Dis, papa... est-ce qu'il y avait un couple de dinosaures sur l'Arche de Noé ?.... Cette question candide a été posée à l'auteur par sa fille âgée de neuf ans, qui rentrait du catéchisme... La réponse du père, c'est ce livre La Revanche des Otaries... Ce roman est particulier, car il n'obéit pas aux canons du roman classique, il est délibérément impertinent, bourré d'un humour loufoque. On est ici aux confins de l'absurde et de la satire... L'histoire est celle de l'Arche de Noé, mais revue et corrigée dans le sens d'une plus grande vraisemblance. Dans la Bible, on y décrit l'Arche comme l'oeuvre de Dieu. Mais Vincent Wackenheim nous montre que, au vu de notre monde, l'Arche de Noé est plutôt l'oeuvre du Diable. Et nous voici, comme si nous y étions, sur l'Arche de Noé. Les animaux ne sont pas les bêtes innocentes et mignonnes qu'on montre à Trente Millions d'Amis sur la 3. De terribles rivalités d'intérêts opposent les pélicans aux loutres, aux nasiques et à cette salope d'hermine qui n'est pas toute blanche... A la tête de l'Arche, Noé, le patriarche, qui n'est pas né de la dernière pluie, en profite pour s'adonner aux joies de la zoophilie, en particulier avec les otaries, lesquelles, en retour, jouent à fond la promotion-canapé !... Les animaux, au lieu de s'entendre, créent d'innombrables Commissions pour débattre si on va voter par ordre ou par tête !... Mais pendant que les animaux pinaillent, se querellent, complotent, ourdissent et forniquent, il y a sur l'Arche des êtres redoutables, invisibles, auxquels nul n'avait pensé, pas même Dieu, ce sont les termites... et l'Arche est en bois !... Je vous laisse imaginer la suite !... Ce livre où l'on parle d'animaux est pourtant loin d'être bête. C'est un peu comme chez La Fontaine : on y parle des hommes finalement, et de leurs vices récurrents et incorrigibles... L'anachronisme est ici hissé au niveau d'un art permanent, qui fleurit à chaque page, je ne résiste pas à vous livrer cet extrait pour vous en donner une idée : "Ce n'était quand même pas sa faute à lui si cette humanité s'était mise à dérailler grave, l'alcool, le cholestérol, les OGM, le Loto, la Bourse qui fait du Yo-Yo, la météo pareil, et j'en passe, les téléphones portables, le Wi-Fi, les politicards véreux et rien à la télé. Tout ce qui avait poussé le Patron à prendre des mesures pour le moins radicales. Résultat, il se trouvait, lui, Noé, à son âge, sur cette barcasse puante...."
Ou encore ceci : "En représailles, le Diable s'attacha alors à distiller avec méthode le Mal sous toutes ses formes, de la méchanceté gratuite à la trahison, du vol au viol, sans compter la prévarication, le mensonge, l'arnaque, les textos meurtriers, l'escroquerie aux assurances, le téléchargement illégal, les spoliations en tous genres, les petites mesquineries et les subprimes, bref il mit le boxon là où régnait l'harmonie..." Pas de doute, c'est bien de nous que parle l'auteur, dans cette fresque pseudo-biblique mais authentiquement drôle. Et derrière l'apparence loufoque et absurde de ce récit, il y a une implacable logique, celle d'un conte philosophique qui mérite plus qu'un éclat de rire : une méditation sur cette humanité noire à laquelle nous appartenons, un peu pour le meilleur et beaucoup pour le pire ! La Revanche des Otaries, c'est excellent, tonique et vrai, à la fois intelligent et drôle, et ça, c'est rare dans un même ouvrage ! C'est publié chez Le Dilettante et ça coûte 16 euros. Il ne faut pas louper ce bouquin, ce serait...trop bête !
Bio : Vincent Wackenheim est né en 1959. Il commence d'abord par une carrière de libraire à Paris. Il tâte ensuite un peu de l'édition juridique, se rêve en Nouveau Dalloz, mais y renonce rapidement. On le trouve à nouveau dans le monde de l'édition, où il dirige les éditions Prat en 2004. Mais c'est en 1996 qu'il se lance dans l'écriture, en publiant Le Voyage en Allemagne. Une écriture qui verse dans le loufoque et l'absurde, une voie qui n'est donc pas nouvelle, mais dans laquelle il avance avec un style original...