Par Robertcri
Le petit jardin d'Ivry, au temps de mon enfance, avait pour clôture une muraille sombre aux teintes d'émeraude : un lierre. Il avait poussé là, envahissant une palissade chataîgnier qui avait depuis longtemps disparu sous le feuillage opulent. La verte frondaison du lierre faisait un écran de verdure sur le devant de la maison : c'est là que s'était installé le miguet, le long de la façade, bien protégé des ardeurs excessives du soleil par le lierre tutélaire. Comme tant d'autres fleurs, le muguet est un sauvage ; il n'a nul besoin des soins attentifs du jardinier, c'est une fleur robuste et vivace, une fleur toute simple et heureuse de vivre, qui pousse toute seule et s'étend un peu plus chaque année, de proche en proche, avec une exubérance timide. Mine de rien, le muguet est un envahisseur patient et tenace : le miguet cache bien son jeu. Dans le jardin d'Ivry, il fleurissait à son tour, succédant aux tulipes et aux jacinthes, pour chanter le mois de mai et annoncer, en éclaireur tout de blanc vêtu, tout en parfum aussi, l'éclosion prochaine des premières roses, qui ne tarderaient pas à s'épanouir.Dans le jardin de mon enfance, le muguet pouvait vivre en paix : on ne le cueillait pas pour le vendre aux carrefours ; on le laisser pousser à sa guise et embaumer de ses jolies clochettes blanches le pied de la fenêtre, à l'ombre du lierre. Le muguet, on le contemplait, on le humait sans le cueillir : ce sont les légumes que l'on cueillait en ce temps-là, où l'on n'était pas assez riche pour se contenter d'un jardin qui ne serait que d'agrément... Quant au muguet, il était là comme étaient là toutes les autres fleurs, pour le plaisir des yeux et pour la douceur des parfums lorsque la pluie, petites perles d'eau sur ses feuilles offertes, exaltait ses effluves embaumés... Nous n'avions pas la télévision alors, et le jardin était pour moi le plus beau des écrans, celui où défilaient les couleurs vives et variées des fleurs, leurs formes, leurs couleurs, leurs odeurs ; c'était pour moi le plus passionnant des feuilletons, celui qui me racontait au fil des jours l'histoire merveilleuse de la nature, et me montrait la vie toujours nouvelle des saisons qui se suivent, toujours pareilles mais si différentes pourtant... Et le muguet du jardin, avec ses feuilles vertes et ses clochettes blanches, était un beau symbole : celui de l'arrivée du printemps, celui de la promesse des beaux jours qu'on avait si longtemps attendus en hiver. Le muguet annonce le printemps, l'avenir, les lendemains qu'on espère radieux ; il est un messager d'espoir, c'est pourquoi le muguet est un porte-bonheur.
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