Pétrarque a un point commun avec Bossuet : plus personne ne le lit de nos jours ! Le poète et humaniste Pétrarque est né le 20 juillet 1304, il y a donc plus de 700 ans ! Il est mort le 18 juillet 1374 ; cela fait donc 630 ans… tout ça ne nous rajeunit pas ! Et c’est bien pour ça qu’on ne lit plus Pétrarque, et c’est un peu dommage. Car les poèmes de Pétrarque lui ont été inspirés par un amour impossible qui le rend proche de nous, par delà les siècles… C’est l’occasion de parler de sa vie et de son œuvre, en constatant l’étonnant paradoxe de Pétrarque au début du 21è siècle : il est fort peu lu mais en même temps il est considéré comme très grand, en particulier dans le domaine de la poésie amoureuse ; n’oublions pas que, environ deux siècles après sa mort, soit autour des années 1550, au 16è siècle donc, Pétrarque restera le grand inspirateur des poètes de La Pléiade ( Ronsard, du Bellay, Rémi Belleau, Jodelle, Daurat, Pontus de Tyard, Jean Antoine du Baïf), dans une poésie qui va chanter à la fois l’amour et la nature, tout en se nourrissant d’antiquité grecque et latine, à la façon justement de Pétrarque…
D’ailleurs, il faut noter d’emblée que la gloire encore actuelle de Pétrarque, et sa renommée, ne tiennent finalement qu’à un seul recueil de poésie : le « Canzoniere » ( Le Chansonnier), sous titré « Rerum vulgarium fragmenta » ( Fragments de choses ordinaires ), dans lequel le poète chante son amour platonique, désespéré et passionné en même temps, pour la femme qu’il aime à la folie, Laure, et pour laquelle il a écrit plus de 300 sonnets, ainsi que d’autres poèmes… Autre point à noter aussi : Pétrarque, pour cette œuvre, écrit en langue vulgaire (en italien) et non en latin, langue officielle des érudits à l’époque, au Moyen-Âge…
Vie de Pétrarque :
Son père, « Ser Pettrarco » était un notaire florentin ; mais ce n’est pas un noble (« Ser » est l’équivalent de « monsieur », c’est une marque de respect, non un titre de noblesse)… Il faut savoir que l’Italie, à l’époque, est très loin d’avoir l’unité qui apparaît dans d’autres pays d’Europe ; la raison principale est qu’il existe une rivalité permanente, une concurrence effrénée que se livrent d’une part le pape et d’autre part l’empereur du Saint Empire Romain ; tout cela affaiblit considérablement l’Italie ; et tandis qu’émergent peu à peu de grandes nations : La France, L’Angleterre, l’Espagne, l’Allemagne,… l’Italie reste un ensemble de provinces très divisées, de villes farouchement opposées, qui s’érigent en Républiques, et où s’affrontent de grandes familles dans des luttes terribles et meurtrières… C’est souvent comme dans « Roméo et Juliette » : une fille est promise à tel seigneur, mais le mariage, finalement, ne se fait pas, pour des raisons diverses et souvent obscures, ou compliquées, ou conflictuelles, et il en résulte des haines torrides, qui se règlent à coups d’assassinats multiples, perpétrés souvent par des mercenaires que l’on embauche pour la circonstance… Ainsi, dans l’Italie du Moyen-Âge, s’affrontent de grandes familles : les Visconti, les Conti, les Orsini, les Colonna, les Frangipani ( que l’on retrouve dans le mot frangipane, c’est dire s’il y a à boire et à manger dans cet univers impitoyable, véritable « Dallas » à l’italienne à l’époque du Moyen-Âge !)
Quoi qu’il en soit, il existe à cette époque en Italie, une rivalité politique très forte entre deux factions : les Gibelins (les blancs), partisans de l’empereur, et d’un pouvoir italien fort, et les Guelfes (les noirs), partisans de la suprématie du pape. Il faut savoir que le père de Pétrarque, partisan des blancs, vivait à Florence ; mais la ville ayant été prise par les Guelfes (les noirs), le père de Pétrarque fut accusé d’avoir falsifié un document légal. Pour cette raison, il fut exilé de Florence et se réfugia dans la petite ville d’Arezzo, dominée par les Gibelins (les blancs, partisans de l’empereur)
C’est dans ce contexte que naît Francesco Petrarca, en 1304, à Arezzo, petite ville de Toscane.
En 1311 (il a sept ans), il suit ses parents à Avignon, où ils ont été exilés par les guelfes noirs. Pétrarque fait ses études à Carpentras, où il apprend la grammaire et la rhétorique, et se nourrit de grec et de latin. Son père voudrait en faire un notaire comme lui, et Pétrarque suit à cet effet les cours de Droit de l’université de Montpellier. Il faut noter qu’à cette époque l’Université de Montpellier avait une haute réputation et dispensait probablement le meilleur enseignement supérieur, en particulier dans le domaine de la médecine, mais aussi dans le domaine du droit.
Mais le droit ne l’intéresse pas trop, ni le métier de notaire ; un conflit en résulte avec son père. Et Pétrarque retourne à Bologne, où il poursuit cependant ses études juridiques. Il est de retour à Avignon en 1325, après la mort de sa mère puis de son père. L’héritage laissé par ce dernier lui permet de mener alors une vie légère et insouciante, on pourrait dire une vie de « dandy »… mais ce mot n’apparaît qu’au 19è siècle, on ne peut donc pas l’employer pour Pétrarque !…
Insouciant, mais studieux, il fréquente, paradoxalement, les milieux aristocratiques et l’entourage du pape d’Avignon ; par ailleurs, grâce à l’amitié de la famille Colonna, il entre dans les ordres mineurs, pour faire une carrière en s’enrichissant de nombreux bénéfices ecclésiastiques. Il entreprend avec passion des recherches sur l’Antiquité, et il lit Virgile, son poète favori… C’est dans ce contexte qu’il va faire la rencontre qui va bouleverser sa vie et orienter définitivement son œuvre vers une poésie nouvelle : en effet, le 6 avril 1327 (Pétrarque a 24 ans), dans l’église Sainte Claire d’Avignon, il rencontre Laure ; elle a dix-sept ans ; Pétrarque en éprouve une passion soudaine, fulgurante, immédiate… Et c’est pour elle qu’il entreprend la rédaction de son ouvrage le plus célèbre : « Canzoniere » (Le Chansonnier)
… Il écrit :
« Ah bénis soient le jour, et le mois et l’année,
La saison, le moment, l’heure et l’instant précis,
Le beau pays, l’endroit où je fus pris
Par les deux beaux yeux qui m’ont enchaîné. »
Il écrit encore (sonnet 18):
« Quand je suis tout entier tourné devers le lieu
Où de ma dame luit le beau visage,
Et que dans mon esprit demeure la lumière
Qui me brûle et détruit au dedans peu à peu,
Moi qui crains que mon cœur de moi ne se sépare
Et moi qui vois tout près la fin de ma lumière,
Sans lumière m’en vais, semblable à un aveugle
Qui ne sait où il va et qui cependant part.
Ainsi, devant les assauts de la mort
Je fuis ; mais non si promptement que mon désir
Avec moi ne s’en vienne, comme il en a coutume.
Silencieux je vais, car mes paroles mortes
Feraient pleurer les gens, et moi j’ai pour désir
Que solitairement mes larmes se répandent. »
Malgré cet amour qui occupe chaque instant son esprit, Pétrarque se livre à de savantes études, il devient également, en 1330, le chapelain de la famille Colonna ; il voyage énormément à travers l’Europe. Il est demandé partout. Ami de Boccace, il étudie les textes anciens, en vue de concilier le christianisme et l’héritage antique. Il gagne très bien sa vie, grâce auxbénéfices ecclésiastiques qui tombent tout seuls dans l’escarcelle… Et plus tard d’ailleurs, il pourra acquérir une bibliothèque, ce qui est, à l’époque, un privilège rare : l’imprimerie n’a pas encore été inventée, et les ouvrages sont des manuscrits, dont le prix est très élevé. Il alterne ainsi des voyages, des études et des périodes de méditation solitaire, en pensant à Laure, pour laquelle, inlassablement, il écrit et enrichit son « Canzionere ». La poésie de Pétrarque, et particulièrement celle du « Canzionere », est marquée par une grande vérité amoureuse, avec cette particularité que le poète puise dans la nature des comparaisons entre la beauté des fleurs, des arbres, et la beauté de Laure :
« Quelle Nymphe dans les fontaines,
Quelle déesse dans les forêts déploya jamais
A la brise une chevelure d’un or aussi fin ?
Quel cœur réunit tant de vertus
Bien que la plus grande de toutes
Soit la cause de ma mort ?
Il cherche en vain une beauté divine
Celui qui ne vit jamais ses yeux
Lorsque gracieusement elle les tourne…. »
Pétrarque s’interroge sur les sentiments qu’il éprouve pour Laure… Et ce qui frappe dans son œuvre, c’est la façon au fond très moderne dont il parle du sentiment amoureux… Lisons le sonnet 132 :
« Si ce n’est point l’amour, qu’est-ce donc que je sens ?
Si c’est l’amour, par Dieu, quelle chose est-ce là ?
Bonne, d’où vient l’effet d’âpreté et de mort ?
Mauvaise, d’où me vient la douceur des tourments ?
Si de plein gré je brûle, pourquoi ces pleurs, ces plaintes ?
Si c’est contre mon gré, à quoi sert de me plaindre ?
Ô mort vivante, ô mal délicieux,
Comment, si n’y consens, sur moi un tel empire ?
Si je suis consentant, à grand tort je me plains.
Par des vents si contraires, sur une frêle barque
Je me retrouve en haute mer, sans gouvernail
Si légère en sagesse, si lourde d’errements
Que je ne sais moi-même quelle est ma volonté
Et brûlant en hiver, je tremble en plein été. »
Il n’y aura rien entre eux, jamais, que cet amour platonique… et jamais elle n’aimera le poète, repoussant, inflexible, ses supplications… Au demeurant, Laure est mariée à un seigneur de Sade, lointain ancêtre du sulfureux Marquis de Sade !… Mais lui, amoureux, écrit sans désemparer, avec des accents proches de la nature qu’on retrouvera presque à l’identique chez du Bellay et Ronsard : ( sonnet 35)
« …De sorte que je crois qu’aujourd’hui monts et plaines
Et fleuves et forêts connaissent la nature
De ma vie, qui demeure à autrui bien cachée »…
Pétrarque nourrira pour Laure, toute sa vie, un amour passionné, qui se muera en adoration et en amertume après la mort de Laure, comme nous le verrons un peu plus tard. Et toute la vie poétique de Pétrarque se résumera à ça : son amour impossible et fou pour Laure ; Laure dont pourtant on ne sait rien, sauf qu’elle était blonde avec des yeux noirs, et qu’elle était très belle…
« Nulle paix je ne trouve, et je n'ai pas de guerre à faire :
Je crains et j'espère ; je brûle et je suis de glace.
Et je vole au plus haut des cieux, et je gis à terre ;
Et je n'étreins nulle chose, et j'embrasse le monde entier.
Qui me garde en prison la porte ne m'ouvre ni ne ferme,
Ni ne me tient pour sien, ni ne défait les liens ;
Amour ne me tue pas et ne m'ôte pas mes fers,
Ne me veut pas vivant, et ne vient pas à mon secours.
Je vois et n'ai point d'yeux, et sans langue je crie ;
Et je désire périr, et demande de l'aide ;
Et pour moi je n'ai que haine et pour autrui qu'amour …
Je me repais de ma douleur, et en pleurant je ris ;
Également m'insupportent vie et mort :
En cet état je suis, Madame, pour vous. »
Certains se sont demandé, devant une passion si grande et si exclusive, si Laure n’avait pas été tout simplement le fruit de l’imagination de Pétrarque ; en fait les recherches effectuées montrent que Laure a bien existé. Et Pétrarque l’a aimée d’un amour très pur, comme il le dit dans ses dialogues avec Saint-Augustin :
« Je t’appelle à témoin, ô Vérité, que je dis que rien de honteux, rien de grossier, rien de blâmable sinon l’excès, ne fut mêlé à mon amour. S’il était possible de faire voir avec les yeux de ma propre passion, comme on peut voir le visage de Laure, on verrait que l’une est pure et immaculée à l’égal de l’autre. Je dirai plus : je dois à Laure tout ce que je suis. Je ne serais point arrivé à un certain degré de renommée, si elle n’avait, par de nobles sentiments, fait germer ces semences de vertus que la nature avait jetées dans mon cœur. »
En 1337, Pétrarque s’établit à Vaucluse (aujourd’hui Fontaine-de-Vaucluse).
En 1341, sa renommée poétique est si grande qu’il se voit décerner la couronne de Prince des Poètes, à la fois par l’université de Paris et par Rome ; il lui faut choisir : il choisit Rome, évidemment : plus proche de Laure… On pose sur son front la couronne de laurier (qui évoque le prénom Laure !) ; la couronne de laurier symbolise Apollon, divinité de la poésie.
Il faut remarquer que, dans le « Canzionere », tout dédié à l’amour éprouvé pour Laure, Pétrarque glisse parfois des écrits politiques particulièrement virulents.
Vient l’année 1348, une année charnière, une année terrible pour Pétrarque. En effet, le 19 mai 1348, tandis qu’il séjourne à Vérone, il apprend la mort de Laure ; elle est morte de la peste en avril 1348, à l’âge de 38 ans. En fait, il y a eu des polémiques autour de cette mort ; d’abord on a dit que c’était la peste ; mais devant l’absence de signes de cette maladie, on a évoqué simplement un état d’épuisement de Laure, consécutif à ses 11 accouchements !… Mais cela ne change rien pour notre poète…
Dès cet instant, Pétrarque en conçoit une terrible amertume ; son amour se mue en adoration, teintée de regrets sur la fuite du temps et la vanité des choses. La vie pour lui n’a plus de sens maintenant que Laure n’est plus, et il lui tarde de la rejoindre, dans la mort ; il écrit ( sixtine 268) :
« Que dois-je faire, Amour, que me conseilles-tu ?
Il est temps de mourir
Et j’ai tardé plus que je ne voudrais.
Ma dame est morte et elle a mon cœur avec elle ;
Si je veux la suivre
Il convient d’interrompre ces années funestes,
Car la revoir, jamais
Ici je n’espère, et l’attendre est ennui.
Puisque toute joie
Par son départ, pour moi en larmes est changée,
Toute douceur est de ma vie ôtée… »
On peut penser que seul son sentiment religieux l’empêche alors de se suicider. Les poèmes rédigés après la mort de Laure font l’objet de la deuxième partie du « Canzionere »… Il écrit, alors, des poèmes où s’exprime toute sa douleur de vivre, alors que Laure n’est plus :
Sonnet 278 :
« En son âge plus beau, en pleine floraison
Quand Amour a sur nous toujours le plus d’empire,
Abandonnant sur terre sa terrestre enveloppe,
S’est départie de moi Laure qui est ma vie.
Vivante et belle et nue, au ciel elle est montée,
Et de là, sur moi règne, et de là me domine.
Ah ! pourquoi de ce corps ne me dépouille pas
Mon dernier jour, qui est premier dans l’autre vie ?
Afin qu’ainsi que mes pensées l’escortent,
Légère, libre et joyeuse mon âme, de même
La suive, et que je sois hors de si grands tourments.
Chaque instant de retard n’est que pour mon dommage,
Pour me rendre à moi-même fardeau encor plus lourd,
Ô quelle belle mort, or il y a trois ans ! »
Il écrit encore :
« Maintenant qu’elle est morte
Celle qui me faisait parler, celle
Qui de mes pensées occupait la cime,
Je n’ai plus la force, je n’ai plus
Cette lime si douce pour rendre suaves
Et brillantes des rimes âpres et sombres.
Je ne voulais que pleurer, non
Me faire honneur de mes pleurs. Aujourd’hui
Je voudrais bien plaire, mais silencieux,
Fatigué, cette dame altière m’invite
A la suivre… »
Ce dernier poème mérite qu’on s’y arrête un instant ; en effet, il est intéressant indépendamment de l’amour encore qu’il exprime, car on y voit que Pétrarque, dans son œuvre, ne succombe pas au charme de la seule spontanéité ; bien au contraire, au-delà de l’inspiration sincère, Pétrarque travaillait énormément ses textes et ses rimes, et ciselait ses poèmes…
Pétrarque, malgré cet amour exclusif et platonique pour Laure, eut malgré tout deux enfants illégitimes de deux femmes différentes : il faut noter que le fait d’entrer dans les ordres mineurs ne l’obligeait pas à la chasteté, mais seulement au célibat ; les sentiments sont une chose, la nature en est une autre !…
En 1370, fatigué des voyages, lassé de la vie, Pétrarque se retire à Padoue ; avec le temps, puis avec la mort de Laure, une certaine évolution s’est opérée en lui ; finalement, une sorte de sentiment religieux l’envahit ; plus exactement, il finit par se demander si, ébloui et occupé sans cesse par la passion tout humaine qu’il a nourrie pour Laure, il n’a pas délaissé de ce fait la passion divine qu’il aurait pu éprouver pour Dieu… Finalement, il se demande s’il n’a pas perdu son temps… Tel est bien le sens du sonnet 364 :
« Amour, vingt et un ans m’a tenu tout brûlant
Et heureux dans le feu, dans le deuil plein d’espoir ;
Et depuis que ma dame et mon cœur avec elle
Sont montés jusqu’au ciel, dix autres ans pleurant.
Désormais je suis las, et je blâme ma vie
Des nombreux errements qui de vertu le germe
Ont presque éteint ; et mes journées ultimes,
Haut Dieu, je les remets à Toi dévotement.
Repentant, attristé des ans ainsi passés
Qui se devaient passer à de meilleur usage,
A rechercher la paix et à fuir les tourments.
Seigneur qui m’as en cette prison enfermé,
Retire m’en, sauvé des éternels dommages,
Car je connais ma faute, et je ne m’en excuse. »
Tout à la fin de sa vie, il en vient à évoquer la Vierge, qui lui apparaît comme la plus parfaite image de l’amour total sublimé. Le « Canzoniere » se termine ainsi par un hymne à la Vierge :
« … Vierge, je te consacre, purifiés,
A ton nom mes pensées, mon génie et mon style,
Et ma langue et mon cœur, mes larmes et mes soupirs.
Guide-moi vers le meilleur gué
Et agrée mes désirs convertis.
Le jour s’approche, il ne peut être loin,
Tellement court et vole le temps,
Ô Vierge unique et seule,
Et tour à tour mon cœur poignent conscience et mort.
Recommande-moi à ton fils véritable
Homme, véritable Dieu,
Qu’il reçoive mon esprit ultime en paix. »
Ainsi se termine « Canzoniere » ( Le Chansonier)
Pétrarque meurt le 18 juillet 1374, à Arqua. On le retrouve mort dans sa bibliothèque, encore assis à sa table de travail, le visage tombé dans un livre ouvert… Il est enseveli à Arqua, où il avait fait construire son ultime demeure.
Finalement, Pétrarque est tout à la fois un homme ancien et moderne. Moderne par sa façon de dépeindre l’amour, absolu et éternel, ce qui a des résonances encore très contemporaines si on pense à la façon dont l’amour est décrit dans la chanson par exemple ; moderne aussi par l’emploi de la langue vulgaire à la place du latin ; mais en même temps homme du Moyen-Âge, par cette façon de se tourner vers la Vierge finalement, ce qui est plus rare de nos jours dans le cadre d’une évolution amoureuse !!!…
Par ailleurs, il faut noter que Pétrarque a été rendu célèbre essentiellement par les aspects modernes de son œuvre et par sa peinture de l’amour, et non par celles de ses œuvres
qu’il jugeait lui-même plus nobles…
D’autre part, on peut se demander si Pétrarque se range vraiment et complètement dans les érudits, à la différence de Dante ; en effet, les érudits s’expriment en latin et sur des sujets studieux ; de ce point de vue, Pétrarque, parlant d’amour en italien, se rapproche d’une certaine façon des saltimbanques, trouvères ou troubadours qui eux aussi chantent l’amour… Il demeure que l’œuvre poétique de Pétrarque constitue une riche autobiographie sentimentale, écrite sans doute pour la première fois d’une manière simple et directe, terriblement humaine et vraie, avec une sincérité et une sensibilité qui ont su toucher la postérité…
Une postérité qui a été abordée par Pétrarque lui-même dans une sorte de testament :
« Vous avez peut-être entendu
Parler de moi, quoiqu’il est douteux
Que mon nom si mince et si obscur
Traverse l’espace et le temps,
Et vous désirerez sans doute savoir
Qui j’étais et quel a été le sort
De mes ouvrages. »…
Qui était Pétrarque ?… Un érudit et un humaniste, certes ; mais surtout un homme amoureux, un homme sincère qui nous invite, à travers l’itinéraire amoureux du « Canzoniere », à partager les souffrances et les joies d’un merveilleux et impossible amour, et cela c’est de tous les temps… Franchement, ça vaut le coup de lire quelques uns des poèmes de Pétrarque ! Courez chez votre libraire et demandez-lui « Le Chansonnier » de Pétrarque : vous passerez pour intelligent et érudit, c’est toujours ça de pris ! Maintenant, si votre modestie s’accommode mal de frimer de la sorte, faites simplement un tour à la bibliothèque de votre quartier, vous y trouverez peut-être un recueil des poèmes de Pétrarque, à lire sans modération pendant les longues soirées d’hiver.