Par Robertcri
La Mythologie nous raconte qu'un ami d'Apollon, Hyacinthe, mortellement blessé par un jet de pierre, fut transformé en une fleur parfumée par le dieu du soleil : ainsi naquit sur la terre, dit-on, la première jacinthe... Je ne sais pas si cette histoire est vraie, mais elle est très jolie... Ce que je sais en revanche, c'est que les jacinthes occupaient une place de choix au jardin de mon enfance ; mon père les plantait à l'automne, en même temps que les tulipes ; je le regardais, penché sur le sol ameubli, soufflant de temps à autre la fumée bleue de sa pipe dans l'air vaporeux d'octobre.... Les bulbes déjà avaient un charme certain, avec leurs jolis reflets nacrés, mauves, violets... Les jacinthes germaient dans les terres froides et nues de l'hiver. Et puis, tendres messagères du printemps, compagnes parfumées des tulipes, elles apportaient au matin de mars un parfum qui m'envoûtait. Les jacinthes formaient des grappes de fleurs, serrées autour d'une tige d'un vert tendre. Les bleues, au teint vif et soutenu, avaient la profondeur d'un ciel d'azur ; les jacinthes roses leur répondaient par la douceur de leurs nuances pâles... Et partout, au moindre souffle du vent, et plus encore après une petite giboulée, lorsque revenaient les rayons d'un soleil primesautier, montaient du sol les odeurs mêlées des jacinthes et de la terre mouillée, en un délicieux parfum que je humais profondément, intensément, en prenant tout mon temps, quittant à regret le jardin pour aller à l'école, où j'arrivais, du coup, en retard..... Le directeur, Monsieur Bannette, m'attendait, le sourcil relevé, le regard sévère, et me mettait au piquet. Et je me retrouvais là, debout contre le mur, les mains sur la tête, à méditer sur le monde cruel des grands, ce monde impitoyable où l'on peut être puni pour avoir seulement respiré le parfum enivrant d'une jacinthe, au jardin, un matin de printemps.
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