• LE DAHLIA

     

    Après la torpeur lourde de l'été aux couleurs exubérantes, voici l'automne, la plus émouvante et la plus douce des saisons ; une vague tristesse parfois nous étreint, mais le raisin chasselas aux senteurs cuivrées nous tend ses promesses imminentes d'ivresse, et la nature s'habille aux reflets de l'or qui coule à profusion des feuilles qui jaunissent ; c'est alors qu'au jardin s'épanouit le dahlia. Le velours délicat et satiné de ses pétales illumine de teintes flammées le vieux mur de pierre, qui frissonne sous le ciel vaporeux des matins qui fraîchissent. Le dahlia s'offre alors à nous dans la beauté infiniment changeante de ses teintes et de ses formes ; ce sont tantôt de lourdes fleurs dolentes, grandes comme des soleils couchants à l'horizon d'octobre, tantôt des fleurs rayonnantes de pétales violacés bordés de blanc ; tantôt aussi des boules, plus petites et arrondies, quand le dahlia se fait pompon, tout en douceur et en courbes ; tantôt enfin il se hérisse : c'est le dahlia cactus, avec ses fins pétales, dressés comme des épines : il rayonne, lumineux avec les roses délicats et les oranges flamboyants de ses fleurs effilées, souvent panachées de jaune paille. Fragile au vent d'automne, le dahlia s'appuie sur les tuteurs du jardinier prévenant. Trait d'union entre la marguerite de l'été et le chrysanthème presque hivernal, le dahlia allume les derniers feux de l'automne dans les jardins adoucis par la brume, et qui soudain évoquent les tableaux nostalgiques de Gustave Caillebotte, quand il peignait les dahlias de sa propriété de Gennevilliers, vers 1885... Il y a dans la beauté presque désuète du dahlia quelque chose d'immuable, d'éternel, comme la tendresse surannée d'un souvenir que l'on chérit par delà les années, par delà le temps.... Au jardin de mon enfance, c'était la saison des premiers froids ; et quand les dahlias se courbaient, alourdis sous la pluie glacée, je rentrais vite à la maison ; là, bien au chaud près du poêle, je feuilletais le catalogue de Manufrance, et je retrouvais alors dans ses prunelles de topaze tout l'or pailleté de l'automne....


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