• Voici un petit ouvrage historique très intéressant. Ce n'est pas une encyclopédie - le livre ne comporte que 64 pages - mais c'est un coup de projecteur passionnant sur un événement dramatique qui nous semble bien lointain, qu'on a appelé la "Grande Jacquerie", cette révolte paysanne qui a eu lieu à la fin du printemps de l'an de grâce 1358. En vérité, on est alors en pleine Guerre de Cent Ans (Eh oui ! Les gens trouvent ça un peu tout de même ! Mettez-vous à leur place !...), et depuis que Jean le Bon a été défait en septembre 1356, la population a le sentiment d'être abandonnée par la noblesse. Les paysans n'en peuvent plus, de toutes les exactions qu'ils subissent. Le lundi 28 mai 1358, une échauffourée éclate entre des soldats et les habitants de Saint-Leu d'Esserent, au nord de Paris. Rapidement, cet incident local gagne du terrain, et c'est une véritable révolte qui se déchaîne en région parisienne et en Picardie. Des seigneurs et des nobles sont massacrés. Des châteaux sont mis à sac et incendiés :  le "coq rouge" - c'est ainsi que les paysans désignent le feu au 14è siècle- dévore les campagnes et les villes..., pire que les bagnoles dans nos banlieues racailles ! A certains égards, on peut dire cette révolte a bien des aspects communs avec la révolution française qui éclatera quatre siècles plus tard... Mais cette révolte paysanne ne mènera à rien ; elle sera réprimée impitoyablement, avec une brutalité barbare. Les nobles vont se venger de leurs pertes et de leur peur, en massacrant par dizaines de milliers les "Jacques".... Un document bien écrit et bien documenté qui nous plonge dans une époque sombre et méconnue... Parmi tous ces paysans qui ont tant souffert, certains d'entre eux sans doute sont nos ancêtres !... Pour trouver ce livre (éditions Le manuscrit), qui vaut 10,90 euros,  le mieux est de le commander sur www.chapitre.com Et notez bien que cette somme n'est en rien une dépense : c'est investissement culturel ! Bonne lecture !


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  • Et si on mêlait tout à la fois l'Histoire, le fait divers, le drame et l'aventure ?... Chiche ?... Alors ouvrons ce livre "Les Fiancées du Cap Ténès". Oui, vous allez me dire que ça ne fait pas très littéraire, ce n'est pas un très bon titre pour le Prix Nobel de littérature ! Certes, j'en conviens, mais la lecture n'exige pas forcément que chaque livre soit primé ! Franchement, je pense qu'on s'ennuierait souvent en lisant uniquement  les bouquins distingués par des jurys composés de vieilles badernes racornies, pédantes et séniles !... "Les Fiancées du Cap Ténès" raconte une bien étrange histoire, qui commence ainsi : Le  23 ventôse an 5 (Je vous laisse chercher dans votre culture personnelle à quelle date exacte ça correspond, le premier qui me répond gagne mon estime, c'est un beau cadeau, ça,  non ?), le 23 ventôse an 5 donc, je le répète, le ministre français des Affaires Extérieures, Talleyrand, reçoit une lettre du citoyen Dubois-Thainville, chargé d'affaires à Alger. Ce courrier dit ceci : "Le vaisseau Le Banel portant 200 marins, 329 militaires et 9 femmes, ayant à son bord des munitions de guerre, s'est perdu le 19 nivôse sur les côtes de Barbarie, à l'ouest du cap Ténès. Les rapports qui me sont parvenus sur cet événement me font frémir.Les habitants des contrées où le naufrage a eu lieu ont employé les moyens les plus barbares pour s'opposer au salut des Français. Ceux qui ont échappé à la fureur de la mer ont été dépouillés, assassinés ou traînés impitoyablement dans les montagnes. Leurs cadavres sont encore étendus sur le rivage et sur la route d'Oran. Cinq femmes, selon les rumeurs, sont aux mains des Cabaïles."...

