Butor a ainsi collaboré avec un très grand nombre de plasticiens pour réaliser des livres-objets.

Michel Butor depuis une quarantaine d'années se positionne donc dans un espace poétique, au sens large, au détriment d'une approche plus traditionnellement romanesque. Il est à l'heure actuelle l'un des écrivains vivants francophones d'une stature internationale reconnue. Il vit et travaille à Lucinges, un village de Haute-Savoie proche de Genève.

En 2006, vient de commencer la publication de ses œuvres complètes en dix volumes par les éditions de La Différence sous la direction de Mireille Calle-Gruber.

 

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