• LE COQUELICOT

     

    J'aime le coquelicot et son rouge éclatant, ce cousin germain du pavot, et pourtant il n'y en avait pas dans le jardin de mon enfance. Le coquelicot ne s'accommode pas des agencements méticuleux, ni des plantations sages du jardinier soigneux. Le coquelicot est un rebelle, indomptable et fier, qui ne se laisse pas mettre en bouquet : sitôt cueilli, il se flétrit : la mort plutôt que la soumission, telle pourrait être sa devise ! ¨Pourtant, je garde du coquelicot de bien beaux souvenirs, car je le rencontrais dans mes moments buissonniers, quand je sortais des sentiers battus du petit jardin, errant soudain sur des terres plus sauvages que celles cultivées avec soin par mon père. Point n'était besoin d'aller bien loin pour cela. Il me suffisait, passant par la rue Pierre Honfroy, de m'aventurer sur le petit sentier qui longeait alors un terrain vague et montait, sauvage, vers la Route Stratégique ; au milieu du chemin, de gros pavés irréguliers formaient une rigole pour les eaux de pluie, les soirs d'orage. Sur les côtés, des herbes folles poussaient : c'est là qu'il était, le coquelicot ; c'est là que s'épanouissaient les éclatantes fleurs rouge vif, dressées sur une tige fragile, versatile et souple que le moindre souffle de vent agitait doucement. Le coquelicot était le compagnon flamboyant de mes étés, et son rouge éclatant dansait avec grâce dans mes soirs d'été ; un beau rouge, comme celui de la grenadine que je buvais en rentrant, dans un grand verre de limonade... Le coquelicot reste pour moi associé aux promenades, aux voyages, aux vacances d'été, en Alsace, chez un oncle où l'on m'envoyait ; mon père me conduisait à la gare de l'Est ; bientôt, le train partait ; et pendant tout le voyage, jusqu'à Colmar, les coquelicots m'escortaient, au hasard des petites gares quand le quai laisse la place aux herbes blondes qui longent la voie ferrée... C'est ainsi que le coquelicot est resté pour moi la fleur des vacances, la rouge compagne de mes jeudis d'été, une fleur qui symbolise les errances à travers des terres inconnues... Le coquelicot, frêle et rouge corolle qui fleurit dans mes souvenirs, c'est un petit flambeau de liberté qui pousse sur les chemins du monde....


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :