• Anna soror - roman de Marguerite Yourcenar - 1981 -

    Anna Soror – roman de Marguerite Yourcenar  - 1981 -

    Roman est peut-être un bien grand mot pour ce récit, qui se situe entre l’ébauche, la nouvelle et la pochade vite torchée sur un coin de table.  Il est vrai que, lorsqu’on s’appelle Marguerite Yourcenar, on écrit forcément des choses intelligentes et passionnantes ! Et les éditeurs auraient grand tort de ne pas publier, puisque dès la parution, un public de fins « connaisseurs » va se jeter sur le livre, en salivant déjà d’avance, sans avoir encore lu une seule ligne ! C’est, appliqué à la littérature, le réflexe conditionné, si bien étudié par Pavlov, j’explique rapidos pour les nuls : vous présentez trois fois à un chien un bon morceau, il salive bien sûr... la quatrième fois, vous lui présentez de la merde... eh bien il salive à nouveau !... Bah, vous pourriez dire « Après tout ce n’est qu’une bête ! ». Détrompez-vous : les lecteurs, ça fonctionne des fois comme ça aussi ! Comme quoi il n’y a pas une si grande distance entre l’animal et l’homme, quoi qu’on en dise... Mais bon, je n’aurai pas une telle sévérité pour Marguerite Yourcenar ici. Anna Soror se lit gentiment, comme on lit une bluette. Le thème est certes sensible, puisque c’est l’histoire d’un amour incestueux entre un frère et une sœur, Miguel et Anna. Bien entendu, si la même histoire avait été placée dans une barre d’immeuble d’Argenteuil, avec quelques pelotages derrière le RER, on aurait hurlé au sordide et appelé le commissariat ! Mais c’est Yourcenar ! Roublarde ! L’histoire se déroule donc en l’an 1575, à Naples ! Un tel décor, ça donne tout de même de la gueule à un inceste ! Et puis le nom des héros, ça fait beaucoup ! Ici, les héros ne s’appellent pas Nolwenn et Kevin, ce qui serait du dernier vulgaire ! Ils se nomment Anna de La Cerda, et Don Miguel, ça confère immédiatement à l’inceste la beauté du Tragique ! Quant au papa des tourtereaux incestueux, il n’est pas manutentionnaire en chômage de longue durée, mais gouverneur !... Quelle noblesse, quelle grandeur, quel pouvoir et quel fric ! Du coup, le lecteur, béat, dévore cette histoire comme il boufferait du caviar, en se pourléchant les babines, et en s’extasiant sur la folle passion qui envahit deux nobles cœurs, fussent-ils frère et sœur... Cela dit, on lit ce petit livre de bout en bout sans s’emmerder, ce qui est déjà beaucoup. C’est peut-être ça aussi, le talent d’un écrivain.


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