Par Robertcri
AU SOLEIL, ce n'est pas un roman. Maupassant, une fois enrichi par ses premiers succès littéraires, s'était acheté un yacht, avec lequel il entreprit des voyages. C'est ainsi que, le 9 ou le 10 juillet 1881, il arriva à Alger, pour un séjour de sept à huit semaines en Algérie. Au cours de son périple, il écrivit des articles qu'il envoya au journal Le Gaulois, et dans lesquels il décrit l'Algérie, en laissant percer ses convictions, celles d'une hostilité à la colonisation.... Ces articles ont été réunis en 1884 dans un recueil intitulé "Au soleil", dont les chapitres sont des invitations au voyage : La mer... Alger... La province d'Oran... Bou-Amama... Le Zar'ez... Constantine... Comme toujours chez Maupassant, la langue est étincelante, la description sobre et vivante, précise et émouvante... Maupassant, ça ne se critique pas, ça se lit... Voici un extrait du recueil (Le Zar'ez), dans lequel Maupassant nous décrit la mort d'un chameau :
"Puis, au moment où l'on débouchait de nouveau dans une plaine, une masse grise, étendue devant nous, remua, et lentement, au bout d'un cou démesuré, je vis se dresser la tête d'un chameau agonisant. Il était là, sur le flanc, depuis deux ou trois jours peut-être, mourant de fatigue et de soif. Ses longs membres qu'on aurait dit brisés, inertes, mêlés, gisaient sur le sol de feu. Et lui, nous entendant venir, avait levé sa tête, comme un phare. Son front, rongé par l'inexorable soleil, n'était qu'une plaie, coulait ; et son oeil résigné nous suivit. Il ne poussa pas un gémissement, ne fit pas un effort pour se lever. On eût cru qu'il savait, qu'ayant vu mourir ainsi beaucoup de ses frères dans ses longs voyages à travers les solitudes, il connaissait bien l'inclémence des hommes. C'était son tour, voilà tout. Nous passâmes. Or, m'étant retourné longtemps après, j'aperçus encore, dressé sur le sable, le grand col de la bête abandonnée regardant jusqu'à la fin s'enfoncer à l'horizon les derniers vivants qu'elle dût voir."
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