Par Robertcri
Il est rare d'écrire un roman à l'âge de dix-huit ans et de mourir à vingt ans. C'est pourtant ce qu'a fait Raymond Radiguet. Et il avait tout juste seize ans quand il écrivit "Le Diable au corps". Pourtant la jeunesse et la précocité ne sont pas toujours les gages d'un talent affirmé et durable ; "Le Bal du Comte d'Orgel" fait partie de ces oeuvres que l'on salue, et que pour ma part je range dans la catégorie des bouquins chiants et terriblement vieillis. L'histoire ne présente pas le moindre intérêt : on est chez le comte d'Orgel, un riche oisif comme il y en eut tant, flanqué d'une femme obéissante et soumise comme il y en eut tant également. Le comte se prénomme Anne mais n'est pas homosexuel ; sa femme Mahaut s'ennuie, comme toutes les bonnes femmes oisives et soumises de cette époque du début du vingtième siècle ... ça rêvasse, ça pense au cul bien sûr, même si ça ne dit jamais le mot (quelle horreur !), ça bavasse au salon au sujet de futilités telles que les aiment les imbéciles friqués, bref, Mahaut s'emmerde dans l'hôtel particulier où elle habite, flanquée d'une palanquée de valets de pied, de chauffeurs, de cuisiniers... Et bien entendu, Mahaut va s'éprendre de François, un ami du comte... Si l'histoire se passait de nos jours, une salutaire copulation aurait apaisé dès le lendemin les inévitables tensions résultant du désir sexuel et de l'émoi amoureux. Mais là, on sent que la passion charnelle est un péché mortel ! Alors les personnages se fouaillent l'ego, se torturent moralement et physiquement, nient qu'ils soient amoureux, souffrent, culpabilisent pendant des pages et des pages interminables... On pleure, on a des vapeurs, on s'évanouit !... Le tout écrit dans un style lourdingue et complètement dépassé, truffé d'imparfaits du subjonctif : il ne rigole pas avec la concordance des temps, Raymond Radiguet !... Voici un petit extrait grapillé pour vous au fil de ma lecture : "Comme d'autre part il craignait que ses amis ne voulussent point venir si ce n'était pour Mme de Séryeuse, il inventa que sa mère serait contente de les voir et de fixer le jour. La veille de ce rendez-vous postiche, il dormit chez les Forbach afin que les Orgel vinssent le prendre en auto."... Et je ne résiste pas au plaisir pervers de vous offrir le morceau de bravoure que constitue la fin, qui mériterait de figurer dans une anthologie du style pompier début de vingtième siècle : "Debout dans le chambranle de la porte, Anne était beau. N'accomplissait-il pas un devoir d'une frivolité grandiose, lorsque, sortant à reculons, il employa, sans se rendre compte, avec un signe de tête royal, la phrase des hypnotiseurs : - Et maintenant, Mahaut, dormez ! Je le veux." Allez, trouvez autre chose... On est en août, en pleine période de vacances ! Ne les gâchez pas avec le Bal du Comte d'Orgel. Il y a mieux à lire...
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