Par Robertcri
La Condition fumeuse…<o:p></o:p>
A la manière d’André Malraux<o:p></o:p>
Par Robert Lasnier<o:p></o:p>
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Peuples des fumoirs impérissables, et vous peuples des tabacs immenses, vous qui dans le silence absolu de la fumée, montez solennellement la garde autour des salons enfumés où s’enflamme d’abord la flamme grandiose des briquets ouvrés d’or avant que ne brûlent enfin, dans des feux insensés, les cigarettes aux volutes d’azur s’élevant aux cieux où veillent les martyrs,… tremblez ! Car lorsque les limbes de la légende se mêlent à l’écho contemporain des découvertes de la science, alors il n’est plus possible que se poursuive encore le sentiment profond de la nécessité du tabac dans la quête séculaire du bonheur qui emporte l’homme au-delà des nuées… Quand la fumée du tabac se retire des rives de l’Euphrate et de celles du Tigre qui lui font face, les mégots désormais immobiles, rangés en ordre d’une bataille sans espoir, s’apprêtent à la mort glorieuse du tabac, dont le pouvoir régna, invincible longtemps, comme l’obscurantisme mystérieux enserre avec jalousie les ténèbres où les fumeurs s’enfoncent depuis des millénaires… Bataillons de la résistance, ô vous les non-fumeurs, qui luttez dans l’ombre de la fumée depuis tant de siècles insensés, vous qui combattez contre le destin fatal d’un tabac qui anéantit le corps et embrume l’esprit, vous qui avez survécu à la nicotine comme au fracas des chars allemands remontant de la Normandie à travers les longues plaines dans de sombres cohortes, voici que se dresse, glorieux et grave, un jour symbolique, un jour grandiose : le premier janvier, qui frappe d’interdit et d’opprobre la cigarette aux desseins criminels… Quand au soir l’ombre descend enfin sur la ville endormie, et que, éreinté de sa journée si lourde, dans chaque maison, l’homme ouvrira un paquet de cigarettes, il verra désormais une femme habillée de blanc se dresser face à lui, comme l’ envoûtante voix de sa conscience lui enjoignant de larguer la clope et d’être enfin, plus grand que ce qui l’écrase… L’interdiction de fumer sera comme un espoir, celui de la victoire éternelle des fleuves du bien sur les torrents tabagiques du mal… Oui, les fumeurs protesteront sans doute ! Levés en une armée géante issue des ténèbres, ils diront que fumer est un acte qui n’est pas issu du hasard, et qu’il se fonde sur la nécessité de l’Histoire… Ils vous citeront les grottes de Lascaux, où des hommes peints en ocre fument la pipe, ils vous indiqueront les scribes de Mésopotamie qui dessinent sur la pierre des cigarettes cunéiformes, ils vous montreront les prêtres égyptiens traçant des hiéroglyphes sur des cigares roulés dans des feuilles de papyrus, ils vous désigneront les Incas humant les vapeurs des champignons hallucinogènes, chauffés dans des têtes d’obsidienne, ils vous citeront le Dalaï Lama dessinant des idéogrammes sur des pipes de bambou, ils vous montreront les moines copistes recopiant la Bible dans les fumées de l’encens… Mais vous, les non-fumeurs, drapés de votre sérénité tranquille et forte, vous écouterez en souriant bruire l’immense essaim de la mauvaise foi… Puis, héros anonymes et gigantesques, vous vous lèverez comme se lève la conscience des siècles, comme se lèvent les astres au-delà des constellations infinies, pour lancer à la face du monde ce cri immense monté de vos poitrines non encrassées : « Non au tabac à jamais » ! Et votre cri, par lequel vous aurez arraché l’humain à la mort, montera alors vers le ciel comme une flamme pure à jamais sublimée, pour s’élever jusqu’aux limites de l’univers, aux confins de l’Infini !...<o:p></o:p>
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