Par Robertcri
JE FUME DONC JE SUIS
A la manière de Descartes
Par Robert Lasnier
La dernière et plus prochaine cause des passions fumeuses n’est autre que l’agitation dont les esprits tabagiques meuvent la petite glande qui est au milieu du cerveau. Je remarque, outre cela, que les cigarettes excitent en nous toutes sortes de passions par l’extrême diversité des fumées de nicotine qui se trouvent en elles, et que l’aspiration des goudrons qu’on fait par l’usage de la clope, dispose l’âme à des mouvements de nos esprits animaux que l’on nomme ordinairement accoutumance. Je ne ferai point ici le dénombrement parfait de tous les vices que met en notre corps et en notre esprit l’usage funeste de l’herbe à Nicot. Lorsque la rencontre d’une cigarette nouvelle nous surprend, nous la jugeons être nouvelle et fort différente de la cigarette que nous étions accoutumés de fumer, par cela simplement que nous avons de l’admiration pour la première que nous connaissons, cependant que l’âcre vapeur de la seconde nous étonne en ce qu’elle n’était pas en notre conscience précédemment, encore inconnue de nos sens qui ne l’avaient point éprouvée. Et son goût ne nous semble pas convenable en notre bouche, car nous sommes tout marqués par l’admiration que notre cœur ressent pour celle à laquelle nous sommes accoutumés déjà. Cette admiration nous cache dès lors tout le mal qui nous peut advenir des exhalaisons tabagiques. Le cancer, les tumeurs malignes, toux opiniâtres et autres pestes ne nous semblent pas des dangers haïssables, de par l’admiration qui nous l’occulte en raison de la fausseté de notre jugement que la nicotine provoque. Du fait que le tabac nous semble bon et fait forte impression sur nos sens, nous en déduisons à tort qu’il est bénéfique à notre santé et à notre âme. J’y vois sécurité et assurance, en sorte que je m’écrie « Je fume donc je suis », tant est grande en moi cette évidence du suprême bien que me procure le tabac par l’empreinte fausse qu’il fait en moi. Ce qui fut cause que je pensai qu’il fallait un autre discours sur la méthode pour cesser de fumer. Il m’apparut que j’aurais assez des quatre préceptes suivants pour y parvenir :<o:p></o:p>
- Le premier était de ne recevoir aucune cigarette pour bonne que je ne la connusse être évidemment sans tabac ni goudrons.<o:p></o:p>
- Le second, de diviser chaque cigarette en autant de petits mégots qui fussent plus aisés à jeter en des cendriers.<o:p></o:p>
- Le troisième était de légiférer, en sorte qu’il ne fût plus permis d’empoisonner l’air des lieux publics par les exhalaisons et les miasmes du tabac.<o:p></o:p>
- Le dernier était de faire partout des dénombrements si entiers et si parfaits des fumeurs, que je fusse assuré de n’en omettre aucun. Et enfin, de mettre ces fumeurs en état de payer les plus lourdes amendes, en sorte que nul jamais ne puisse plus faire entendre cette maxime haïssable : « Je fume donc je suis. »
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