Manhattant nocturne - Colin Harrison - 1996

 Un polar nullard et tocard, tel est  Manhattan nocturne. J’aurais pu m’en douter, et je vais vous raconter pourquoi : Je faisais mes courses, peinard, à l’hypermarché Géant d’Anglet, pour ceux qui connaissent. C'est au Pays basque, je précise pour ceux qui ne connaissent pas. C’était l’été dernier, et mon caddie se frayait un laborieux passage au milieu d'une foule pas possible, louvoyant entre d'innombrables vacancières, boudinés dans de terrifiants bermudas à fleurs : un véritable festival de cellulite et de cuisses variqueuses : c’est l'impitoyable revers d’une société qui se prétend libérée en montrant tout ! Au moins, au temps des robes longues et des crinolines, on pouvait rêver… Pensez-y, la prochaine fois que vous ferez vos courses !... Mais revenons au sujet, on philosophera une autre fois… Et donc, mon attention fut soudain attirée par une affichette au rayon des livres : Pour deux livres achetés, un livre offert !... Evidemment, pour un illettré inculte, ça ne présente pas un grand intérêt, mais pour moi, lecteur passionné, c’est alléchant. Sauf que… que faut-il comprendre à cette offre ? ça a toujours l’air simple et clair comme ça,  à la première lecture, mais en fait, faut faire gaffe… Pour deux livres achetés, un livre offert… qu’est-ce que ça veut dire, au juste ?... réfléchissons : ça peut vouloir dire que si vous achetez deux livres, on vous en rembourse un, et donc on vous offre un des deux livres achetés… Mais ça peut vouloir dire aussi que, si vous achetez deux livres, on vous offre le troisième que vous avez choisi… Va savoir ! J’ai opté pour cette seconde interprétation qui me semblait plausible. J’ai donc déposé trois livres dans mon caddie, puis je suis passé à la caisse, où il a fallu que j’attende longtemps, avec devant moi, une file de vacanciers avec des caddies bien remplis. Lorsque vint mon tour, la caissière m’expliqua enfin ma bévue : aucune de mes deux interprétations n’était la bonne, ils sont malins chez Géant ! Pour deux livres achetés, un livre  offert, ça voulait dire que je devais acheter deux livres et les payer, et qu’ensuite, il me faudrait aller à l’accueil, présenter mon ticket de caisse ; l’hôtesse m’offrirait alors ce fameux troisième livre, gratuit. Je me pliai de bonne grâce à cette procédure tordue et vicelarde, j'ai laissé à la caissière un des trois livres, j'ai payé les deux autres, et je suis allé à l'accueil chercher mon troisième livre gratuit ; et, vous l’avez compris, ce troisième livre gratuit… c’était lui  Manhattan nocturne  de Colin Harrison !... Eh oui, dans ce monde consumériste où tout est commerce et profit, le mot « gratuit » n’a pas sa place, ou alors c’est que ça cache quelque chose, une arnaque, une magouille ! C’était le cas ici. Plutôt que de flanquer Manhattan nocturne au pilon, ils avaient eu cette idée géniale de l’offrir… à condition qu’on achète par ailleurs deux bouquins !... Manhattan nocturne se veut un polar noir qui raconte la vie d’un journaliste qui rencontre soudainement la veuve d’un cinéaste qui s’est suicidé. C’est touffu, c’est long, c’est chiant, c'est illisible. En résumé, la valeur de ce polar est à la hauteur de son prix, et j’en ai eu pour mon argent : zéro !