Par Robertcri
Depuis longtemps, je vivais avec en moi une sorte de vague honte, à cause d’une lacune que je n’eusse jamais avouée en public : je n’ai jamais lu une seule ligne de Dante ! Quel scandale ! Rendez-vous compte : La Divine Comédie !… L’Enfer !… Des titres qui résonnent comme l’airain au panthéon de la littérature mondiale, au fronton de l’Unesco des Lettres tel un patrimoine mondial…et moi… pas lu une seule ligne ! De quoi passer pour un plouc aux yeux des fins lettrés, heureusement très minoritaires… Encore que ça se discute : car si on passe pour un demeuré aux yeux des intellos quand on n’a pas lu Dante, on passe à l’inverse pour un con, lorsqu’on l’a lu, aux yeux des ouvriers ! De toute façon, donc, Dante ou Proust, qu’on les lise ou non, on passe toujours pour un mec bizarre !... Mais, toujours curieux d’esprit, je me suis dit que, si l’on parle tant de Dante, c’est sans doute que ça en vaut la peine… Alors j’ai tenté une approche, en lisant «Dante» de R.W.B. Lewis publié chez Fidès. Il s’agit en fait d’une sorte de biographie de Dante. Le livre aurait pu être intéressant s’il avait été rédigé par un amateur passionné soucieux de faire partager sa passion dantesque, avec le désir de la faire aimer… Las ! Ce bouquin est écrit par un spécialiste pointu, un spécialiste de la pire espèce : un érudit, c’est-à-dire un mec incapable de pédagogie, un type passionné par le moindre petit détail, qui truffe son propos pédant de considérations politiques en tous genres, où l’on s’embrouille entre les Gibelins et les Guelfes, puis entre les guelfes blancs et les guelfes noirs, le tout entrelardé de combats, d’assassinats, d’exils et de retour en grâce… En outre, l’auteur nous donne à lire quelques vers grandioses du grand homme. Tenez, je vous en fais profiter :
« Vous qui avez humble aspect
Les yeux baissés, montrant vos douleurs
D’où venez-vous, que votre couleur
Semble devenue image de pitié ?
En ses yeux ma dame porte amour
Parce que devient noble qui elle regarde… »
Bien entendu, il trouve ces vers admirables, bouleversants ! Du coup, il nous en inflige même en italien :
« Ne li ochi porta la mia dona Amore !"...
Ca vous bouleverse, vous ???... J’aimerais bien savoir !... Et puis, l'histoire de l'Italie au Moyen-Âge, c'est d'une complexité !... Je défie quiconque de s’y retrouver dans ce merdier italien des années 1300. Quant à Lewis, ce n’est pas un écrivain, c’est un sodomiseur de diptères, bref, vous l’avez compris, un enculeur de mouches… Et l’on sent bien que c’est un fan : il aime tout de Dante, sans le moindre recul critique : il admire sans réserve, il s’éblouit de tout, il vénère n’importe quoi : le plus petit rot, le moindre pet… pourvu qu’ils viennent de Dante… on crie au génie !... Le résultat, c’est qu’au lieu de me faire admirer Dante, ce nullard m’en a dégoûté pour un bon moment ! Au fond, ce que je viens de lire de Dante dans ce bouquin ne me donne pas l’envie de connaître cet auteur et son œuvre. J’ai toujours bien vécu sans Dante, alors je crois que je vais continuer à me passer des vers de cet auteur majeur, dussé-je passer pour un demeuré !
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