Par Robertcri
Pélargonium, c'est un drôle de nom pour une fleur....Et pourtant, "pélargonium", c'est le vrai nom du géranium dont vous décorez généreusement vos fenêtres ! Mais qu'importe le nom, pourvu qu'on ait la fleur ! Faisons donc comme tout le monde, et parlons du géranium... Pour un peu je l'aurais oublié, tant il était inconnu au jardin de mon enfance : il avait chez nous mauvaise réputation. Un peu coûteux peut-être : on ne pouvait pas, comme les tulipes et les jacinthes, le conserver d'une année sur l'autre et il fallait en acheter de nouveaux à chaque printemps ! Et puis il aurait fallu acheter aussi des jardinières à mettre aux fenêtres, et du terreau, et de l'engrais... beaucoup de travail, en plus de la dépense ! Il n'y avait donc pas de géraniums dans le jardin de mon enfance. Je m'étais résigné ; on ne peut tout de même pas admirer toutes les fleurs de la Création dans un petit jardin de trois cents mètres carrés ! Je me consolais donc en admirant les géraniums en photos, dans les pages du journal Rustica ! Je me souviens encore du titre, en gros caractères : "le pélargonium des jardins" ! On ne se trompait pas sur les appellations, en ces temps anciens !... Pourtant, si le géranium est resté tenace en ma mémoire, c'est à cause de mes vacances d'été en Alsace. On m'envoyait passer quelques semaines chez l'un de mes oncles, à Wintzenheim, un petit village près de Colmar, au pied des vignes. Et là, splendide et opulent, le géranium était partout ! Il flamboyait en rouges éclatants dans des pots alignés sur les marches moussues des vieilles maisons à colombages ou dans les cours pavées ; il explosait en larges gerbes, énormes masses fleuries du géranium-lierre dégringolant aux façades des maisons rustiques, dont les balcons de sapin verni s'illuminaient de rouge et de rose vif ! Il fallait voir, la grand-rue alors, comme elle rutilait ! Et quand, pour le 14 juillet, les Alsaciens, reconnaissants et patriotes, mettaient aux fenêtres le drapeau français, c'était un feu d'artifice multicolore dans tout le village ! Au milieu des géraniums et des drapeaux, dans la liesse tonitruante de la Fête Nationale et du défilé des conscrits, l'harmonie municipale s'arrêtait dans la rue Jean Kiffer, devant la maison de mon oncle, Premier-Adjoint au maire, pour lui jouer une aubade : mon oncle, ivre d'honneurs et d'Histoire de France, s'avançait alors sur le pas de sa porte, écoutait les cuivres, immobile et congestionné, avant de recevoir l'énorme gâteau plein de crème fraîche qu'on venait lui offrir... Devant cette avalanche de chantilly, je défaillais de bonheur, au bord du pêché de gourmandise, et j'en oubliais, pour une temps, la joie de la Fête Nationale, les couleurs des drapeaux, les rires des conscrits et même, ô hérésie, la beauté des géraniums !.....
Thème Magazine © - Hébergé par Eklablog