    Ainsi débute l'extraordinaire aventure de cinq femmes rescapées du naufrage.  Recueillies par leurs ravisseurs, elles sont vendues aux plus offrants des montagnards. Elles comprennent vite qu'elles sont à peu près oubliées de la France et que nul ne viendra jamais les secourir.  Elles vont alors choisir d'accepter leur destin et d'y faire face dans un pays si différent du leur. Une des femmes, naguère blanchisseuse à Toulon, séduira le dey d'Alger. Deux autres se marieront, l'une à un cultivateur, l'autre  au fils d'un émir. L'aristocrate du groupe, Hélène de Courtavray, deviendra la première enseignante française en Algérie. Parmi ces femmes, il y avait aussi une religieuse, Jeanne, elle deviendra guérisseuse et fera partie des sages du village ; son nom est encore vénéré de nos jours en Algérie... C'est cette incroyable épopée que nous raconte l'auteur, l'histoire de ces femmes, naufragées, rescapées puis captives, qui ont fait le choix de la vie et de l'amour coûte que coûte. Mais au-delà, ce livre en apparence modeste, montre comment des civilisations différentes peuvent finalement s'accorder et s'enrichir de leurs différences. Un bon bouquin, un bon moment de lecture pour les soirées qui commencent à être bien fraîches... Et puis, une de mes fidèles lectrices, que j'avais un peu déçue voici quelques jours, sera ravie d'apprendre que je ne dénigre pas systématiquement tous les romans historiques ! Voilà, il fallait que ce fût dit, elle se reconnaîtra !


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  • Petites causes, grands effets, tel pourrait être le sous-titre de ce roman complètement loufoque. Attention, le mot "loufoque" n'est pas ici péjoratif. il est là pour qualifier cette histoire absurde qui tient davantage de la pochade que du roman, mais qui tangente aussi le conte philosophique, un conte entrelardé d'humour hardi. L'histoire est ténue et tient plutôt de l'argument d'une nouvelle que du scénario d'un roman. Je vous explique : Le narrateur mène une vie bien rangée, c'est le cas de le dire, puisque chez lui, depuis  quarante ans, il a soigneusement rangé tous ses papiers dans des boîtes étiquetées. Il est marié à Françoise, et il a un vrai copain : Marko. Le rangement est chez lui une seconde nature, puisqu'il travaille à l'Institut, au département de Paléontologie, où il s'occupe plus spécialement des iguanodons. L'iguanodon, c'est un animal préhistorique, il a disparu vous étiez même pas né, c'est dire !... Or un jour, à l'occasion de sa nomination comme "Directeur de la section Herbivores du Crétacé" (C'est pas chouette, ça, sur une carte de visite ?), on lui demande de fournir une copie de son Baccalauréat ! Hélas,  il s'avère alors qu'il l'a perdu, égaré ! Impossible de retrouver le précieux papier ! On ne dirait pas comme ça, mais c'est fou tout ce qui en découle : déconsidération, licenciement, divorce et puis, d'une manière inattendue, la célébrité.. et le diplôme retrouvé ! Tout le roman est construit autour de ce parchemin : le Baccalauréat, sa valeur, sa perte, sa valeur marchande... mais aussi les rapports humains, les lois et les règlements, l'âpreté au gain, l'amitié... Le tout dans un style truffé d'humour, ça fuse de partout, à chaque page et presque à chaque ligne ! C'est même trop : "too much !", diraient les bo-bos américanophiles post-soixante-huitards... Car l'humour c'est comme un feu d'artifice : il faut des pauses entre les bouquets qui éclatent et explosent ! La lumière éclaire mieux sur fond de nuit... Quand c'est tout le temps, on ne voit plus rien ! C'est le reproche que je ferai ici à "Ipso Facto" : trop d'humour tue l'humour... Les saillies d'écriture finissent par masquer un peu l'histoire : au lieu de se laisser porter par le livre, on guette le prochain jeu de mots ! Le style est par ailleurs un style parlé, presque sans ponctuation. Un dernier point : l'auteur adopte un parti-pris délibérément sexuel dans le roman : chaque fois que le héros rencontre un personnage féminin... crac-crac, ça baise  ! Et attention, pas la moindre barrière morale ! Qu'il saute sa chef du personnel, tous les anciens salariés (dont je suis !) vous confirmeront que c'est de l'ordre du vraisemblable et du possible, et même du souhaitable pour qui veut aller haut dans la hiérarchie ! Mais dans le livre, le narrateur fait la même chose... avec sa mère, concrétisant ainsi le "Nique ta mère !" des banlieues, et même... avec sa belle fille âgée de cinq ans !!! Oui, vous avez bien lu !... Bien plus "hard" que les confidences d'un Frédéric Mitterrand, mais vous remarquerez qu'on n'en parle pas autant ! Eh oui, les hurlements médiatiques moralisants et bien-pensants... c'est selon... c'est à la carte... c'est comme ça arrange ! Je vous laisse méditer et je me tais, car on déborde des strictes limites de la critique littéraire... Mais c'est bien, à partir d'une lecture, d'en profiter pour réfléchir un peu au-delà, c'est du moins mon avis...

    Bio  : Iégor Gran est né en 1964 à Moscou. Arrivé en France en 1974 à l'âge de dix ans,  il apprend le français et  fait l'Ecole Centrale. Il publie son premier roman, Ipso Facto en 1998. Il obtient en 2003 le Grand Prix de l'Humour Noir (ça ne m'étonne pas!) avec ONG, histoire de la lutte terrible que se livrent deux organisations... humanitaires !... il a publié aussi  Acné festival en 1999, Specimen mâle en 2001. Son dernier roman "Thriller" a paru en 2009. Toute son oeuvre est publiée chez P.O.L.


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  • Une fois n'est pas coutume, je commente aujourd'hui un livre très récent, puisque publié en juillet 2009. "Les pieds dans l'eau" se veut un roman, mais j'y vois plutôt une chronique qui se situe entre l'autobiographie et le document historique.  L'auteur, Benoît Duteurtre, est, je vous le dis au cas où vous ne le sauriez pas, l'arrière-petit-fils de René Coty, qui fut Président de la République Française de 1953 à 1958. A cette époque, je le précise,  les présidents de la République ne portaient jamais de Ray-Ban, ils ne fêtaient pas leur élection au Fouquet's, et ne faisaient pas de malaise en courant en short dans les allées du Bois de Boulogne !... Autres temps, autres moeurs !... René Coty se contenta, lui,  d'inaugurer des chrysanthèmes jusqu'en 1958, date à laquelle le Général de Gaulle vint le déloger de l'Elysée pour prendre sa place, mettre en oeuvre la Vè République et mettre fin à la guerre d'Algérie qui durait tout de même depuis le 1er novembre 1954, mais ça n'a rien à voir avec les chrysanthèmes. Je dis ça pour les minots et les minettes qui n'étaient pas encore nés alors, ou qui ont préféré draguer à l'école plutôt que d'écouter le prof d'Histoire... Bon, que raconte le livre ?... En fait trois histoires se juxtaposent et s'entremêlent : d'abord une histoire familiale, celle des enfants, des petits-enfants et des arrière-petits-enfants du Président Coty. Autrement dit, une famille de la grande bourgeoisie qui se trouve soudain sous les feux de l'actualité et de la célébrité lorsque René Coty, originaire du Havre, est élu Président de la République... Et puis l'histoire d'une grande demeure entourée d'un immense parc, "La Ramée" à Etretat, achetée par René Coty en 1948, avant son élection donc. Enfin, l'auteur nous parle aussi de la ville d'Etretat et de son évolution. Au fil des pages et des chapitres, nous assistons alors à l'inexorable décrépitude de tout un monde qui disparaît... La vie mondaine se délite peu à peu sous la montée de la société de consommation, les valeurs traditionnelles de la haute bourgeoisie de province se perdent, le catholicisme recule, et le charme discret d'une vie luxueuse s'estompe au profit d'une démocratisation égalitaire qui touche même la famille du président, avant de transformer profondément la ville d'Etretat dans le tourbillon du progrès et du tourisme de masse : les cabanes disparaissent de la plage de galets, et la maison elle-même, "La Ramée" se délite, tombe peu à peu en ruine, et finit, comme beaucoup d'autres demeures, par être vendue, complètement délabrée, au début du 21è siècle... Ceux qui recherchent de l'action ou des émotions fortes en seront ici pour leurs frais, car ce livre a les couleurs douces de l'automne et parfois la tristesse de l'hiver, un hiver plus sombre que celui des saisons, car le printemps renaît après l'hiver, tandis que ce qui est mort à Etretat et dans la société d'autrefois ne reviendra pas. Il est vrai, soyons franc, que ceux qui n'ont jamais connu cette époque s'en foutent, et que ceux qui l'ont connue ne vont pas tarder à mourir, en sorte qu'il ne restera rien de ce temps-là. Rien sauf le témoignage de ce livre, qui est à prendre comme une chronique nostalgique d'un passé révolu, raconté ici sobrement, avec quelques longueurs parfois... mais on le pardonne à l'auteur : c'était sa vie, c'était sa maison, et René Coty n'était pas pour lui seulement un président de la république : mais son arrière-grand-père. On comprend son attachement et sa nostalgie, d'autant qu'il sait y mettre un peu d'ironie et d'humour qui pimentent la lecture.

     


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  • Je n'ai rien écrit ici depuis le 1er octobre ! La faute en incombe un peu à ma vie privée quelque peu encombrée en ce moment, mais surtout au fait que je m'acharne à finir le bouquin commencé alors : "Le Noyé du Grand Canal". Mais bon, je renonce à terminer ce pavé indigeste de 450 pages, et je me demande même comment font les gens pour perdre leur temps à lire de telles conneries, alors que la vie est si courte, et qu'il y a tant de choses à faire en si peu de temps ! Pour faire court, Le Noyé du Grand Canal fait partie de  toute une série de livres, les "polars historiques" écrits par Jean-François Parot. C'est très tendance, d'écrire des polars historiques ! C'est rassurant pour les lecteurs, c'est déculpabilisant ! Explication : ceux qui lisent des polars (et c'est pareil pour les bouquins de cul !) ils en ont toujours un peu honte, ils se sentent cons et ne se vantent pas de leurs lectures. Par exemple, Elsa Triolet, la femme de Louis Aragon, avait aménagé dans leur maison de Saint-Quentin-en Yvelines un placard secret où elle cachait les bouquins de la Série Noire dont elle raffolait ! Elle n'osait pas avouer, elle, femme du grand Aragon, qu'elle se délectait de polars !... D'où l'idée du "polar historique" : on raconte des meurtres et des enquêtes policières, mais en donnant l'impression au lecteur qu'il est intelligent, puisque ça se passe sous  Louis XVI !  Et forcément, si on croise à chaque page le Duc de Chartres ou la Reine Marie-Antoinette,  si on copine avec le ministre Sartine, on ne peut pas être con ! C'est logique, presque mathématique : on accède immédiatement à l'élite des fins lettrés, on fait partie des gens cultivés passionnés d'Histoire ! Tout de suite, c'est plus chic !... Hélas, lire des romans de cette nature ne rend pas intelligent ! C'est pire : on se met à tout mélanger, car  le vrai et le faux s'entrelardent au long des pages dans une épouvantable ratatouille, longuement touillée, délayée, encombrée d'une foule de détails inutiles et lourds... Par exemple, ici, il faut attendre plus de 47 pages avant que Sartine confie enfin une mission au policier Nicolas Le Floch ! La mission ? ...Surveiller le comportement du Duc de Chartres pendant une bataille navale au large d'Ouessant et rendre compte au Roi. Bien évidemment, l'enquête révélera que le duc de Chartres est un con malgré sa particule nobiliaire, et qu'il est inapte au commandement naval  ! Ce constat réjouit beaucoup les lecteurs prolétaires de banlieue : amère petite vengeance de la plèbe... Commence alors une deuxième mission : retrouver un objet égaré par la reine Marie-Antoinette ! Là, j'arrête tout, et je referme le bouquin définitivement, je n'ai pas de temps à perdre dans un salmigondis de bêtises, un chapelet de futilités, même si le Paris du 18è siècle est décrit toujours avec beaucoup de précision, trop de précision ! Le pire, c'est que Jean-François Parot en a écrit sept, des bouquins comme ça ! Il paraît que, comme ambassadeur, Jean-François Parot se fait le défenseur de la cuisine française. Dommage à cet égard que ses romans ressemblent à des salmigondis ! Mais ce n'est que mon avis, et si vous aimez les ratatouilles, ne vous gênez pas ! Allez, quant à moi  je retourne dans mon jardin : en ce début d'octobre, la nature se prépare à affronter l'hiver et  les feuilles mortes se ramassent à la pelle...

    Bio : Jean-François Parot est un écrivain français improbable. Il est issu d'une famille très proche du milieu du cinéma, sa mère travaillait pour Marcel Carné, et son grand-père fut le monteur du film "Napoléon" d'Abel Gance. Jean-François Parot a entamé une carrière diplomatique, en occupant de nombreux postes à l'étranger. C'est à Sofia, en Bulgarie, qu'il a conçu l'idée du personnage du policier Nicolas Le Floch. L'auteur est actuellement Ambassadeur de France en Guinée Bissau.


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