• Poèmes de Francois Villon

     

    Je ne vais pas faire la critique de telle ou telle œuvre de Villon, mais seulement tenter de vous inciter à lire au moins quelques lignes, quelques poèmes de lui… Pour cela, je vous invite à me suivre, nous partons à la rencontre de François de Montcorbier, alias François Villon…
     
    «  Frères humains qui après nous vivez
    N’ayez les cœurs contre nous endurcis… »
    Ces deux vers en forme de prière s’adressent à nous tous, par-delà une longue distance ; non pas une distance dans l’espace, mais dans le temps. Voilà cinq siècles et demi qu’ils ont été écrits, dans des circonstances dramatiques, dans une atmosphère de mort et d’épais mystère, par François Villon, l’un des plus grands poètes que la France ait engendrés. Mystère, oui. Parce que, un jour, après avoir failli se retrouver pendu à un gibet, ce poète magnifique va disparaître à tout jamais, sans laisser derrière lui la moindre trace… Cette distance de plus de cinq siècles qui nous sépare de lui, nous allons la parcourir maintenant dans l’autre sens… Fermez les yeux, la machine  à remonter le temps est en marche…
    Vous pouvez les rouvrir ! Voilà, nous sommes en l’an de grâce 1462, à Paris. Très précisément nous sommes dans la rue Saint-Jacques, au coin de la chapelle Saint-Benoît-le-Bétourné. Devant la petite église rêvasse un homme d’une trentaine d’années, maigre, à l’apparence pauvre, les traits prématurément marqués, mais les yeux irradiant l’intelligence la plus vive. Cet homme s’appelle François de Montcorbier, il est né en 1431, au moment où, à Rouen, les Anglais faisaient monter Jeanne d’Arc au bûcher. Après la mort de son père, François de Montcorbier a été confié aux bons soins du chanoine de Saint-Benoît, nommé Guillaume Villon, et il a passé la plus grande partie de sa jeunesse auprès de lui. Et c’est en hommage à ce « plus que père » comme il l’appelle, que le jeune François de Montcorbier lorsqu’il a commencé à composer des vers, a choisi de prendre désormais son nom. C’est ainsi que François de Montcorbier est devenu François Villon, sans savoir encore qu’il va rendre ce nom illustre pour des siècles et des siècles. Dans sa prime jeunesse, le futur poète mène la vie à la fois studieuse et agitée de tous les étudiants. Nettement plus agitée que studieuse dans son cas. Rien de nouveau sous le soleil : François Villon et ses compaings organisent des chahuts nocturnes, prennent plaisir à choquer le bourgeois de Paris, se heurtent, parfois violemment, aux archers du bon roi Charles VII. Il y a aussi, déjà, des grèves de professeurs et des fermetures d’universités : on se croirait en mai 68 ! Il arrivera à François Villon devenu poète, de regretter son manque d’assiduité aux cours :
    «  Mais quoi ! Je fuyais l’école
    Comme fait le mauvais enfant
    En écrivant cette parole
    A peu que le cœur ne me fend ! »
    Il parvient tout de même en 1452, il a 21 ans, à décrocher sa maîtrise ès arts à l’université de Paris. Et c’est après que les choses se gâtent. François Villon, livré à lui-même, va basculer dans ce qui ne s’appelle pas encore la délinquance. D’abord, il passe son temps dans les tavernes. Ensuite, il ne fréquente à peu près que des prostituées, et joue à l’occasion les proxénètes.
    Mais il y a pire. En 1456, la nuit de Noël, il participe à un vol avec effraction au célèbre Collège de Navarre, rue Saint-André-des-Arts. Là, ça commence à sentir vraiment mauvais et il est obligé de fuir Paris, pour échapper à la justice royale. Juste avant de partir, il a cessé d’être l’anonyme François de Montcorbier, pour devenir l’immortel François Villon. Car en 1457, il a écrit ce qu’on appelle Le Lais (l’équivalent de notre mot moderne legs, c’est-à-dire ce qu’on donne par testament). On retrouve la trace de François Villon à Blois, à la Cour du prince Charles d’Orléans. Celui-ci, poète également, mais moins talentueux que son hôte loqueteux, a organisé un concours de poésie sur un thème imposé, basé sur une série d’oppositions. François Villon remporte le premier prix, avec l’une de ses plus admirables ballades, dans laquelle il parvient à exprimer toute l’incapacité au bonheur de l’homme, son insatisfaction fondamentale, avec des accents qui nous touchent encore aujourd’hui :
    «  Je meurs de soif
    Auprès de la fontaine
    Chaud comme feu
    Et tremble dent à dent,
    En mon pays suis
    En terre lointaine,
    Près d’un brasier
    Frissonne tout ardent… »
    Admirable poème, l’un des plus hauts de notre langue, dont chaque strophe se termine par le même distique :
    Bien accueilli
    Débouté de chacun.
    Bien accueilli, débouté de chacun c’est toute la vie de François Villon. Car les événements se précipitent. En 1461, pour des raisons obscures, on le retrouve dans les oubliettes du château de Meung-sur-Loire, propriété de l’évêque d’Orléans, qui l’y a fait jeter. Nous ne savons rien des causes de cette incarcération. Coup de chance pour Villon : Charles VII étant mort, son fils Louis XI devient roi. A cette occasion, montant du Dauphiné à Paris, il passe par Meung et gracie tous les prisonniers : Villon est libéré…
    On retrouve François Villon à Paris en 1461. S’est-il assagi ?... Hélas non !… Il a juste 30 ans, il est au point de basculement de sa vie. A la fois au sommet et au plus bas. Le sommet : il compose dans la fièvre l’œuvre qui lui vaudra l’immortalité : Le Testament. Au plus bas : ayant renoué avec la pègre parisienne, il est de nouveau impliqué dans une affaire d’agression à main armée, arrêté et emprisonné au Châtelet. Récidiviste, son affaire est claire : après avoir été torturé, François Villon est condamné à être pendu en Place de Grève (L’actuelle place de l’Hôtel de Ville). Et c’est dans sa prison, attendant la mort, qu’il compose son admirable Ballade des pendus, dont nous citions les deux premiers vers au début :
    «  Frères humains qui après nous vivez
    N’ayez les cœurs contre nous endurcis… »
    Finalement sa peine est commuée en dix ans de bannissement de Paris. Et c’est ainsi que, le 5 janvier 1463, François Villon quitte Paris par la barrière Saint-Antoine, vers l’actuelle place de la Bastille, marche à travers la campagne gelée, en direction du pont de Charenton. Il le franchit, et puis…plus rien ! Nul n’entendra plus jamais parler de François Villon. Il ne laissera aucune trace de son passage nulle part. Il disparaît, se dissout, devient invisible… Est-il mort dans les jours ou les semaines suivantes ? A-t-il vécu encore plusieurs dizaines d’années sous une fausse identité, dans quelque province reculée ? Où est-il enterré ? Existe-t-il encore aujourd’hui, en France, des descendants directs des enfants qu’il aurait pu avoir ?... Nul ne le sait. Tout se passe comme si, le 5 janvier de l’an de grâce 1463, le premier poète de ce pays s’était évaporé dans les airs en répandant la féconde semence de ses vers admirables sur l’ensemble du pays de France, nous laissant, comme un signe de croix tracé sur nos fronts, par delà les siècles qui nous séparent et nous unissent, les derniers vers de sa Ballade des pendus :
    «  Mais priez Dieu
    Que tous nous veuille absoudre… »

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :