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Littérature et écriture, dans les thèmes suivants : récits et nouvelles - souvenirs - chroniques - critiques littéraires et cinématographiques - humour - poésie - voyages et balades -

Fusillé vivant, récit d'Odette Hardy-Hémery, 2012

Fusillé vivant, récit documentaire d’Odette Hardy-Hémery, 2012.

 

« Cher cousin, je vais te raconter le tour qui m’est arrivé il y a quatre mois. C’était le 6 septembre 1914, à 8 heures du soir. A cette heure-là, nous étions arrivés près d’un bois entre Lachie et les Essarts dans la Marne, et l’on s’apprête pour y coucher le long du bois. On va chercher du foin et des bottes d’avoine qui étaient à proximité, puis l’on se couche... »... Ainsi commence la lettre envoyée le 11 janvier 1915 à son cousin par le soldat François Waterlot,  du 327è régiment d’infanterie de réserve. Que se passe-t-il dans cette nuit qui s’annonce calme ?... En fait un drame affreux va se nouer. Les Allemands lancent soudain des obus sur le 270è Régiment. L’attaque est si brutale que les soldats refluent, et passent à côté de François en criant « Sauve qui peut !»... François Waterlot, emporté par le tourbillon, s’éloigne un peu, perd son régiment, le 327è, puis tente de le retrouver... Avec six autres camarades, il marche sur la route, quand passe par hasard le général Boutegourd...  Ce dernier arrête les sept soldats, les fait enfermer dans une grange après les avoir désarmés. Le lendemain, malgré tous les efforts du colonel qui commandait le soldat Waterlot, les sept  soldats sont alignés contre une meule. On leur a bandé les yeux. Ils se tiennent tous les sept par la main. Ils sont fusillés comme « fuyards », sans jugement, sur ordre du général Boutegourd. Il y a eu beaucoup de soldats fusillés de cette manière, pour l’exemple, car l’Etat-Major était terrorisé par le souvenir de la défaite de 1870 et la peur de voir les troupes reculer devant les Allemands. Mais ici, survient l’extraordinaire, l’inouï : quand le peloton d’exécution a tiré, les balles ont épargné le soldat Waterlot, qui se laisse tomber et fait le mort, immobile.... Miraculeux ! Mais un deuxième hasard miraculeux survient : après la salve, le capitaine ordonne à l’adjudant Theras de donner le coup de grâce à chaque fusillé : une balle dans la tempe. L’adjudant donne le coup de grâce aux deux premiers fusillés, puis supplie : « Non, mon capitaine, je vous en prie, je ne peux pas continuer, j’en ai trop de peine... »... Le capitaine hésite, puis demande alors à l’adjudant de vérifier si les fusillés sont bien morts. L’adjudant secoue chaque corps par les épaules : « ils sont tous morts, mon capitaine »... La troupe dès lors s’en va... Le soldat Waterlot reste là immobile pendant près de deux heures. Puis il se relève, il n’a rien, il est vivant ! Il a échappé à la salve et, deuxième miracle, il a échappé au coup de grâce, car l’adjudant avait commencé par les soldats se trouvant à l’autre bout de la chaîne des sept soldats.... Ce livre, Fusillé vivant, relate ce drame méconnu de la première guerre mondiale. A noter que le sursis de François Waterlot aura été de courte durée. Epargné par les balles françaises du peloton d’exécution le 7 septembre 1914, il tombe, mortellement atteint par les balles allemandes, au cours d’un combat le 10 juin 1915. Mais  au-delà de l’anecdote, il faut que je dise un mot du livre. Je l’ai trouvé à la fois passionnant et décevant. Passionnant parce que ce livre a l’immense mérite de nous faire connaître ces terribles exécutions sommaires qui ont été commises, souvent dans l’arbitraire le plus absolu, sur ordre de supérieurs abusifs et qui n’ont jamais été sanctionnés. Le fameux devoir de mémoire se grade bien de nous rappeler ces événements pourtant bien réels et qui sont la honte de l’armée française. A titre de comparaison, les soldats allemands fusillés par les leurs ont été... dix fois moins nombreux qu’en France ! Comme quoi les officiers allemands se sont montrés moins cruels pour leurs hommes que les officiers français : les barbares ne sont pas toujours du côté qu’on croit... Mais hélas, ce livre m’a déçu aussi, car il est trop touffu. L’auteur a péché par souci du respect historique. Le bouquin fourmille donc de détails et d’anecdotes entremêlées, de rappels divers, de références... Il y a d’interminables et très longues notes de bas de page, écrites en petits caractères. Parfois même, les notes de bas de pages sont plus importantes que le texte de la page !  Tout cela donne au livre un caractère assez « chiant » pour le lecteur de base. C’est dommage. Le livre semble avoir été conçu pour le chercheur ou l’étudiant curieux. Mais il n’est pas fait pour le grand public et c’est dommage, car justement, le grand public devrait être informé de ces faits historiques. Et le grand public n’a ni envie ni besoin de connaître le fatras des références et des sources historiques.  Excellent livre dans ses intentions, mais peu commercial dans sa rédaction et c’est infiniment dommage.

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