Par Robertcri
Pour ceux qui, peut-être, ne connaissent pas Fred Vargas, je précise qu'elle est une femme, Fred étant ici le diminutif de Frédérique. Ce préambule identitaire une fois posé, il faut préciser que cet auteur... ou cette "auteuse", ou encore cette "auteure"... - on ne sait plus trop comment dire en ces temps où le laxisme orthographique est contrebalancé par un féminisme mal placé -... nous avait habitués à mieux que ce livre que je viens de terminer laborieusement et courageusement : "Un lieu incertain". Par rapport à d'autres auteurs de polars, Fred Vargas a un grand mérite : elle s'empare du roman policier et le transforme en une littérature plus originale, mêlant dans le commissaire Adamsberg la force du policier et la fragilité de son humaine condition. Force et fragilité se retrouvent également mêlés dans le personnage de l'inspecteur Danglard, à la fois très cultivé et assez alcoolique ! Par ailleurs, elle quitte aussi les chemins rectilignes de la logique policière pour introduire dans ses récits une part de mystère faite de croyances, de superstitions, de tout ce fonds des peurs enfouies dans notre mémoire collective, là où gît un fantastique où se côtoient les pestes et les loups-garous, les vampires et la sorcellerie... Fred Vargas nous a ainsi donné le brillant roman "Pars vite et revient tard", que je salue... Mais avec "Un lieu incertain", l'auteur ne nous montre pas son mérite, mais ses limites. En effet, fidèle à sa manière, elle a mis du fantastique dans son roman, sauf que là, elle en a collé des tartines, en couches épaisses, c'est donc particulièrement indigeste. Le récit empile toute une série de choses incroyables, d'événements improbables, de coïncidences miraculeuses qui sentent le fabriqué.. Allez, je vous en donne un échantillon résumé : Le commissaire Adamsberg découvre près d'un vieux cimetière des chaussures abandonnées : pas de quoi démarrer une enquête, sauf que ces chaussures contiennent des pieds humains qui pourrissent gentiment ! Tout le mauvais Vargas est déjà là : le vieux cimetière... la nuit... les pieds corrompus dans les pompes !... Dans le même temps, admirez la coïncidence, on découvre un meurtre sauvage : le vieux Pierre Vaudel est découvert assassiné ; pire, son corps a été découpé, broyé, dépecé, éparpillé en centaines de morceaux, on ne reconnaît plus la viande, un peu comme dans ces restaurants chinois où l'on peine à savoir si l'on mange du veau ou du rat, tant les morceaux sont petits !...Oui, la prochaine fois, regardez bien dans votre assiette, on ne sait jamais !!!.. Et ce début fracassant va conduire le commissaire Adamsberg au pays des vampires en Europe Centrale, sur les traces d'un meurtre précédent commis en... 1725 ! Au cours de l'enquête, on découvrira un jardinier criminel qui n'en est pas un, un enfant caché du commissaire Adamsberg, lequel commissaire sera enfermé dans un tombeau au milieu de cercueils contenant des vampires. Bien entendu, le commissaire Adamsberg ne va pas mourir, car Fred Vargas en a encore besoin pour vendre d'autres bouquins, alors il sera miraculeusement sauvé par un ancien collègue, qui n'est plus policier mais qui a conservé son flair, et qui se baladait justement du côté du caveau-geôle !! Quelle ratatouille, quel salmigondis, quel tissu d'invraisemblances ! On se croirait revenu au temps des pires romans du 19ème siècle, avec les récits homériques de la bibliothèque bleue vendue dans les campagnes par des colporteurs aux paysans naïfs... On lisait ces récits à la veillée, le coeur battant, tandis que les flammes de l'âtre mettaient aux murs des lueurs et des ombres inquiétantes... ça pouvait se concevoir... Mais ici, au siècle des smartphones, non vraiment, "ça l'fait pas" ! On est dans le ratage. Tant pis ! Mais souhaitons à Fred Vargas de revenir à un peu plus de cohérence, dans un prochain roman, peut-être... Espérons !...
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