• Paris lanterne magique - Marcel Schneider - 1997 -

     Paris lanterne magique, publié en 1997, ne sera jamais un best-seller. On ne le verra pas au catalogue trimestriel de France-Loisirs, la chose est sûre. Marcel Schneider, que j'ai connu autrefois comme prof de lettres au lycée Charlemagne, se révèle ici sous un jour dont il ne laissait rien paraître comme enseignant. Ce livre est celui d'un esthète raffiné, un amoureux de Paris, de son histoire, de son esprit. Cet esprit ne naît pas dans les grands lieux galvaudés par un certain tourisme de masse dévoyé par le profit et l'âpreté au gain... Pas de tour Eiffel en matière plastique dans ce livre ! Marcel Schneider nous invite dans ces pages à un parcours précieux dans des endroits inconnus, incongrus, disparus, mais qui tous ont été porteurs de civilisation dans ses manifestations les plus hautes comme dans ses oeuvres les plus basses... A la suite de l'auteur, nous cheminons sur le Cours la Reine (Cette reine était Marie de Médicis, ça vous en bouche un coin, hein !), nous déambulons dans des passages couverts aujourd'hui disparus, nous visitons la Place des Vosges. Mais je vous réserve le meilleur, c'est-à-dire le pire, que nous raconte Marcel Schneider : Au numéro 113 du boulevard Beaumarchais, à Paris, à l'angle de le rue du Pont-aux-Choux, il existe encore aujourd'hui un Café de la Petite Chaise. Voici son histoire : Le 3 septembre 1792, la Princesse de Lamballe, confidente de la reine Marie-Antoinette, est extraite de sa cellule de la prison de la Petite Force (dans l'actuelle rue Pavée, dans le 4è arrondissement). Dehors, dans l'étroite rue des Ballets (actuelle rue Mahler) elle butte sur un tas de cadavres, plus d'une centaine ! Elle s'écrie : "Fi ! L'horreur !"... Immédiatement, c'est la curée : un homme lui lance une énorme bûche dans les reins. La princesse tombe. La foule se déchaîne, la transperce de multiples coups de piques. Le corps est traîné jusqu'à une borne ; là, un autre manifestant, nommé Grison, sort un couteau avec lequel il découpe la tête de la princesse de Lamballe avant de la ficher au bout d'une pique. D'autres lui ouvrent la poitrine, on lui arrache le coeur qu'on plante au bout d'un sabre, tandis qu'on lui fait subir également des mutilations sexuelles, sous les quolibets de la foule... Un cortège braillard se met en marche et s'engage dans la rue Saint-Antoine ; des hommes traînent le corps sanglant par les pieds, un autre porte la tête au bout de la pique. Arrivé devant la Bastille en ruines, l'odieuse troupe ne sait plus quoi faire, elle hésite. Elle se divise. Une premier groupe, traînant toujours le cadavre mutilé, s'engage dans la rue du Faubourg Saint-Antoine, jusqu'à l'Hospice des Enfants Trouvés, où le corps est abandonné (Les restes seront inhumés provisoirement dans le cimetière de l'hospice). Un second groupe, conduit par le perruquier Charlat, celui qui exhibe la tête au bout d'une pique, remonte le boulevard Beaumarchais. A l'angle de la rue du Pont-aux-Choux, la populace s'arrête à une taverne. Sur le trottoir, devant la façade, il y a une petite chaise, et un seau empli d'eau pour abreuver les chevaux : c'est dans ce seau qu'on plonge la tête sanglante de la princesse de Lamballe, pour lui laver le visage et les cheveux. Car Charlat a une idée diabolique : porter la tête sous les fenêtres de la prison du Temple, pour la montrer à la reine Marie-Antoinette... Et pour finir, Charlat poursuit jusqu'au Palais-Royal, où il jette la tête de la princesse sur la table où dîne le duc d'Orléans, Philippe-Egalité. C'est aussi ça, la Ville-Lumière !... Voilà ce qu'on apprend dans le livre de Marcel Schneider.. On y apprend aussi, justice immanente, que le perruquier Charlat, le porteur de pique, subit dès le lendemain le même supplice que celui qu'il a infligé la veille à la Princesse de Lamballe. Le 4 septembre 1792, alors qu'il vient de s'engager comme tambour, il est massacré par ses camarades ! Bien fait pour sa gueule !... Quant à Grison, celui qui avait découpé la tête au couteau, il sera exécuté en janvier 1797 comme "assassin de septembre 1792" : bien fait pour sa gueule, bis repetita !... Paris lanterne magique, un livre précieux pour esprits curieux, à un tout petit prix : quelques euros dans le Livre de Poche... Et rappelez-vous : le Café de la Petite Chaise existe encore, au 113 bd Beaumarchais !... C'est même un petit restaurant : Bon appétit messieurs dames !...


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :