• Les sept couleurs - Robert Brasillach -

    Les sept couleurs est un roman publié en 1939. Vous allez me dire que je vous sers du réchauffé, mais contrairement à beaucoup de gens, je ne me jette pas sur le dernier bouquin sorti, pas forcément en tout cas, et pas toujours. Je me méfie de la publicité tapageuse pour des bouquins, vantés par des animateurs de télé dont le quotient intellectuel est bien inférieur à leur compte en banque : chacun ses richesses !... Parfois j'aime prendre les voies de traverse, les ruelles tortueuses de la culture, je me hasarde  sur les sentiers réputés dangereux, et je m'aventure même dans les sens interdits, c'est un peu le cas ici... Avant même de parler du roman, rappelons que son auteur, Robert Brasillach, a été condamné à mort et fusillé au Fort de Montrouge le 6 février 1945, à l'âge de 36 ans, pour ses écrits violemment anticommunistes et antisémites, ainsi que pour son apologie de l'Allemagne dont il souhaitait ardemment la victoire...  Mais parlons du roman, dans lequel l'engagement de l'auteur se fait nettement sentir : Sept couleurs est un roman d'amour, qui nous raconte l'histoire d'une rencontre entre Patrice et Catherine, à Paris, alors qu'ils sont tous deux de jeunes étudiants : il a 20 ans elle en a 18. Patrice fait découvrir Paris à Catherine, mais il s'en va en Italie, ébloui par le fascisme montant de ce pays, pour lequel il ressent une véritable fascination... L'originalité de l'ouvrage ne tient pas à l'histoire, mais à la manière dont Brasillach la décrit, une histoire découpée en sept parties, qui ne sont pas sept chapitres, mais sept éclairages différents (sept couleurs) de la même histoire : la première partie est un récit, la deuxième un échange de lettres entre Patrice et Catherine, la troisième partie est un journal tenu par Patrice alors qu'il vit en Allemagne. On trouve ensuite trois autres parties, composées respectivement de réflexions, d'un dialogue, de documents et finalement de discours...  En fait, Catherine et Patrice se quittent et Catherine se marie alors avec François. Or, Patrice revient et tente de convaincre Catherine de tout recommencer... Elle refuse, et raccompagne Patrice jusqu'à sa voiture, mais François les voit, et se croyant trahi par sa femme, s'en va et s'engage dans la guerre d'Espagne, où il combat pour Franco, évidemment ! Sa femme ignore pourquoi il est parti... Un jour elle apprend qu'il a été blessé... Elle comprend alors qu'il est temps d'abandonner définitivement l'illusion de son rêve de jeunesse, d'oublier tout à fait Patrice, pour retrouver son mari, François...  Ce roman a failli obtenir le Prix Goncourt en 1939. Il vaut surtout par son découpage original et par la description d'une certaine vie parisienne dans les années 20...

    Biographie : Robert Brasillach est un écrivain français né en 1909 à Perpignan. Elève du lycée Louis-Le-Grand à Paris, il entre en 1928 à l'Ecole Normale Supérieure. Il enseigne quelque temps au lycée de Sens. Brillant critique de cinéma, de théâtre, il rédige des ouvrages historiques qui font autorité dans ce domaine. Pourtant, sa rencontre avec Maurras, monarchiste et conservateur, va orienter sa pensée vers le fascisme, pour lequel il éprouvera une véritable fascination. Il admire d'abord l'Italie, avant de s'enthousiasmer pour l'Allemagne, dont il souhaite ardemment la victoire... Hélas, Robert Brasillach n'en reste pas au niveau de l'enthousiasme personnel, mais il utilise sa plume à partir de 1940 pour tenir des propos violemment anticommunistes et antisémites dans la revue "Je suis partout". Le summum est atteint en 1942 avec cette phrase : "Il faut se séparer des Juifs en bloc, ne pas garder de petits". Ce ne sont que des mots, mais ils seront repris lors de son procès et pèseront lourd... Brasillach n'est en effet poursuivi pour aucun acte de collaboration, mais seulement pour ses écrits. Emprisonné à Fresnes fin 1944, il est jugé le 19 janvier 1945 au cours d'un procès bâclé d'une journée. Condamné à mort le soir même, il voit son recours en grâce rejeté par le Général de Gaulle, malgré l'intervention de nombreux écrivains et intellectuels : Paul Claudel, Paul Valéry, Colette, François Mauriac, Albert Camus, Roland Dorgelès, Jean Anouilh... Robert Brasillach est conduit le 6 février 1945 au Fort de Montrouge où il est fusillé à 9h38, après avoir refusé d'avoir les yeux bandés et avoir crié : "Vive la France, quand même!"... Il est le premier écrivain français -et le seul- à avoir été exécuté pour ses écrits. Son corps repose à Paris, dans le petit cimetière de l'église de Charonne... Il convient, pour être complet, de signaler qu'un autre écrivain a été exécuté à la Libération : tel est le cas de Paul Chack, un officier de marine né en 1876, et qui dirigea, pendant la seconde guerre mondiale, le Comité de lutte antibolchévique, collaborant ainsi avec l'Occupant. Il a écrit de nombreux ouvrages sur la mer et sur la marine, mais n'a pas été condamné pour ses écrits, mais sous l'accusation d'intelligence avec l'ennemi. Il a été fusillé le 5 janvier 1945.


  • Commentaires

    1
    Robert Massip
    Vendredi 20 Avril 2012 à 22:42
    Voilà un honnête compte rendu qui donne envie de lire le roman de Brasillach ; et il n'y a pas de meilleur service à rendre à un écrivain que de lui envoyer des lecteurs !
    Deux remarques, toutefois : la célèbre phrase que vous citez gagnerait à être replacée dans son paragraphe : le ton en est violent et hostile, et c'est pourquoi on y renvient souvent, mais ce que Brasillach veut dire, c'est tout simplement qu'il ne faut pas séparer, en cas d'expulsion, les parents de enfants, car ce serait inhumain. Vous écrivez, d'autre part, que Brasillach fut le seul écrivain fusillé à la Libération pour ses écrits. Stricto sensu, vous avez probablement raison ; le cas de Paul Chack, écrivain spécialisé dans les histoires de mer et l'histoire de la marine, fusillé en janvier 1945, mérite cependant d'être rappelé, même si ce sont ses activités politiques durant la guerre qui lui furent reprochées.
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