• L'ombre des forêts, roman de Jean-Pierre Martinet

    L’Ombre des forêts, roman de Jean-Pierre Martinet, 1987.

     

    Pour profiter du soleil revenu en Alsace en ce début de mai, je m’étais plongé dans  ce bouquin de Jean-Pierre Martinet, et mal m’en a pris : c’est un roman désespérant. Dans une certaine mesure, il me fait penser à L’Homme au marteau, de Jean Meckert, tant le climat y est irrémédiablement désespéré... Dans l’Ombre des forêts, dont le titre est simplement issu d’une phrase du livre, trois personnages  mènent chacun une étrange existence, à la fois solitaire et absurde, souvent à la limite de la folie... Il y a d’abord « Monsieur » qui vit seul dans une grande maison bourgeoise. Sauvage et farouche, il ne s’adresse quasiment jamais à sa bonne, Céleste... De son côté, Céleste, une vieille domestique, minutieuse mais usée, se sent rejetée et méprisée par « Monsieur », lequel pense au contraire que Céleste le délaisse... Le seul point commun entre Monsieur et Céleste, c’est leur penchant immodéré pour l’alcool. Mais même ce point commun, ils ne le partagent pas : Monsieur boit du whisky de son côté, Céleste se shoote au Ricard dans son coin... Et puis un troisième personnage traverse les pages de ce livre, il s’agit de Rose Poussière. C’est une femme d’un âge certain, seule elle aussi ; elle vit dans la chambre d’un hôtel meublé, où elle est la risée permanente des clients et du personnel... Qui est-elle ? On ne le sait pas trop, on pense qu’autrefois elle s’appelait Ewina Steiner, rescapée du camp nazi de Birkenaü, et que depuis, elle a rejeté son nom au profit de ce pseudo étrange : Rose Poussière. Si je vous dis qu’elle aussi boit (et pas de la Contrex, ni de la Vittel !), vous ne serez pas étonnés...  Ainsi, ce roman désespérant fait alterner des tranches d’existence de ces trois solitaires, ces trois êtres paumés dont les vies parallèles n’ont rien de la vie des hommes illustres... On souffre de les voir être à la fois si proches et si loin les uns des autres... on se prend à espérer une rencontre, une convergence, un événement qui les ferait se trouver... et puis non, rien... le vide, la solitude absolue, l’absurde, l’abject, la descente toujours plus bas, sans rémission, sans lumière jamais, sans espoir, comme un tunnel sombre qui n’aurait pas de fin... Ce roman est d’une écriture poignante et imagée. Un livre cependant à déconseiller aux déprimés sous traitement et aux candidats au suicide ! Pourquoi tant de noirceur dans ce livre ? Tout simplement, je crois, parce qu’il est à l’image de la vie de l’auteur, qui a sombré dans la misère, l’alcoolisme, avant de mourir en 1993, âgé seulement de 49 ans, six ans après la parution de L’Ombre des forêts.

     

    Bio : né à Libourne en 1944 et mort à Libourne en 1993, Jean-Pierre Martinet est un écrivain français. Il est l'auteur de romans et de nouvelles caractérisés par une noirceur absolue et un profond pessimisme. Écrits à la fin des Trente Glorieuses, ses romans présentent la face cachée de la croissance économique, l'avachissement moral et les névroses d'un petit peuple déboussolé et désespéré par les mutations de la société. Son père meurt très tôt, laissant une veuve avec trois enfants dont deux arriérés mentaux et elle même à la marge de la folie : elle écumait les cafés de Libourne, armée d'un pistolet en bois, en criant « Haut les mains ». Jean-Pierre Martinet, craignait lui-même les attaques de mystérieux oiseaux au bec d'acier, marque aussi d’un déséquilibre indéniable.

    Dans les années 1970, il publie des critiques dans le mensuel Matulu, tout en étant assistant-réalisateur à l'ORTF.

    En 1978, après la publication de son roman Jérôme, Martinet quitte son poste à l'ORTF et se réfugie à Tours où il achète un petit kiosque à journaux mais fait faillite. Il affirme alors vouloir abandonner la littérature, mais il finira par publier deux romans : Ceux qui n’en mènent pas large, 1986, et L’Ombre des forêts, 1987. Les années suivantes sont des années de déchéance, Martinet sombre dans l'alcoolisme, et meurt à 49 ans d'une embolie cérébrale, seul et pauvre.


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