• Philippe DELERM

    ET SI ON S’ARRÊTAIT DE FUMER ?<o:p></o:p>

    A la manière de Philippe Delerm<o:p></o:p>

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    Par Robert Lasnier<o:p></o:p>

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    On s’est levé de bonne heure. D’emblée la pensée est venue : Et si on s’arrêtait de fumer ? On a dit ça comme ça, comme une résolution qu’on prend soudain, une petite décision du matin mais qu’on ne veut pas anodine. Elle engage un avenir que l’on sait incertain. On la formule avec un brin d’hypocrisie. On sait confusément que ce ne sera pas facile. On a pris soin d’employer le conditionnel : et si on arrêtait de fumer ? C’est le conditionnel qui est important.  Car on n’est pas sûr qu’on tiendra, et si la fumée l’emporte, on ne semblera pas avoir cédé au manque de  nicotine, on aura seulement obéi au conditionnel, une simple précaution lexicale. Notre volonté n’aura pas été prise en défaut. Fumer n’est pas pétuner, ce n’est pas non plus chiquer dans l’amertume de l’herbe à Nicot. Fumer c’est le plaisir à l’envers, une joie ambiguë qui fume et qui enfume celui qui n’en voudrait pas, avec cette petite jouissance  que donne l’abondance gâcheuse des cendriers trop pleins. Sur la terrasse, on s’est posé pour un moment d’oisiveté qu’on voudrait libre.  On n’est point dans le désir badin. On a mis la cigarette à la bouche, on prolonge l’instant, en quête d’une attente qu’on ne saurait définir. Une éternité qu’on espère, sans oser se l’avouer, un toujours qui n’aurait pas de fin, dans la griserie tabagique qui assouvit.  Mais le frottement de l’allumette nous fait sursauter. On n’avait pas même fait attention qu’on venait de la craquer. On n’a plus même conscience de l’addiction. La flamme ne vacille pas, et on aspire goulument, le regard attentif et légèrement plissé, cette montagne de plaisir pervers contenu dans la fumée. Comme elle est longue et douce, la première bouffée ! Ce pourrait être un dimanche de pluie, ou un matin de neige, on ne ferait pas la différence. Le fumeur n’a qu’une saison de beau temps : celle où il inhale son poison.  Une fumée bleutée s’envole, bonheur délicieux  du tabac blond, promesse d’une ivresse dont on sait qu’il faudra bien la payer, échanger quelques heures de délices contre un cancer sournois. Alors on met aussi le cancer au conditionnel : Et si je ne l’attrapais pas ? On se rassure en souriant, on met en place une petite ruse dérisoire, toujours la même, qui ne trompe que soi-même ; on retourne le paquet de cigarettes, pour ne pas lire ces mots dont l’augure nous effraie : FUMER TUE !... Alors on aspire profondément une autre bouffée, plus longue… Les premières gouttes d’une averse viennent mouiller le jardin mais on n’en a cure. Une troisième bouffée vient encore, et l’on ferme les yeux sous l’extase : comme la mort semble douce dans la fumée du tabac !... <o:p></o:p>


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