• Une forme de vie - roman d'Amélie Nothomb - 2011 -

     

    Une forme de vie – roman d’Amélie Nothomb – 2011 –

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    On ne présente plus Amélie Nothomb : critiquée par les uns, adulée par les autres, elle pond chaque année, de manière frénétique, un mini-roman vite publié, vite vendu, souvent lu, vite jeté, bientôt oublié… Du moins c’est ce qu’affirment ses détracteurs, qui en sont restés aux Belles-Lettres, à Madame de Sévigné, Marcel Proust, André Gide, à une époque où la lecture restait l’apanage d’une élite finement éduquée, mais infinitésimale dans la masse populaire souvent inculte et illettrée à majorité ouvrière et paysanne… Mais le monde a changé, les lecteurs aussi : il y a beaucoup moins de fins lettrés à un bout de la chaîne, mais beaucoup moins d’illettrés à l’autre bout… Il y a eu un nivellement : moins d’intellos exigeants d’un côté, moins d’illettrés profonds de l’autre, les choses se sont équilibrées au profit d’une certaine médiocrité moyenne… Les modes de vie aussi ont changé : on ne le lit plus un gros bouquin relié, posé sur la table en noyer et éclairé par la lampe à pétrole tandis que la bûche crépite dans l’âtre, on bouquine vite fait, debout dans le métro, le bus, le RER… Il faut alors un livre léger et peu encombrant : guère épais plutôt que Guerre et Paix !!! Enfin, on n’achète plus un volume chez un libraire chenu tapi au fond d’une échoppe sombre qui sent le vieux papier, la poussière et l’encre d’imprimerie, on prend un bouquin en tête de gondole au supermarché où braille la pub, et on le jette vite fait au fond du caddie, où il rejoint en vrac les yaourts allégés, les apéricubes en promo, le nouveau Tampax (prix inchangé) à l’applicateur vibrant pour encore plus de plaisir, les sardines bio riches en oméga 3, et Harpic WC qui fait tourbillonner des tsunamis bleu-vert dans la cuvette des chiottes tout en respectant la couche d’ozone !... C’est là qu’est sa place, à Amélie Nothomb !... Mais non, pas dans la cuvette voyons, lisez mieux je me suis mal exprimé ! Je veux dire que cette romancière a trouvé sa place dans le monde d’aujourd’hui : un monde effervescent, superficiel et pressé… Ses romans en sont le reflet : un peu plus d’une centaine de pages, pour des romans qui ressemblent surtout à des nouvelles au style vif et alerte. Les phrases n’ont pas besoin, comme celles de Proust, d’être lues lentement et trois fois de suite pour les comprendre, puis remâchées une fois encore pour en extraire le sens profond supposé… Amélie Nothomb ça va plus vite, on en lit trois bons chapitres entre deux correspondances. Et, pour peu que le trafic soit perturbé en raison de l’arrêt de travail d’une certaines catégorie de personnel, on a fini le bouquin avant même d’arriver au bureau, ou chez soi, tout dépend si on a choisi de lire le mini-roman à l’aller ou au retour… Mais je m’égare, je bavarde… et si on parlait enfin  d’Une forme de vie ?... Allons-y : Ce bref roman narquois  est une histoire à la Nothomb évidemment : 125 pages seulement, pour raconter une étrange correspondance, un échange de lettres entre l’auteur, Amélie Nothomb elle-même, qui se met donc en scène dans son roman, et un mystérieux correspondant, Melvin Mapple, soldat américain combattant en Irak. Ce dernier raconte à Amélie son état mental et corporel : depuis qu’il est en Irak, il bâfre, il dévore, pour compenser le stress de la guerre… Il a pris 130 kg ! Imaginez la masse de lard qu’il est devenu : énorme, bouffi jusqu’à l’inimaginable, répugnant, avec cette sueur permanente des gros, écœurante, qui macère et fermente dans les multiples replis adipeux de ses monstrueux bourrelets… Amélie Nothomb renoue ici avec un de ses thèmes favoris : l’obésité extrême et ce qu’elle inspire : dégoût, mépris, isolement, rejet, culpabilité… Mais ce qui est plaisant ici, c’est le pétillement de l’écriture, les rebondissements vifs d’une histoire originale, dans une écriture et un ton qui parviennent à donner de la vraisemblance à l’invraisemblable. Pas de longues descriptions oiseuses et répétitives du ciel et des paysages alentour, pas d’interminables ruminations sur des états d’âmes tourmentés, on va à l’essentiel avec des mots précis qui n’excluent pas l’émotion pour autant, avec toujours une sympathique auto-dérision et une touche d’ironie impertinente, incisive mais sans cruauté. Au-delà des polémiques dont elle est l’objet, Amélie Nothomb a ce mérite : auteur de son époque, elle donne à la littérature de caddie ses lettres de noblesse. Une forme de vie : à lire vite fait…


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