• Les pieds dans l'eau - Benoît Duteurtre -

    Une fois n'est pas coutume, je commente aujourd'hui un livre très récent, puisque publié en juillet 2009. "Les pieds dans l'eau" se veut un roman, mais j'y vois plutôt une chronique qui se situe entre l'autobiographie et le document historique.  L'auteur, Benoît Duteurtre, est, je vous le dis au cas où vous ne le sauriez pas, l'arrière-petit-fils de René Coty, qui fut Président de la République Française de 1953 à 1958. A cette époque, je le précise,  les présidents de la République ne portaient jamais de Ray-Ban, ils ne fêtaient pas leur élection au Fouquet's, et ne faisaient pas de malaise en courant en short dans les allées du Bois de Boulogne !... Autres temps, autres moeurs !... René Coty se contenta, lui,  d'inaugurer des chrysanthèmes jusqu'en 1958, date à laquelle le Général de Gaulle vint le déloger de l'Elysée pour prendre sa place, mettre en oeuvre la Vè République et mettre fin à la guerre d'Algérie qui durait tout de même depuis le 1er novembre 1954, mais ça n'a rien à voir avec les chrysanthèmes. Je dis ça pour les minots et les minettes qui n'étaient pas encore nés alors, ou qui ont préféré draguer à l'école plutôt que d'écouter le prof d'Histoire... Bon, que raconte le livre ?... En fait trois histoires se juxtaposent et s'entremêlent : d'abord une histoire familiale, celle des enfants, des petits-enfants et des arrière-petits-enfants du Président Coty. Autrement dit, une famille de la grande bourgeoisie qui se trouve soudain sous les feux de l'actualité et de la célébrité lorsque René Coty, originaire du Havre, est élu Président de la République... Et puis l'histoire d'une grande demeure entourée d'un immense parc, "La Ramée" à Etretat, achetée par René Coty en 1948, avant son élection donc. Enfin, l'auteur nous parle aussi de la ville d'Etretat et de son évolution. Au fil des pages et des chapitres, nous assistons alors à l'inexorable décrépitude de tout un monde qui disparaît... La vie mondaine se délite peu à peu sous la montée de la société de consommation, les valeurs traditionnelles de la haute bourgeoisie de province se perdent, le catholicisme recule, et le charme discret d'une vie luxueuse s'estompe au profit d'une démocratisation égalitaire qui touche même la famille du président, avant de transformer profondément la ville d'Etretat dans le tourbillon du progrès et du tourisme de masse : les cabanes disparaissent de la plage de galets, et la maison elle-même, "La Ramée" se délite, tombe peu à peu en ruine, et finit, comme beaucoup d'autres demeures, par être vendue, complètement délabrée, au début du 21è siècle... Ceux qui recherchent de l'action ou des émotions fortes en seront ici pour leurs frais, car ce livre a les couleurs douces de l'automne et parfois la tristesse de l'hiver, un hiver plus sombre que celui des saisons, car le printemps renaît après l'hiver, tandis que ce qui est mort à Etretat et dans la société d'autrefois ne reviendra pas. Il est vrai, soyons franc, que ceux qui n'ont jamais connu cette époque s'en foutent, et que ceux qui l'ont connue ne vont pas tarder à mourir, en sorte qu'il ne restera rien de ce temps-là. Rien sauf le témoignage de ce livre, qui est à prendre comme une chronique nostalgique d'un passé révolu, raconté ici sobrement, avec quelques longueurs parfois... mais on le pardonne à l'auteur : c'était sa vie, c'était sa maison, et René Coty n'était pas pour lui seulement un président de la république : mais son arrière-grand-père. On comprend son attachement et sa nostalgie, d'autant qu'il sait y mettre un peu d'ironie et d'humour qui pimentent la lecture.

     


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