•  Des Hommes et des Dieux, réalisé par Xavier Beauvois, est un film sorti le 8 septembre 2010. Au générique, quelques acteurs de premier plan, dont Lambert Wilson et Michael Lonsdale. L'histoire ?... Celle des sept moines de Tibéhirine, enlevés en Algérie en 1996, au monastère de l'Atlas, puis massacrés dans des circonstances qui n'ont jamais été élucidées. Le réalisateur a fait de cette histoire une sorte de longue méditation humaniste. Jamais il ne traite de l'islamisme, jamais il ne traite de la religion chrétienne... Il nous montre seulement les dernières années supposées de cette communauté de religieux au service des populations locales. On voit ces hommes aux prises avec leur engagement, mais aussi avec leurs doutes. Lorsque tout un groupe d'ouvriers croates est égorgé tout près, lorsque l'armée leur propose une protection armée, puis les invite de rejoindre la France en raison du danger croissant, on voit ces religieux partagés. Après des débats entre eux, riches de vie intérieure, ils décident de rester... Et le pire arrive : le monastère est brutalement investi, les moines sont enlevés. Sauf deux : l'un qui était à l'extérieur, et l'autre qui, à l'arrivée du commando extrémiste, s'est caché sous son lit et n'a pas été découvert... Après cet enlèvement, le film se termine par l'image d'un long cortège : dans les neiges de la montagne, les moines et leurs ravisseurs s'enfoncent puis s'effacent dans le brouillard, et sans que ce soit montré, on sait qu'ils vont mourir... Film grave. A la fin, le silence des spectateurs en dit long... Pour autant, si l'ambition du film est immense, l'oeuvre cinématographique n'est pas à la hauteur. Le cinéma est l'art de l'image et du mouvement, et il n'est pas très adapté au rendu des discours intérieurs et de la méditation. Le cinéma est à la peine quand il s'agit de montrer ce qui est immobile en apparence. Ou alors il y faut un talent fou. D'où des scènes parfois longues, trop longues, et j'ai plusieurs fois entendu çà et là, autour de moi, quelques ronflements discrets de spectateurs assoupis tandis que sur l'écran, les moines psalmodiaient un choeur à une voix empli de paix ! Par exemple on a droit à un interminable passage musical sur l'air du Lac des Cygnes, tandis que la caméra s'arrête successivement, en très gros plan, sur le visage de chacun des moines pour nous en livrer les traits censés être les plus humains et les plus profonds ! Comme s'il était indispensable d'être chiant quand on veut être sérieux... C'est quand même un comble, de parvenir à faire pioncer les gens quand on prétend les secouer et les éveiller ! Il manque à ce film le souffle d'un vrai suspense ou, à tout le moins, une progression dramatique que l'on ne ressent pas assez. Au fond, ce qui est triste, c'est qu'on est bouleversé par ce drame sans être bouleversé par le film. Dommage...

    Remarque : un des deux moines rescapés est décédé en 2008, l'autre vit encore, il a 86 ans.


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  •  Pendant les cinq heures de mon voyage en TGV, entre Biarritz et Paris, j'ai regardé courir les nuages bas dans le ciel plombé d'octobre, tandis que champs et horizons, forêts et collines se perdaient dans des lointains rendus flous par la pluie. Et tandis que, tout autour de moi, les voyageurs se ruaient sur leurs portables, dans une cacophonie téléphonico-ferroviaire à nulle autre pareille, je me suis plongé dans la lecture de "Monsieur Pinocchio", de Jean-Marc Roberts. Rien, absolument rien ne m'a plu dans ce livre. Et surtout pas le style, qui est à la littérature ce que le manger de cantine est à la gastronomie, c'est vous dire ! Le langage écrit est ici une sorte langage parlé, sans doute pour faire vrai, mais patatras, ça fait faux... Quant à l'histoire, elle est nullissime : imaginez des chapitres qui se répondent ; l'un est écrit par Emmanuelle, la fille, l'autre par "Monsieur Pinocchio", qui est le baiseur attitré  de Rachel, la mère d'Emmanuelle... vous suivez ?... Bon, je poursuis :  Emmanuelle a aussi un père, c'est Jean-Vincent, c'est le cocu de service, qui bien sûr est médecin (on voit peu d'ouvriers ou de manutentionnaires dans les romans et les feuilletons !)... Que se passe-t-il au fil des pages ? Rien d'intéressant, rien que du banal. A longueur des chapitres alternés, on saura pourquoi le cul de Rachel fait bander Pinocchio (car dans ce livre, contrairement à ce qu'on croit souvent, ce n'est pas le nez de Pinocchio qui s'allonge !) Rien ne nous sera épargné dans ce récit, pas plus les délicieux saignemnts menstruels de Rachel, que Pinocchio suce avec délices en se pourléchant les babines (ah, le Grand Amour romantique !), que la première gorgée de sperme avalée par la jeune Emmanuelle sur une plage d'Agadir (Vous remarquerez que, dans les romans, le sperme est toujours bien meilleur sur une plage d'Agadir ou de l'île Maurice que dans dans un entrepôt industriel à Gagny !... C'est comme ça !)... Bref, l'auteur nous emmerde avec ces personnages qui se trifouillent l'ego et étalent leurs états d'âme à propos de copulations sans le moindre intérêt, comme il s'en passe dans le moindre HLM, un peu partout, et peut-être autour de vous... ou chez vous... à votre insu peut-être !... Vous devriez vérifier.. on ne sait jamais !... En tout cas, pas de quoi en faire un roman, surtout quand il est si mal écrit et si peu intéressant.


    Bio : Jean-Marc Roberts est né le 3 mai 1954. D'abord éditeur chez Seuil, puis Mercure de France, puis Fayard avant de diriger les éditions Stock, il plaque femme et enfants et plaque aussi l'édition pour passe de l'autre côté de la plume en se faisant écrivain. Il a à son actif une vingtaine de romans, dont j'espère qu'ils ne sont pas du même tonneau que "Monsieur Pinocchio". Jean-Marc Roberts a obtenu le Prix Renaudot en 1979 avec "Affaires étrangères", qui a été, par ailleurs, porté à l'écran. Un autre de ses romans "Une étrange affaire", a également fait l'objet d'un film réalisé par Pierre Granier-Defferre en 1981 et a reçu le Prix Louis Delluc.


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  •   Depuis quelques années, on voit la philosophie se galvauder ! Chaque bistrot de quartier prétend animer des «débats philosophiques" pour le populo ! Même France-Loisirs ose mettre dans son catalogue des bouquins de philo ! C’est dire à quel point de démagogie on est arrivé, en faisant croire à chaque pécore qu’elle peut « faire de la philo », à chaque abruti qu’il peut surpasser Van Gogh, et au moindre crétin qu’il peut monter sur scène en braillant avec art !... Mais laissons là ces considérations personnelles, et venons-en au livre que je viens de lire : «Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale », par Simone Weil. Non, pas celle, inusable, increvable et intouchable  de tous les gouvernements depuis cinquante ans, mais l’autre, la Simone Weil philosophe, qui mourut de la tuberculose en 1943, à l’âge de 34 ans… Dans cet essai rédigé en 1934, elle analyse essentiellement les causes de l’oppression sociale, autrement dit les rapports de domination et de soumission qui naissent dans toute société humaine. Elle choisit pour cela de s’appuyer sur le travail humain, sa nature et ses conditions… Rassurez-vous, je ne vais pas vous décortiquer le bouquin, mais simplement vous suggérer de le lire, tout simplement… Il n’y a pas d’histoire à raconter ici, pas de suspense ni de happy end, mais il y a sous la plume de cette jeune femme (elle a 25 ans alors !) des considérations qui méritent d’être lues, méditées, et des remarques qui entrent souvent en parfaite résonance avec le monde d’aujourd’hui… Le livre est assez pessimiste, dénué de toute illusion. Pour Simone Weil,  l’homme serait condamné à être opprimé : dans les sociétés primitives, il est dominé par les forces de la Nature, tandis que, au fur et à mesure qu’il s’en libère, il subit alors l’oppression d’une société de production dont les moyens et les fins lui échappent. Se creuse alors le clivage entre ceux qui pensent et coordonnent et ceux qui exécutent… Simone Weil note aussi que l’oppression tend à constamment augmenter, car celui qui détient le pouvoir doit constamment lutter, pour le maintenir, contre la désobéissance des subordonnés, et contre les appétits des concurrents qui veulent s’emparer de son pouvoir…

