•  La vie des femmes mariées est une curieuse pochade écrite voici bien longtemps, au 16è siècle, par Pierre Arétin. L’opuscule n’est guère épais (Pas comme Tolstoï ! ha ! ha ! ha !, humour !) : à peine 120 pages. Il se présente comme un dialogue entre deux femmes, Antonia et Nanna, l’une racontant à l’autre les frasques sexuelles des femmes mariées, lesquelles passent leur temps à se faire mettre par des hommes bien membrés ! On chercherait en vain un quelconque romantisme ici, on va directement au but, et pan ! Dans le mille ! Bien entendu, les récits sont crus, mais en même temps le langage est très imagé, très détourné : on ne parle ici que de bêche labourant le petit domaine… du ribaud qui lâche son eau au moulin, et autres comparaisons égrillardes. Mais jamais le moindre terme médical, ou psy : ni intromission ni libido, on n’est pas ici chez Mireille Dumas ni chez Françoise Dolto. Là, les femelles en rut s’empalent sans retenue sur les mandrins les mieux calibrés du canton ! Cela étant, la lecture de ces parties de jambes en l’air est fastidieuse et terriblement répétitive ; c’est une avalanche de bidoche poisseuse, dans des aventures sans queue ni têtes… euh… non, pas sans queues, au contraire !... Mais en tout cas, c’est une écriture sans grand intérêt, une sorte de curiosité littéraire, qui témoigne d’une certaine époque… Pour celles et ceux que ça intéresserait, Arétin a écrit également La Vie des nonnes, et La vie des courtisanes. Mais à mon avis les récits doivent être à peu près semblables, en raison de l’anatomie féminine qui est ce qu’elle est, que ce soit chez les femmes mariées, les nonnes ou les courtisanes ! et parce que l’anatomie masculine est également assez semblable en dépit de quelques variations dimensionnelles qui peuvent faire, il est vrai, toute la différence, comme me le confirmeront sans doute bon nombre de lectrices !... C’est publié aux éditions Allia.

    Bio : Pierre Arétin est né en 1492 en Italie à Arezzo. Un riche banquier, mécène du peintre Raphael, le prend sous son aile (dorée). Du coup, Arétin se la coule douce, ne cherche pas de boulot, ne pointe jamais à Pôle Emploi, et passe son temps à écrire des grivoiseries et des récits cochons de toutes sortes. Evidemment, ça lui vaut quelques ennuis avec le pape, mais il trouve refuge à Mantoue, avant de s’installer définitivement à Venise, où il reste jusqu’à sa mort en 1556, à l’âge de 64 ans. On dit qu’il est mort de rire : en effet, tandis qu’on lui racontait une blague salace, il a tellement ri qu’il est tombé à la renverse, se fracassant le crâne ! C'est ce qui s'appelle se fendre la geule !... Une belle mort, non ?...


    votre commentaire
  •  La solitude des nombres premiers, publié en 2009, est assurément un roman magnifique, qui émerge avec bonheur dans l’univers dégoulinant de bêtise sirupeuse des Harlan Coben et autres Musso médiatiques à l’usage des masses. Mais avant même de parler du livre, je veux d’abord rendre un hommage appuyé à Nathalie Bauer, la traductrice. C’est elle qui a traduit ce roman italien de Paolo Giordano. Et Nathalie Bauer nous offre un texte écrit en un français parfait, fluide, précis, sensible. A aucun moment, on ne sent l’approximation d’une traduction : c’est du grand art, bravo Nathalie Bauer !... Venons-en au roman lui-même, et d’abord, pourquoi ce titre ? Rassurez-vous, on a bien affaire ici à un vrai roman, et non à un ouvrage ardu de mathématiques. Je vous explique : si votre Q.I est supérieur à 80, ce qui est votre cas puisque vous lisez mon blog, vous savez qu’il existe des nombres premiers, par exemple 17, 19, 67, 83, etc... Certains sont très proches, comme 17 et 19… Mais,  si proches que soient 17 et 19, ils sont pourtant irrémédiablement séparés par le nombre 18… Le roman de Paolo Giordano va épouser cette logique mathématique, et nous raconter l’histoire de deux êtres, Alice et Mattia, qui sont un peu comme ces nombres premiers : dès l’école primaire, ils ont des points communs, comme peuvent en avoir deux nombres premiers.  Alice et Mattia se sentent proches, prisonniers l’un et l’autre d’une solitude radicale. Alice est handicapée par une jambe brisée qui s’est mal remise, Mattia est isolé dans son amour fou des mathématiques qui le condamne à l’incompréhension des autres. Tout au long de leur enfance et de leur adolescence, ils se frôlent, se côtoient, mais sans parvenir jamais à effacer complètement cette distance qui sépare toujours deux nombres premiers si proches soient-ils…  Devenus adultes, ils sont séparés par les vicissitudes de la vie. Alice a connu un médecin, Mattia est parti loin, il enseigne les mathématiques… Chacun fait comme s’il avait oublié l’autre. Mais peuvent-ils être éloignés durablement ? Un jour, Mattia reçoit une lettre : elle est signée d’Alice. Elle l’appelle, il accourt. Mais selon la logique mathématique, deux nombres premiers, même très proches, sont toujours séparés au moins par un nombre pair… Entre 17 et 19, il y aura toujours le nombre 18… Qu’en sera-t-il pour Mattia et Alice ?... Echapperont-ils à cette caractéristique implacable ?... hé ! hé ! Achetez le livre, et vous le saurez.  Un dernier mot : l’écriture est belle, et le roman est découpé à la façon d’un puzzle, chaque chapitre étant plus particulièrement consacré à un personnage. Mais comme les personnages ne sont pas très nombreux, on s’y retrouve très bien. Un beau livre, un bon livre, comme on en trouve assez peu.  Il est publié chez Seuil et vaut 21 euros.

