"La Maison-du-chat-qui-pelote" est une oeuvre de Balzac, qu'on a un peu de mal à classer : un peu long pour une nouvelle, un peu court pour un roman. Mais qu'importe. Ce récit permet une bonne approche de l'univers de Balzac. tant par l'histoire racontée, la psychologie des personnages que par la langue employée : une écriture classique, mais qui fait la part trop belle à certains archaïsmes ainsi qu'à des caprices de l'auteur, qui s'acharne par exemple à employer le verbe "harmonier" au lieu d'écrire comme tout le monde "harmoniser"... Mais oublions la forme, laissons ces analyses pointues aux étudiants en Sorbonne et plongeons-nous dans la lecture... "La Maison-du-chat-qui-pelote" est l'enseigne d'un magasin de tissu. La boutique est dirigée par les époux Guillaume, deux boutiquiers cupides, âpres au gain. Ils ont deux filles. L'aînée se prénomme Virginie, elle a 28 ans, elle est laide, c'est un "thon"comme on dirait aujourd'hui dans les cours de récré. La cadette, Augustine, a 18 ans et elle est très belle : les voies de la génétique, autant que celles du Seigneur, sont impénétrables... Dans le magasin, le commis tombe amoureux d'une des filles, devinez laquelle !....Bingo ! vous avez gagné : la plus jeune, la plus belle... pas le thon évidemment ! Comment faites-vous pour être aussi perspicaces ?... J'en suis ahuri ! Mais le boutiquier a d'autres vues : il souhaite, lui, que son commis épouse l'aînée, la moche ! Le commis hésite... mettez-vous à sa place !... Pendant ce temps, un artiste peintre, cultivé, intelligent et mondain, lorgne lui aussi la petite Augustine ! Quant à la jolie Augustine, elle ne balance pas longtemps : entre le terne commis un peu niais et le brillant peintre d'une intelligence étincelante, elle se rue sur ce qui brille et épouse le peintre, tandis que le commis se contente du second choix, en épousant Virginie... La suite se devine assez aisément, dans un monde moralisateur où il importe de consoler les gens des disgrâces du monde et de leur ôter les envies de gloire ! Et donc, la petite Augustine, devenue par son mariage madame de Sommervieux, sera très malheureuse auprès d'un artiste volage, méprisant, et qui la délaisse au profit des ors des salons et des courbes affolantes autant que ruineuses des jolies femmes qui rient trop fort dans les salons. Dans le même temps, bien sûr, le commis vivra heureux auprès de Virginie, laquelle fait oublier sa laideur par un sens avisé des affaires : "La Maison-du-chat-qui-pelote" devient une affaire prospère : voici donc la belle Augustine devenue pauvre et malheureuse, tandis que la laide Virginie coule des jours heureux et dorés... Il y a tout de même une justice en ce bas-monde, ah mais !!!.. Il ne reste plus qu'à écrire le mot "fin", mais auparavant, Balzac va plus loin encore : la belle Augustine déchue meurt à 27 ans, consumée par le chagrin et la désillusion ! Caprice d'auteur ? Non hélas, et Balzac sait de quoi il parle, car l'histoire d'Augustine est, à peine transposée, celle de la soeur cadette de Balzac, Laurence. Elle avait épousé, à 19 ans, un noble futile, et est morte, délaissée, à 27 ans... C'est ce drame personnel que Balzac nous raconte dans "La Maison du Chat qui pelote". Dans ce livre, c'est aussi toute une époque révolue qui nous est montrée, un témoignage sur des moeurs enserrées dans des convenances d'une terrible rigueur et d'une rare cruauté... Une confidence pour finir : Je ne sais pas vous, mais moi j'ai du mal à lire Balzac : ses phrases râpeuses écorchent ma lecture, les tournures sont souvent alambiquées et lourdes, son écriture a quelque chose de vraiment désuet... Mais bon, ce n'est là que mon ressenti... A vous de vous faire une opinion ; il vous suffit pour cela de lire "La Maison-du-chat-qui-pelote"... Et ne me dites pas que vous n'avez pas le temps, ça ne fait que 80 pages ! Pas long... pas cher, vous n'avez aucune excuse : lisez !.