    Elle écrit des phrases d’une étonnante actualité : «  Le chaos de la vie économique est évident. Dans l’exécution même du travail, la subordination d’esclaves irresponsables à des chefs débordés par la quantité des choses à surveiller, est cause de malfaçons et de négligences innombrables ; ce mal, d’abord limité aux grandes entreprises industrielles, s’est étendu aux champs, là où les paysans sont asservis à la manière des ouvriers. L’extension formidable du crédit empêche la monnaie de jouer son rôle régulateur en ce qui concerne les échanges. »

    Elle en vient aussi à écrire ces mots : « Il existe encore un autre facteur de servitude ; c’est pour chacun l’existence des autres hommes. Et même, à y bien regarder, c’est à proprement parler le seul facteur de servitude. L’homme seul peut asservir l’homme. » On est tout proche ici de la phrase de Sartre « L’enfer c’est les autres. »…

    N’y a-t-il pas d’espoir pour plus de liberté ?... Simone Weil, à plusieurs reprises, suggère que c’est par la pensée que l’homme pourrait avancer vers plus de liberté, et elle dénonce –déjà- l’abrutissement et l’abêtissement des masses par les médias ! Remarquable clairvoyance !... Hélas !... Simone Weil n’est plus là, mais quand on consulte la grille des programmes de TF1 ou de RTL, ou qu’on feuillette le catalogue de France-loisirs, on se dit que la pensée et la liberté ne sont pas pour demain ! Et que l’oppression a encore de beaux jours devant elle, et pour longtemps !...

     

     Bio : Simone Weil est née en 1909. Après des études secondaires au lycée Victor Duruy à Paris, où elle suit les cours de Le Senne, elle obtient son bac philo en 1925, à l’âge de 16 ans. Elle passe ensuite trois ans au lycée Henri IV où elle a pour maître le philosophe Alain. Elle entre en 1928 à l’Ecole Normale Supérieure et est agrégée de philosophie en 1931, à 22ans. Grosse tête, la meuf ! Tout le contraire d’une blonde qui fait coiffure !... Elle commence par enseigner au Puy, mais très vite, la jeune philosophe se range du côté des opprimés, en tant que philosophe chrétienne. Elle se fait embaucher comme ouvrière chez Renault en 1935, puis ouvrière agricole en 1941. Elle quitte la France en 1942, allant d’abord aux Etats-Unis puis à Londres où elle travaille pour le général de Gaulle. Mais, atteinte de la tuberculose, elle démissionne en juillet 1943 et refuse de se nourrir, par solidarité avec les souffrances de ses compatriotes français. Elle meurt quelques semaines plus tard, le 24 août 1943, dans un sanatorium britannique. Elle a 34 ans.



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  •  Enfin une histoire qui palpite un peu ! Il était temps, après ces dernières lectures où le mièvre le disputait au confus et à l’ironie bistrotière à prétention philosophique ! Ouf ! Avec « Seul le silence », de R.J Ellory, paru en 2008, on a un polar qui est un polar, mais pas un polar de gare, avec une véritable histoire, une histoire qui fait froid dans le dos : dans la petite ville américaine d’Augusta Falls, en Géorgie, un jour, on découvre le cadavre, atrocement mutilé, d’une petite fille, Alice, 11 ans. Tuée et violée… On est en 1939. Le héros de l’histoire, Joseph Vaughan, a alors 12 ans. Il est particulièrement bouleversé : Alice était sa voisine en classe. L’enquête est immédiatement confiée au shérif Haynes Dearing. Mais il n’y a eu aucun témoin, il n’y a pas le moindre indice, et les recherches ne donnent rien… Et puis on est au tout début de la deuxième guerre mondiale, on a tant d'autres préoccupations !... Peut-être est-ce là un drame isolé ? Une tragédie comme on en trouve çà et là de par le monde, ce vaste monde fait de larmes et de sang ?... Hélas non, on trouve bientôt le corps dénudé et découpé en morceaux d’une nouvelle petite fille de 9 ans… Un tueur rôde dans l’ombre, la peur s’installe dans la ville. Le shérif est à nouveau sur le coup, mais sans succès. L'enquête piétine. Avec cinq copains d’école, le jeune Joseph crée alors une sorte de club secret : « Les Anges gardiens ». Leur mission : surveiller la ville et veiller sur toutes les petites filles, afin de les protéger et de parvenir à démasquer le tueur… Malheureusement, malgré cette généreuse intention, une troisième petite fille est bientôt découverte… La peur tourne à la psychose collective, la chasse aux sorcières n’est pas loin… Bientôt est homme est mis en cause par la rumeur publique, c'est un Allemand, alors forcément... Joseph se culpabilise : « Les Anges gardiens » ont échoué, et de nouvelles petites victimes s’ajoutent encore aux premières… Après de dramatiques péripéties, Joseph a grandi, il a 19 ans, et il reçoit un jour la visite de son institutrice, Alexandra  Webber : histoire d’amour… L’institutrice apprend l’amour à Joseph et surtout l’incite à écrire… Mais à la suite d’un nouveau drame, Joseph décide de partir, et de s’installer à New-York et de vivre une nouvelle vie, loin de la Géorgie. Devenu écrivain, il écrit l’histoire de sa vie et les meurtres des petites filles… Mais il se trouve frappé d’un nouveau drame personnel : sa nouvelle compagne, Bridget, est retrouvée morte, sauvagement assassinée…A partir de là, un terrible engrenage va se mettre en route, désignant Joseph comme le coupable… Et ce n’est que dans les toutes dernières pages que la vérité nous est révélée… Ce roman est d’une grande noirceur, mais il est fort bien écrit, en sorte que, à chaque page, on s’impatiente de tourner la page suivante pour connaître la suite… Pourtant, le suspense est un peu inégal, en raison d’un déséquilibre dans l’écriture du livre. Explication : Les 250 premières pages, consacrées à ce qui se passe en Géorgie, sont passionnantes, avec une progression dramatique envoûtante. Mais dans les cent pages suivantes, il y a une sorte de longue transition un peu laborieuse, entre la Géorgie et New-York où se déroulera la deuxième partie de l’histoire. Enfin, dans le dernière partie, on tombe dans quelque chose de beaucoup moins vraisemblable, toute une suite de coups tordus qui permet d’en arriver à la chute finale qui nous dévoile la vérité : on connaît enfin le meurtrier des petites filles… « Seul le silence » est un ouvrage où l’histoire se partage entre l’humain, le pathétique, l’émouvant et l’absurde. Un roman à lire sans hésiter ! J’allais dire « les yeux fermés », mais bon, faut pas exagérer !....

     Roger Jon Ellory, dit RJ Ellory, est un écrivain britannique, né en 1965. Très tôt orphelin de père il est élevé à la campagne par sa mère. Mais les choses tournent mal, et on retrouve Ellory dans divers orphelinats. Il connaît ensuite la prison, à 17 ans, pour des faits de braconnage. A la sortie, il travaille un moment dans la photographie, mais c’est par l’écriture qu’il parvient à prendre un nouveau départ dans la vie, en 2003, avec « Gandlemoth ». Suivent d’autres romans, dont en 2007 « A quiet belief in angels », devenu en français « Seul le silence ». C’est le seul des romans de RJ Ellory à avoir été traduit en français. Un coup de chapeau au traducteur, Fabrice Pointeau, parce qu’il le vaut bien !


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