Par Robertcri
Mort d’un SDF – Récit de Patrice Trapier – 1996 –
Patrice Trapier est journaliste. Il raconte ici une existence triste, celle de Marcel. 22 novembre 1993, on vient de trouver dans un squat le corps recroquevillé d’un homme, inutilement enveloppé dans un épais manteau. Mort . L’alcool et le froid ont eu raison de cet homme, devenu SDF au terme d’un long parcours de vie. C’est cette existence que l’auteur déroule devant nous. On y voit le trajet d’un homme comme tant d’autres, une enfance difficile dans le milieu des mineurs du nord, une mère qui meurt prématurément, un milieu parental fruste, service militaire et guerre d’Algérie, suivis de l’entrée sans conviction dans la mine, puis dans une société d’assainissement des eaux. Le mariage en 1964, pour faire comme tout le monde… Et c’est l’alcool : les bières avec les copains, le genièvre avec le café au bistrot, le vin rouge dans la matinée au moment du casse-croûte… Toujours plus d’alcool, avec ce sui en résulte : violence à la maison, un divorce, immédiatement suivi d’une consommation d’alcool accrue, bientôt suivie de la perte de l’emploi, avec au bout l’errance, la rue… C’est la dégringolade inexorable… Mais ce reportage a quelque chose qui me met mal à l’aise, à titre personnel. En effet, il est de bon ton de déplorer l’abandon dans lequel se trouvent les SDF, on fait semblant de croire qu’on aurait pu leur porter secours… Mais c’est faux. On ne peut pas porter secours à ces gens-là, car, par un étonnant sophisme, nos lois interdisent de les soigner de force ! On prétend qu’il faut préserver leur « liberté individuelle » ! La belle affaire !... Elle est où, la liberté individuelle d’un homme qui avale dix litres de vin par jour sans pouvoir s’en empêcher ? Quand un individu en est là, il n’a plus de liberté individuelle ! La preuve, il abandonne sa famille, son emploi, sa propreté, sa dignité, tout ! Il refuse même un hébergement au chaud, préférant son litron ! Il n’est plus un homme, il est un esclave qui n’a plus sa raison ! Dès lors, inutile de pleurnicher sur le sort des SDF : soit on a le courage de les empoigner, de les désintoxiquer en vue de les réinsérer… et là on les aura aidés, soit on brandit les grands mots de « liberté individuelle », mais alors ne soyons pas hypocrites : ils vont mourir ! Et dans ce cas, ne pleurnichons pas, puisque nous n’avons rien fait pour empêcher cette mort ! C’est curieux tout de même : quand on trouve un chien mal en point, on le soigne sans lui demander son avis ! Quand un homme est dans la même situation, on le laisse crever au prétexte qu’il ne « consent pas » aux soins ! On marche sur la tête !... J’en déduis que la vie d’un chien nous semble finalement plus importante que celle d’un homme ! Etonnant, non ?
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