    Bio : Paolo Giordano est né à Turin en 1982. Fils d’un père gynécologue et d’une mère enseignante, c’est un écrivain italienqui vit à San Mauro Torinese. En 2008, âgé de 26 ans, il publie son premier roman La solitude des nombres premiers, qui reçoit le prestigieux Prix Strega. C’est aussi un scientifique accompli auteur d’une thèse sur les propriétés des quarks. Quoi qu’il en soit, Paolo Giordano est un auteur à suivre.


    votre commentaire
  •  Histoire d’oublier une méchante grippe qui me fouaille depuis plus de quatre jours, je me suis vautré devant un film déjà ancien : Les Bonnes causes, réalisé par Christian-Jaque en 1962. J’ai bien fait. Ce film est en fait un polar particulièrement original. On y trouve Pierre Brasseur en grand avocat sans scrupules (Maître Cassidi), Marina Vlady en épouse criminelle (Catherine), Virna Lisi en infirmière (Gina) que tout accuse, sans oublier un Bourvil inattendu dans le rôle du juge d’instruction Gaudet…. L’histoire : Un industriel nommé Dupré est assassiné dans son lit, suite à une injection mortelle de son infirmière Gina. L’épouse de Dupré fait accuser Gina, et elle n’a pas de mal à ça : c’est Gina qui a fait la piqûre, et elle était de surcroît la légataire de Dupré. La police enquête et Gina est inculpée. Dans ce film dramatique, le suspense ne consiste pas à savoir qui est l’assassin, puisque dès le début, on sait que c’est l’épouse qui a tué son mari, et que Gina, l’infirmière est accusée à tort.  Ce que le film montre donc, c’est le déroulement impitoyable et inexorable d’une justice à deux vitesses : d’un côté l’épouse criminelle est défendue par un très grand avocat, qui est par ailleurs son amant. En face, l’infortunée Gina est défendue par un jeune avocat débutant, sans envergure… Malgré les scrupules du juge, qu’interprète un Bourvil inspiré et émouvant, Gina sera condamnée… Oui mais… quelque chose va se produire tout à la fin, qui pourrait bien faire triompher la vérité… Belles images en noir et blanc comme on les tournait encore beaucoup dans les années 60, avec d’excellents dialogues d’Henri Jeanson, et les brillantes interprétations de Bourvil et de Pierre Brasseur. Les Bonnes causes, un film méconnu, à découvrir…


    2 commentaires
  •  La Demi-pensionnaire, de Didier van Cauwelaert. Que voilà un roman frais, pétillant, intelligent et beau. En le résumant, on peut dire que c’est une histoire d’amour. Mais quand on dit ça, les gens imaginent des trucs sirupeux : la salive des baisers, les soupirs énamourés et gnan-gnan, un prince charmant et d’innombrables secrets d’alcôve mêlés à de honteux secrets de famille !... raté, tout faux ! Ici c’est une histoire d’amour intelligente. Le héros, Thomas est une jeune, un type normal, sans ambition particulière, un peu perdu dans la vie, seul aussi et qui bosse à la Sacem (Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique). Un boulot alimentaire et sans gloire.  Par suite de circonstances particulières, il est amené à déjeuner avec Hélène, une ravissante jeune fille. A la fin du repas, il découvre avec stupeur que ladite jeune fille est assise non sur une chaise, mais dans un fauteuil roulant : elle est paralysée suite à un accident… Entre eux va se développer une étrange aventure, au cours de laquelle l’amour va naître. Mais vous chercheriez en vain des flots d’eau de rose, il n’y en a pas une goutte. Pas non plus de ces grivoiseries à la limite de la vulgarité au prétexte de faire libéré. Il reste ici l’intelligence et la finesse de la découverte réciproque de deux personnes. Thomas, peu à peu, va se rendre compte que c’est lui qui vivait comme un infirme, tandis qu’Hélène, bien que privée de ses jambes, a en elle un potentiel de vie et d’enthousiasme immense… Mais surtout, tout ça nous est raconté avec une rare élégance. L’auteur évite ici tous les poncifs habituels. Ni drame, ni pleurnicheries, ni érotisme de bazar, ni nombrilisme, ni pitié misérabiliste envers le handicap. Ni thèse ni leçon de morale, mais une chouette histoire rondement menée, avec une diabolique habileté narrative et littéraire. Le récit est truffé d’allégresse, d’humour, de légèreté… Le tout en 218 pages, ce n’est donc pas un lourd pavé logomachique. Bravo à Didier Cauwelaert. ! C’est autre chose que la piètre écriture imbécile et démagogique d’une Régine Deforges que j’ai lue il y a quelques jours ! Il existe donc encore des écrivains sachant nous raconter une histoire à l’aube du 21è siècle ! Plutôt réconfortant !... Et c'est publié chez Le Livre de Poche ! Pas cher donc et on le trouve partout, même dans les hypermarchés, qui ne vendent donc pas que de la merde, quoi qu'on dise ! La  Demi-pensionnaire, à mettre sans faute dans votre caddie, entre la galette des rois et le soutif en solde !...


    votre commentaire
  •  La Route, ce n’est pas tellement un film. C’est plutôt un livre d’images réalisé en 2009 par John Hilcoat. Des images saisissantes, celles d’un monde totalement anéanti par une catastrophe survenue en 2929. Les paysages désolés sont filmés pratiquement sans couleurs et donnent de notre planète une vision envoûtante et cauchemardesque. Pour le reste, l’histoire est un peu longuette : Un homme hirsute (Viggo Montensen) chemine le long de la route, accompagné de son jeune fils. Rien à manger, et chaque pas accompli, chaque journée passée, est un terrible combat pour la survie. Dans ces contrées dévastées, chaque humain rencontré est un ennemi. Des groupes affamés, réduits à l’état de bêtes, vont jusqu’à manger ceux qu’ils peuvent capturer… L’humanité est retournée à l’animalité. C’est la loi du plus fort, basta la morale, c’est chacun pour sa gueule. Sauf bien sûr pour nos deux héros amerloques ! Eux, le papa et son fi-fils font partie des « gentils » : ils sont tout mignons et n’ont que des « pensées positives » ce qui n’est pourtant pas facile dans ce monde en ruine peuplé de quelques brutes luttant pour la vie… Et donc ils cheminent sur la route, traversent des paysages désolés, des villages ravagés, un monde de mort… Que croyez-vous qu’il va arriver ? Allez, essayez de deviner… Bon, je vous le dis : le papa va mourir, et nous avons droit à une agonie interminable, avec de belles paroles pleurnichardes et sirupeuses échangées entre le fils et son père mourant, un truc comme on n’en voit jamais dans les hôpitaux  dans la réalité, où les gens meurent la gueule ouverte en râlant, et sans jamais dire des choses intéressantes aux héritiers, impatients déjà de trouver le livret A et le vider vite fait, pour faire chier le beau-frère et aussi pour ne pas payer les impôts… Mais dans ce film noir, les choses sont mieux faites, et repeintes en rose : le papa donc meurt, mais, juste à ce moment là, arrive…une famille providentielle : ouf ! Le pauvre petit ne sera pas abandonné. Surtout que la famille nouvelle est une belle famille, très unie évidemment : un papa, une maman, et deux bambins bien gentils et bien obéissants qui pètent la forme malgré la pénurie. Bien sûr, ils ne sont pas très propres sur eux, mais ça, c’est à cause de la Terre ravagée dans laquelle on ne trouve pas souvent une douche et un bout de savon La Girafe. Mais leur beauté intérieure, elle est nickel ! Et donc le film se termine sur cette belle vision d’espoir : le petit orphelin est immédiatement adopté par la famille-modèle amerloque bien-pensante, et tout ce petit monde se met en marche sur la route. Que vont-ils trouver ? On ne le sait pas… peut-être, un jour, une ville épargnée, où ils pourront enfin se réinstaller, et tout recommencera comme avant : le bonheur dans l’HLM, la queue à l’ANPE pour trouver un CDD, le week-end chez les beaux-parents, entrecoupé par les courses chez Leclerc le samedi, et le gazon à tondre le dimanche, avant les embouteillages le lundi matin : la belle vie, quoi, en attendant la retraite et ses joies : col du fémur, Alzheimer, dentier, la liste est longue avant la crémation finale !...   En tout cas, ce film est sombre, et pas rigolo du tout. Très éloigné de Bidasses en folie et de Camping 3… Voilà, c’est ça, La Route. C’est tiré du livre de Cormac Mccarthy, intitulé également La Route, paru en 2006, et qui est, selon de nombreux avis, bien meilleur que le film. Mais comme je n’ai pas lu le bouquin, je ne me prononce pas. A vous de voir… ou de lire. Ou les deux, pourquoi pas ?...


    1 commentaire