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Littérature et écriture, dans les thèmes suivants : récits et nouvelles - souvenirs - chroniques - critiques littéraires et cinématographiques - humour - poésie - voyages et balades -

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La marche au canon - Jean Meckert -

 La Marche au canon est un roman inédit de Jean Meckert, que l’éditrice, Joelle Losfeld, a eu la bonne idée d’exhumer et d’offrir au lecteur aimant lire autre chose que les conneries présentées à la télé par l’inculte de service au sourire ravageur, qui anime, à une heure de grande écoute, une émission « littéraire » à l’intention des masses… La marche au canon, c’est un récit de guerre, celui du brave Augustin Marcadet, employé d’un magasin de tissus à Paris, et qui se retrouve mobilisé en Lorraine, barda et fusil, attendant de pied ferme les Allemands. On lui a laissé entendre que la victoire serait belle, il a sur lui le parfait manuel du combattant et en son cœur plein d’illusions glorieuses. Mais l’histoire va tourner court : les Allemands arrivent et ravagent tout en un flot impétueux et vainqueur. Et voilà notre héros confronté justement à l’anti-héroïsme de cette drôle de guerre : le commandement est inexistant ou désorganisé, la nature humaine montre vite le bout hideux de son nez : les officiers décampent en hâte, les soldats, perdus, ne sont plus qu’un troupeau proche de l’animalité ; il n’existe plus grand-chose de la vie civile, de sa morale et de sa bienséance, le mince vernis de la civilisation s’écaille vite…  Jean Meckert, écrivain réaliste, nous dépeint les soldats sous le jour cru d’une vérité sans gloire. En 1940, ce ne sont plus des Poilus, ce ne sont que des Lapins qui détalent devant l’ennemi. Nos braves combattants devenus cons battus en pleine débandade, envahissent les bistrots : ça hurle, ça braille, ça fume des "Troupe", ça entonne des chansons de cul... On se saoûle la gueule à longueur de journée, on sort pisser au milieu de la route, on revient pincer les fesses de la petite serveuse qui n’a pas seize ans, on fait provision de pinard pour la route, on réquisitionne un camion… Le titre du roman joue habilement sur les mots : le canon, c’est celui qu’on entend tonner, mais aussi le « canon » de pinard avec lequel on tient dans l’inhumanité de la guerre… Une inhumanité qui atteint la cruauté la plus aveugle, telle cette banale altercation avec un cafetier, pendant laquelle les bidasses sont à deux doigts de fusiller les tenanciers !... Triste débandade de l’an 40, triste spectacle de la réalité humaine, celle de la France profonde, bestiale et crétine, à cent lieues des héros bien propres que l’on montre dans les livres d’Histoire officielle sur papier glacé !... A lire absolument, surtout si l’on a l’habitude de pérorer ou de philosopher à l’envi sur la grandeur de l’Homme et sa noblesse ! Ce livre montre, revers de la médaille, sa petitesse et sa vulgarité. Il ne faut pas les occulter, il faut savoir regarder la vérité en face…

Bio : Jean Meckert est né le 24 novembre 1910. Il meurt le 7 mars1995, à l’âge de 85 ans. Il se définit lui-même ainsi : « Je suis un ouvrier qui a mal tourné. »

Né dans le 10è arrondissement de Paris, il ne connaît pas son père. Ce dernier a refait sa vie pendant Grande Guerre, et sa mère, pour ne pas avouer la vérité, affirme qu’il a été fusillé en 1917 comme mutin. Traumatisée par ces événements elle est internée, et le jeune Jean Meckert est élevé dans un orphelinat où il passe quatre années. A 13 ans, il entre en usine. Après son service militaire, il fait toutes sortes de petits boulots : mécanicien, magasinier, employé dans un magasin de tissus. Mobilisé en 1940, il connaît la débâcle –qu’il décrit dans la Marche au canon- puis est interné en Suisse d’où il est rapidement libéré. En 1941, il publie son premier roman « Les coups », suivi de l’Homme au marteau en 1943…  Remarqué par Marcel Duhamel, qui dirige alors la Série Noire, il se tourne vers le roman policier, et publiera 21 polars sous le pseudonyme de John Amilanar (ami l’anar !), raccourci rapidement en Amila, à la demande de l’éditeur. Jean Meckert excelle dans la description des ambiances mornes et lugubres, ou dans l’évocation réaliste des décors misérables. Il s’impose comme l’un des meilleurs auteurs français de polars… Quelques titres : Ya plus de Bon Dieu (1950), Motus (1953), Le chien de Montargis (1983)… En 1971, il publie La Vierge et le Taureau, récit violemment antimilitariste qui est interdit à la vente. En 1974, Jean Meckert est violemment agressé par plusieurs inconnus à la sortie des studios de l’ORTF. Il y voit un règlement de compte à la suite de ce dernier roman. En partie amnésique suite aux coups reçus, Jean Meckert est profondément déprimé, mais dans les années 80-90, il se remet à l’écriture avec quatre polars. Puis il publie en 1986 Au balcon d’Hiroshima. Il décède le 7 mars 1995.  L’auteur aurait été sans doute oublié, sans les louables efforts de deux admirateurs et le courage de Joelle Losfeld, que je salue ! Allez, il faut découvrir Jean Meckert ! Et ne prétendez pas que ça prend la tête ! Ce n’est pas du Simone de Beauvoir, ce sont de bons romans et d’excellents polars, à la portée même des cerveaux lents !... C’est dire que ça vole haut, tout de même !

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