• La Fortune des Rougon - Emile Zola

     

    Non, je ne ferai pas la critique des vingt tomes de la « saga » des « Rougon Macquart », et j’évoquerai seulement deux titres : le premier et le dernier.
    Le premier tome s’intitule La Fortune des Rougon. Zola l’a écrit en 1869, et le roman est publié en octobre 1871, après avoir été publié en feuilleton dans le journal Le Siècle à partir de juin 1870. . Dans la préface de son premier roman, Zola explique :
    « Je veux expliquer comment une famille se comporte dans une société, en s’épanouissant pour donner naissance à dix, vingt individus, qui paraissent, au premier coup d’œil, profondément dissemblables, mais que l’analyse montre intimement liés les uns aux autres. L’hérédité a ses lois, comme la pesanteur. » Ainsi l’histoire des Rougon-Macquart, « Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le second Empire » débute avec La Fortune des Rougon, où l’on voit s’édifier la richesse de la branche « noble » de la famille, les Rougon. Tout au long des vingt romans de la saga, on verra ainsi vivre les deux branches de la famille, les Rougon, les riches pourris par l’argent, et les Macquart, les pauvres pourris par l’alcool »… Le dernier tome de la série est Le Docteur Pascal, que Zola achève en 1893, un quart de siècle après la parution du premier volume !... J’espère que vous mettrez moins longtemps à les lire que Zola n’en a mis à les écrire !... Car il faut lire Zola. Non pas tant pour les thèses politiques ou scientifiques qu’il expose, mais comme un véritable documentaire sur la vie dans la deuxième moitié du 19è siècle, dans diverses couches de la société. Et puis il faut lire Zola aussi pour l’écriture, la qualité du style… Voici, pour tenter de vous mettre en appétit,  quelle fut la vie de l’auteur, Emile Zola :
    Né le 2 avril 1840, à Paris, 10 rue Saint-Joseph, entre le Sentier et la rue Montmartre. Il est baptisé le 30 avril, et vacciné le 16 mai.
    Il est le fils de François Zola, ingénieur, et d’Emilie Aubert, qui a 25 ans de moins que son mari.
     
    A trois ans, Emile Zola suit ses parents qui s’installent à Aix.
    A cinq ans, le petit Emile Zola est victime d’attouchements de la part de Mustapha, douze ans, domestique arabe de ses parents. Le fait a été consigné par un rapport de police du 4 avril 1845.
    Le jeune Emile Zola avait un défaut de prononciation, prononçant les s comme les t, « cochon » devenant quelque chose entre cotton et cosson…
    De sept ans à douze ans, il fréquente la pension Notre-Dame, avant d’être inscrit au collège d’Aix. Emile Zola, assez sauvage, et relativement pauvre, est le quolibet des riches enfants de la bourgeoisie locale. En outre il est en retard scolaire : en classe de septième ( CM2) à douze ans. Attaqué par ses condisciples, Zola est défendu un jour par un « grand » Paul Cézanne. Ils deviennent amis Une amitié qui durera longtemps, pour se briser finalement, bien plus tard, lorsque Zola, devenu écrivain, publiera « L’œuvre », histoire d’un peintre dans lequel Cézanne se reconnaîtra, en mal. Il ne le pardonnera jamais à Emile…
    A neuf ans, avant d’entrer à l’église avec les élèves du pensionnat Notre-Dame, il laisse tomber un billet devant une gamine… Elle avait un chapeau rose. Cet amour de jeunesse se borna à une correspondance sans vices, laissa des traces dans Emile Zola ; on retrouvera la « fille au chapeau rose » dans de nombreux personnages de ses romans : Miette, Ninon, Angélique, toutes porteront la trace du « chapeau rose », empreinte indélébile du vert paradis des amours enfantines.
    Après ses débuts scolaires difficiles, Emile Zola se transforme brutalement. En août 1853, il remporte le premier accessit pour le prix d’excellence, le deuxième prix en thème, le premier prix en version latine, le premier prix en histoireet géographie, le premier prix en récitation classique.
    Fin 1854, Emile Zola obtient une bourse.
    Avec son ami Cézanne, ils ne fréquentent pas les cafés, mais courent la campagne, la nature, le plein air.
    En février 1858, Emile Zola débarque à Paris, et s’inscrit au lycée Saint-Louis, en qualité d’externe surveillé. Il habite alors 63 rue Monsieur-le-Prince. Emile Zola y connaît la solitude, l’angoisse, le désarroi. La timidité le coupe des femmes.
    En 1859, admissible au baccalauréat après l’écrit, il est recalé à l’oral, avec un zéro éliminatoire en français, sur La Fontaine.
    Il demeure chez sa mère au 241 rue Saint- Jacques à Paris.
    Zola doit travailler, un emploi de bureau, aux Docks Napoléon, rue de la Douane, à la place du château d’eau (de nos jours place de la république). Il gagne soixante francs par mois. Il n’a pas une haute idée de lui-même ; il écrit :
    «  S’il n’y avait pas ma mère, je me ferais soldat. Sous l’uniforme, un remplaçant vaut de 1500 à 2000 francs ! Qu’est-ce que je mérite de plus ?  Je doute de tout, de moi-même le premier. Il est des journées où je me crois sans intelligence, où je me demande ce que je vaux pour avoir fait des rêves si orgueilleux. Je n’ai pas achevé mes études, je ne sais même pas perler en bon français : j’ignore tout. »…
    En 1860, il ne retourne plus aux Docks. Il habite 35 rue Saint-Victor ; très pauvre, il en est réduit à manger des arlequins  (compositions alimentaires réalisées avec les restes délaissés par les convives dans les restaurants).
    En 1861, il habite 11 rue Soufflot, puis, la même année, au 21 rue Neuve-Saint-Etienne-du-Mont. A partir de 1864 ? il habitera des quartiers plus riants : 142 boulevard Montparnasse, rue de Vaugirard, avenue de Clichy. Mais la misère augmente : il en est réduit à piéger des moineaux pour les faire rôtir… En décembre 1861, un ami de son père, M. Boudet, membre de l’académie de médecine, intervient pour le faire entrer chez Hachette, où il ficelle des colis de livres… Mais là, il côtoie des écrivains : Taine, Renan, Littré, Barbey d’Aurevilly… Trois ans plus tard, Zola est chef de service, mais il donne aussi des articles au Petit Journal, ainsi qu’au Salut Public de Lyon. Il gagne entre 400 et 500 francs par mois. Il travaille à la rédaction de La Confession de Claude. Œuvre largement autobiographique, où Zola parle finalement de sa découverte de la sexualité avec Berthe, une fille publique de son taudis de la rue Soufflot et de l’impossible rédemption du vice, Claude ne parvenant pas à sauver Laurence de sa condition de prostituée… En 1865, Zola démissionne de chez Hachette, et sollicite un emploi auprès de Hyppolyte de Villemessant, fondateur du Figaro en 1854. Il écrit une lettre hardie :
    «  Je désire réussir au plus tôt. Dans ma hâte, j’ai songé à votre journal, comme à la feuille qui peut procurer la notoriété la plus rapide. Je vais donc à vous franchement. Je vous envoie quelques pages de prose et je vous demande en toute naïveté : cela vous convient-il ? Je suis jeune et, je l’avoue, j’ai foi en moi. Je sais que vous aimez à essayer les gens, à inventer des rédacteurs nouveaux. Essayez-moi, inventez-moi. Vous aurez toujours la fleur du panier. » De Villemessant, qui vient de racheter  l’Evénement, l’embauche. Zola va y tenir une chronique littéraire, avec une critique des extraits des œuvres nouvelles. Au journal, Zola rencontre Jules Vallès et Alphonse Daudet. Zola fait aussi œuvre de critique en peinture, mais devant les protestations de nombreux artistes, de Vlemessant se voit contraint de lui retirer sa chronique. Zola s’incline et écrit son dernier article : «  Adieux d’un critique d’art »  dans lequel on peut lire :
    « J’ai défendu M. Manet, comme je défendrai dans ma vie toute individualité franche qui sera attaquée. Je serai toujours du parti des vaincus. Il y a une lutte évidente entre les tempéraments indomptables et la foule. Je suis pour les tempéraments et j’attaque la foule. » Zola publie un feuilleton, Le Vœu d’une Morte. En 1866 il se lie avec Gabrielle- Alexandrine, une femme plus âgée que lui, lingère de son état. En 1867, il publie son premier chef d’œuvre : Thérèse Raquin.
    C’est à cette époque qu’il conçoit l’idée d’écrire une vaste fresque, l’histoire d’une famille sous le Second Empire, en dix volumes… Il s’en ouvre aux frères Goncourt. Il précise son projet :
    «  La famille dont je conterai l’histoire représentera le vaste soulèvement démocratique de notre temps ; partie du peuple, elle montera aux classes cultivées, aux premiers postes de l’Etat, à l’infamie comme au talent. Cet assaut des hauteurs de la société par ceux qu’on appelait au siècle dernier les gens de rien, est une des grandes évolutions de notre âge… »
    Par ailleurs Zola s’inspirera pour son œuvre des travaux de son époque sur l’hérédité, tout en cherchant des voies encore inexplorées. Il note par exemple qu’il n’y a pas d’ouvriers dans l’œuvre de Balzac…
    Le 31 mai 1870, Zola le chaste épouse Gabrielle-Alexandrine. Elle aime Zola, mais surtout, elle est ambitieuse, et elle vit avec lui le passage de la condition ouvrière à  la bourgeoisie. Elle tiendra sa maison, et le déchargera de tous les soins domestiques. Zola vient d’écrire La Fortune des Rougon, qui est d’abord publié en feuilleton. En septembre 1871 paraît La Curée, publié également en feuilleton, dans La Cloche. Les plaintes pleuvent, et la publication en feuilleton dot être interrompue. Qu’importe ! Zola désormais monte inexorablement dans le succès, en dépit des critiques…
    En 1878, Zola achète une petite maison à Médan. Fort de ses succès littéraires, il l’agrandit. D’abord il fait construire une tour, avec les droits de « Nana », et qui s’appelle tout naturellement la « tour Nana ». De même, un peu plus tard, il fait édifier une deuxième tour, la « tour Germinal », en même temps qu’il achète de nombreux terrains pour agrandir le jardinet d’origine et en faire un parc. Il achète même une île sur la Seine, en face de sa propriété. Zola est maintenant un écrivain en vue. Le « Maître » a ses disciples, de jeunes écrivains qui constituent le Groupe de Médan, ensemble d’écrivains de l’école naturaliste : Paul Alexis, Guy de Maupassant, Marius Roux, Henry Céard, Hennique, Huysmans. En 1880, sous l’égide de Zola, les membres du groupe rédigent chacun une nouvelle, sur le thème de la guerre de 1870. Le recueil est publié sous le titre « Les Soirées de Médan », Zola assurant par sa notoriété la vente de l’ouvrage. Mais c’est Guy de Maupassant qui triomphe alors, soudainement révélé au public par sa nouvelle «  Boule-de-Suif » qui le propulse immédiatement vers un succès qu’il n’avait jamais connu et qui ne le quittera plus. Hélas, Flaubert, le maître de Maupassant, ne fut pas le témoin de cette gloire soudaine : il venait de mourir… Zola poursuit la rédaction des Rougon-Macquart, inlassablement, et chaque titre apporte son lot de critiques mais aussi sa moisson de succès. Soudain, une explosion se produit dans la vie de Zola : il vient de rencontrer, dans sa maison de Médan, une jeune fille de vingt ans. Elle vient d’être embauchée comme lingère, elle s’appelle Jeanne Rozerot, née le 14 avril 1867. C’est un éblouissement. Zola voit en elle la jeune fille qu’il a toujours rêvée… Une idylle se noue. Elle, toute jeune et sans gloire, est très stupéfaite et charmée que le maître puisse s’intéresser à elle, « insignifiante dans la foule anonyme ». Lui, homme vieillissant de 48 ans et de près de 95 kilos alors, éberlué qu’une belle fille de vingt ans n’eût pas de dégoût pour le moine laïque et empâté de 27 ans de plus qu’elle…
    «  Et c’était monstrueux, mais c’était bien vrai, j’avais faim de tout cela, une faim dévorante de cette jeunesse, de cette fleur de chair si pure et qui sentait bon. »
    A l’automne 1888, Zola installe Jeanne au 66 rue saint-Lazare, qui donne aussi 2 bis rue Blanche, à l’angle de la place de la Trinité, au quatrième étage. Zola est transformé, rajeuni ; il passe de 95 à 75 kg. Il cache sa liaison, tout en éprouvant de terrible remords vis-à-vis de sa femme. En 1891, une lettre anonyme apprend à Mme Zola son infortune. Elle apprend du même coup, elle qui n’avait pas eu d’enfant, que son mari a eu de Jeanne une fille, Denise, née en septembre 1889. C’est une explosion de jalousie, et madame Zola se rend rue Saint-Lazare, brise un secrétaire, détruit toutes les lettres qu’elle y trouve… Il ne nous reste plus rien pratiquement sur la genèse de cet amour de Zola pour Jeanne. Pourtant Alexandrine se calme peu à peu…Elle pousse Zola à s’installer dans un appartement plus grand, au 21 bis rue de Bruxelles. Elle décore l’appartement avec frénésie, en y accumulant des objets épars… En septembre 1891, tandis que Zola voyage avec sa femme à Biarritz, une annonce publiée par Céard dans Le Figaro dit : « Faisan bien arrivé. » Zola apprend, par ce code convenu avec son ami Céard, qu’il vient d’être papa à nouveau : Jeanne lui a donné un petit Jacques…
    Il faut noter ici une chose : Madame Zola, d’abord furieuse jusqu’à l’hystérie s’est peu à peu apaisée. Elle qui n’a pas eu d’enfant, se prend à aimer vraiment les enfants nés de son mari et de Jeanne. Elle va continuer de jouer auprès de son mari son rôle d’épouse officielle, secondant et accompagnant son époux dans toutes ses fonctions officielles. Elle va également se réconcilier plus tard avec Jeanne Rozerot, et après la mort d’Emile Zola, elle fera tout pour que les enfants de Jeanne portent le nom d’Emile Zola…
    Sur le plan de l’écriture, il faut noter une chose intéressante : à partir du moment où Zola connaît Jeanne, son écriture va s’adoucir, ou plus exactement, devenir beaucoup moins érotique ou évocatrice… Zola n’a plus besoin de l’écriture comme exutoire à ses désirs inassouvis… Zola achève sa saga des Rougon-Maquart par Le Docteur Pascal, où il décrit à l’évidence son amour pour Jeanne, lui-même s’identifiant au Docteur Pascal…
    On ne peut évoquer Zola sans parler aussi de l’affaire Dreyfus, et de la lettre fameuse «  J’accuse », rédigée par Zola, adressée au Président de la République et publiée dans l’Aurore le 13 janvier 1898. Zola va dès lors s’impliquer totalement dans cette affaire, en vue de réhabiliter Dreyfus, ce capitaine juif et français accusé d’espionnage en 1894 et envoyé au bagne en….
    En fait, il faut reconnaître que Zola ne s’est pas impliqué de bonne heure dans l’affaire Dreyfus. La vérité oblige à dire qu’en 1894, il était très impliqué dans l’écriture. Après les Rougon-Macquart il s’était lancé dans la trilogie des Trois Villes : Lourdes, Rome, Paris, qui l’avait conduit à voyager, à Lourdes bien sûr, et à Rome évidemment… En sorte que le procès puis la condamnation de Dreyfus s’étaient déroulés sans son intervention. Et quand Zola décide de s’impliquer, c’est au moment où il a terminé Les Trois Villes. D’ailleurs, Zola en convient honnêtement : « Si j’avais été dans un livre, je ne sais ce que j’aurais fait. »…
    Le dimanche 28 septembre 1902, Zola et sa femme Alexandrine arrivent dans leur appartement parisien du 21 bis rue de Bruxelles. Il fait froid. Ils font du feu. Vers trois heures du matin, Mme Zola se leva, incommodée. Elle quitta la chambre, alla dans le cabinet de toilette, prise de vomissements. Puis elle retourna se coucher. Emile Zola se leva quelques instants plus tard, voulut ouvrir la fenêtre, mais tomba. Madame Zola voulut sonner le domestique mais perdit connaissance. On les retrouva le lendemain. Madame Zola fut ranimée, mais Emile Zola était mort. On conclut à une asphyxie accidentelle, mais dans le climat de haine de l’affaire Dreyfus, il est probable que Zola fut assassiné, la cheminée ayant été volontairement bouchée le soir du 28 septembre, puis débouchée au matin du 29 septembre 1902.
    Zola fut enterré au cimetière de Montmartre, le                    et c’est Anatole France qui prononça l’oraison funèbre.
     
    Après la mort de Zola, sa femme Alexandrine ne parviendra pas à vendre la maison de Médan, nul ne voulant acheter la maison de « celui qui a défendu le juif Dreyfus » !
     
    Alexandrine mourra en 1925.
     
    Jeanne Rozerot mourra accidentellement au cours d’une opération chirurgicale, le 22 mai 1914
     
    Annexes :
     
    Domicile de Zola et Alexandrine :
    21 bis rue de Bruxelles à Paris
     
    Domicile de Jeanne Rozerot :
     3 rue du Havre, 4è étage, donnant aussi 2 rue Blanche
     
    à Verneuil sur Seine :
    Rue de Bazincourt
     
    Adresses de Zola Paris :
    -        10 rue Saint-Joseph ( Naissance le 2 avril 1840)
    -        241 rue Saint-Jacques ( 1859)
    -        35 rue Saint-Victor (1860)
    -        11 rue Soufflot (1861). C’est là qu’il connut Berthe, une prostituée qui fut son premier contact féminin, et qui lui inspira « La Confession de Claude ».
    -        21 rue Neuve Saint Etienne du Mont (1861)
    -        21 bis rue de Bruxelles (où il mourut asphyxié le 29 septembre 1902)
    -        3 rue du Havre : appartement de sa compagne Jeanne Rozereau
     
    et bien sûr, la maison de Médan, de 1878 à 1902…
    Alors, on est arrivé au bout ? C’est bien, le plus dur est fait !... Y a plus qu’à lire Zola, maintenant, en commençant par le premier tome (ça vaut mieux mais c’est pas obligé !) : La Fortune des Rougon… Bonne lecture !
     

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :