• L'EGLANTINE

     

    En bas de ma rue, il y avait un petit escalier ; à peine passé le temps des cerises vermeilles, lorsque revenait la chaleur de l'été, le petit escalier explosait de fleurs et d'odeurs. Les branches épineuses des églantiers, que l'on avait oubliées pendant la saison froide, s'étaient garnies au printemps d'un feuillage nouveau. De la verte frondaison avaient jailli d'abord des épines acérées, bientôt dissimulées par l'abondante floraison des pâles églantines. L'été venu, le mur de pierre, craquelé sous le soleil, disparaissait sous l'avalanche parfumée de ces tendres petites roses farouches, toutes blanches, qui n'en finissaient pas de nous offrir, chaque jour, le bouquet toujours renouvelé de leurs corolles délicates... Il y a de la beauté sauvage dans l'églantine en fleurs... Aux premiers souffles de septembre, quand l'approche de l'automne mettait dans l'air des senteurs de feuilles mortes, les églantines se défaisaient, s'abandonnaient, épuisées, recouvrant bientôt le sol d'une couche serrée de pétales fanés. Ne restaient alors que leurs fruits, une multitude de baies orangées qui transformaient l'églantier en un buisson ardent aux teintes flamboyantes... J'allais alors les cueillir, et je revenais à la maison, les doigts écorchés par les épines, mais avec, dans mon panier rempli, une belle récolte que ma mère transformait en une confiture parfumée, à la consistance un peu épaisse et à la saveur si particulière, vaguement douceâtre ; finement étalée sur une tranche de pain de campagne, la confiture d'églantine est un régal, souvent oublié de nos jours mais que l'on goûte encore en Alsace. Mais l'églantine est aussi une fleur facétieuse : parmi les baies récoltées, j'en mettais quelques-unes de côté : celles-là ne finiraient pas en confiture. Je les ouvrais, je recueillais à l'intérieur les fibres velues qui s'y cachaient : elles constitueraient, une fois séchées, le précieux poil à gratter, accessoire indispensable à l'école pour égayer les récréations !.... Mais le temps a passé sur mes étés trop courts ; et dans ma rue d'autrefois, il n'y a plus d'églantier ; il n'y a plus d'enfants non plus ; ils ont grandi, comme moi ; et chacun est parti vers les quatre horizons... A quoi servirait encore un églantier dans le petit escalier ? Il n'y a plus personne pour regarder ses fleurs, plus personne non plus pour préparer la confiture. Notre enfance au loin s'en est allée, et le vent d'octobre souffle sur nos souvenirs... Nous n'irons plus en bas, la rue est désertée, l'églantier que voilà, un jour on l'a coupé..... 


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :