Parlons aujourd’hui du dernier Houellebecq, Prix Goncourt 2010 : La Carte et le Territoire. Un excellent bouquin, bien écrit, bourré d’intelligence, plein d’humour aussi, et truffé de remarques tout-à-fait pertinentes, puisque Julien Lepers est décrit comme ayant une tête de bélier stupide !... Mais tout d’abord, permettez-moi d’exprimer mon étonnement devant la volte-face de la critique. Je m’explique, rassurez-vous, vous allez donc comprendre (à part la frange d’entre vous qui comprend de travers, il y en a toujours, c’est normal !... Et d’avance je pardonne aux mal-comprenants…) En fait, voici déjà quelques années, lorsque Houellebecq a publié Les Particules élémentaires, puis Extension du domaine de la lutte, puis Plateforme, la critique a hurlé au scandale ! Tous, d’une même voix, ont voué alors Houellebecq aux gémonies. Avec une telle haine que l’auteur a dû quitter la France pour vivre en Irlande afin d’échapper aux menaces ! Il est vrai que Houellebecq parle vrai, sans la moindre langue de bois. En ce monde où le tabou est roi et l’hypocrisie reine, malheur à celui qui, tel Houellebecq, dit ce qu’il pense en toute franchise, en toute sincérité et met le doigt en appuyant là où ça fait mal… Or, avec ce nouveau roman La Carte et le territoire, on découvre une critique unanimement enthousiaste, et braillant avec un bel ensemble : le Houellebecq nouveau est arrivé !... Pourtant, moi qui suis un fan de Houellebecq depuis ses débuts, je ne vois pas le moindre changement chez cet auteur. On y trouve toujours cette lucidité désespérée, cette permanente désillusion sur la nature humaine, parfaitement vue, analysée, et décrite, à travers les thèmes récurrents de Houellebecq : la fragilité des sentiments, la misère sexuelle généralisée, la crapulerie humaine, la dégradation effrayante des corps dans la vieillesse et son cortège de maladies… Evidemment, ça fait hurler du côté des romantiques qui en sont restés aux visions idylliques véhiculées par la collection Harlequin et les romans d’amour proposés dans la « sélection du trimestre » par France-loisirs… Mais revenons au roman de Houellebecq La Carte et le Territoire. Le héros, Jed, est un homme quelconque, pas très bien dans sa vie. Son père est un architecte obscur, sa mère s’est suicidée… Jed, après s’être lancé sans grand succès dans la photographie d’objets, est fasciné un jour par la beauté des cartes Michelin : il découvre que les cartes sont plus belles que les territoires qu’elles représentent. Il se lance alors dans la photographie de ces cartes qu’il transforme en œuvres d’art avec des trucages et des effets spéciaux, tandis qu’il est remarqué par Olga, qui occupe de hautes fonctions chez Michelin. Jed et Olga vivent ensemble un moment, avant qu’Olga ne retourne dans sa Russie natale. Jed prépare une exposition de ses œuvres, et contacte… Michel Houellebecq, pour qu’il lui rédige le texte de présentation de son expo… L’auteur accepte, mais un jour on le découvre mort, assassiné dans sa maison. Commence alors la deuxième partie du livre : l’enquête policière sur la mort de Michel Houellebecq !... Ainsi, dans cette œuvre, Houellebecq est à la fois l’auteur du roman, et un des personnages de l’histoire : prouesse originale, mais surtout rondement menée… En outre, ce livre, comme le sous-entend le titre, pose une question profonde : est-ce que la représentation du réel n'est pas plus vraie que le réel ? Oui, là il faut se la prendre à deux mains ( la tête, voyons, la tête !...) pour y réfléchir...
Quelques brefs passages, dans lesquels on retrouve du Houellebecq 100% pur jus :
Tout le récit est émaillé ainsi de ces considérations pertinentes et acerbes très éloignées de la bien-pensance gnan-gnan des masses, et qui provoquent souvent la haine d’un lectorat majoritairement conformiste. Et moi, tout au rebours, c’est pour cela que j’aime Houellebecq dès ses premiers écrits. Je n’ai pas attendu ce Goncourt pour mettre Houellebecq à la place d’honneur dans ma bibliothèque… Et vous, qu’attendez-vous pour vous ruer sur La Carte et le Territoire ? Et, si ce n’est déjà fait, découvrez aussi les textes antérieurs de Michel Houellebecq, et notamment : Les Particules élémentaires, Extension du Domaine de la Lutte, et Plateforme.