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Littérature et écriture, dans les thèmes suivants : récits et nouvelles - souvenirs - chroniques - critiques littéraires et cinématographiques - humour - poésie - voyages et balades -

L'Africain - JMG Le Clézio -

Depuis près d'un an que j'ai commencé cette rubrique  dédiée aux livres, je n'avais pas encore consacré la moindre lecture à Jean-Marie-Gustave Le Clézio, notre Prix Nobel de littérature depuis 2008. Il était grand temps que je m'avise de combler cette lacune... C'est chose faite aujourd'hui, puisque je viens de terminer "L'Africain". Ce n'est pas un roman, mais un court récit largement autobiographique, dans lequel Le Clézio évoque les souvenirs de ses années d'enfance passées en Afrique, et plus précisément à l'ouest du Cameroun, où son père exerçait, dans les années trente et au-delà,  la charge écrasante de "médecin de brousse" comme on disait alors... Souvenirs d'images, souvenirs de parfums et d'odeurs... On s'aperçoit, à cette occasion, que des faits en apparence insignifiants peuvent laisser aux enfants qui en sont les témoins un souvenir durable et une trace profonde ; ainsi Le Clézio nous raconte-t-il la souffrance éprouvé à la vue d'une femelle scorpion essayant de protéger ses petits de la mort, lorsque le père de l'auteur enflamme de l'alcool autour de l'animal pour le tuer... Mais le livre est également une quête biographique, au cours de laquelle Le Clézio part à la recherche de son père perdu et méconnu ; perdu car il est mort dans les années soixante,  méconnu car l'enfant a vécu longtemps sans la présence de son père, et aussi parce que son père ne disait rien de lui, de ses souffrances, de sa vie... Le Clézio part donc dans une enquête pleine de sensibilité, à partir des traces laissées par son père : quelques meubles, des photos prises en Afrique avec son appareil photo Leica (dont des reproductions illustrent le livre), quelques instruments de médecine ou de chirurgie... Enfin, outre les aspects biographiques qui sont évoqués, "L'Africain" est porteur de valeurs profondément humanistes. Le Clézio n'aime pas seulement son père, il aime tous les hommes sur la terre, et il l'écrit très bien. Enfin, ceux qui, comme moi, sont nés "aux colonies" y trouveront sans doute des éléments qui feront résonance en eux... L'Africain, un excellent bouquin, qu'on peut lire les yeux fermés... mais c'est quand même mieux si on les ouvre !!!

 Quelques extraits :

- Lui (mon père) qui avait parcouru les fleuves de la Guyane, qui avait, pansé, recousu soigné les chercheurs de diamant et les Indiens sous-alimentés ; cet homme ne pouvait pas ne pas vomir le monde colonial et son injustice outrecuidante, ses cocktails parties et ses golfeurs en tenue, sa domesticité, ses maîtresses d'ébène prostituées de quinze ans introduites par la porte de service, et ses épouses officielles pouffant de chaleur et faisant rejaillir leur rancoeur sur leurs serviteurs pour une question de gants, de poussière ou de vaisselle cassée.

- Un souvenir dramatique fait battre mon coeur encore aujourd'hui : Mon père avait découvert dans un placard un scorpion. En fait une femelle scorpion, qui transportait sa progéniture sur son dos. Mon père est allé chercher dans sa pharmacie un flacon d'alcool à 90°, il en a aspergé le scorpion et a gratté une allumette. Pour une raison que j'ignore, le feu a d'abord pris autour de l'animal, en formant un cercle de flammes bleues, et la femelle scorpion s'est arrêtée dans une posture tragique, les pinces levées au ciel, son corps bandé dressant au-dessus de ses enfants son crochet à venin au bout de sa glande, parfaitement visible. Une deuxième giclée d'alcool l'a d'un seul coup embrasée. L'affaire n'a pas pu durer plus  de quelques secondes, et pourtant j'ai l'impression d'être resté longtemps à regarder sa mort. La femelle scorpion a tourné plusieurs fois sur  elle-même, sa queue agitée d'un spasme. Ses petits étaient déjà morts et tombaient de son dos, recroquevillés. Puis elle s'est immobilisée, ses pinces repliées sur sa poitrine dans un geste de résignation, et les hautes flammes se sont éteintes.

Bio : Jean Marie Gustave Le Clézio est un écrivain français d'origine bretonne, mais dont la famille avait émigré à l'île Maurice au 18è siècle. Mais c'est à Nice que l'auteur est né, le 13 avril 1940. Grand voyageur, Le Clézio n'a jamais cessé d'écrire : ses premiers poèmes ont été écrits alors qu'il avait sept ans. Il obtint le Prix Renaudot en 1963 pour son premier roman : Le Procès-verbal. Son oeuvre comporte une trentaine d'ouvrages. En 1980, il a reçu le Grand Prix Paul-Morand décerné par l'Académie Française, pour Le désert. Enfin, le Prix Nobel de littérature lui a été attribué en 2008.

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