Par Robertcri
Si vous en êtes resté aux petites filles modèles de la comtesse de Ségur, ou à la douce et blonde Alice du Pays des merveilles, vous allez être surpris en découvrant les « Bad Girls » de ce premier roman de Colleen Curran, publié en France en 2007. Signe des temps, le romantisme n’est plus de mise chez ces petites demoiselles de 15 ans. Ce ne sont pas des petites princesses rougissantes. Elles sont trois, un trio de choc et de charme, qui fréquente le « Sacred Heart Holly Angels Collège », un lycée de filles, un collège bien comme il faut dans le Wisconsin, aux Etats-Unis. Elles s’appellent Astrid, Juli (sans « e » pour faire plus amerloque, yeah !) et Tishbe la narratrice. Astrid est très douée, puisqu’elle parvient à aspirer la fumée des Lucky Strike par la bouche et par le nez. Poussé par une curiosité quelque peu perverse, je me suis demandé si, tant qu’à faire elle n’avait pas testé d’autres orifices, mais le livre n’en dit rien, comme quoi, même quand on joue les affranchies, on trouve vite les limites d’une bonne vieille pruderie !... Et donc nos trois jeunes filles, nos trois bad girls ont une devise qui tient en trois mots (tout va pas trois décidément !) : Sex… Drug… et Rock’n Roll… Et tout au long des pages, nous suivons les aventures de ce petit trio diabolique, mais où perce souvent l’innocence et la fraîcheur, malgré tout… Leurs activités scolaires se limitent à fort peu de choses, et elles sont bien davantage préoccupées par leur coiffure, leur maquillage et la longueur( si on peut dire !) de leur minijupe moulante en jean… Alors l’auteur nous conte leurs petits exploits quotidiens : elles boivent… elles fument… elles se font peloter…elles sniffent de la colle, elles minaudent avec des mecs à moto, elles disent que Gainsbourg est un vieux dégueulasse… Bien entendu, le langage des bad girls est à la hauteur : « Putain, j’le crois pas ! »… « Saloperie de merde ! », etc… Il faut dire que leur surveillante, Soeur Joe, fume en cachette dans les toilettes… Quel exemple pour la jeunesse ! Bref, de bêtises en conneries, nos trois petites rebelles semblent tout autant victimes que coupables… Victimes de quoi ? on n’en sait rien … Une société moderne, vide, sans valeurs ni repères… un égalitarisme qui pousse les filles à égaler les mecs en se défonçant comme eux. Etrange égalité qui permet seulement aux filles de sombrer dans une déchéance jadis réservée aux mecs, une égalité par le bas… On ressent un vague malaise… Par contre, les filles, sous leurs comportements hardis de bad girls affranchies, se font tout de même baiser, et prendre aux pièges des mecs et à l’ivresse des mots pleins de promesses non tenues : on ne change pas comme ça les lois éternelles de la nature. Finalement, au terme de leur errance paumée, les trois filles mettront le feu au lycée, ultime excès dans une escalade de déviances et de violences… Dans les décombres, on trouvera deux morts… Je n’en dis pas plus, à vous de lire si vous voulez tout savoir ! Mais au fond, ce livre véhicule une morale assez traditionnelle : l’incendie final se solde par une punition : la mort, puis tout rendre dans l’ordre, on repart cette fois du bon pied… du moins pour ceux qui ne sont pas morts. Dormez tranquilles braves gens, la morale est sauve ! Disons enfin que le style du livre est assez vif, à l’image de nos trois bad girls trémulantes ! L’auteur glisse dans son texte des extraits de journaux intimes et des retranscriptions de communications téléphoniques, qui donnent souvent à ce roman les allures d’un documentaire qui sonne vrai ! A la prochaine grève de la SNCF, sur les quais de la gare Saint-Lazare, prenez ce livre avec vous, ça vous passera le temps sans vous casser la tête ! Et même ça vous permettra, mine de rien, de réfléchir un peu ! Après tout, si on a un cerveau, c’est fait pour ça !...
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