Ce que le jour doit à la nuit, par Yasmina Khadra, 2008

Il y a des livres qu'on lit.. Et puis il y a des livres qu'on vit ! Tel est le cas de ce roman. A peine est-on au premier tiers de la première page, qu'on est happé, emporté, soulevé, transporté... On n'est plus dans son canapé, dans le bus, ou dans le métro, mais on est au coeur de l'Algérie.. Tout y est, qu'il s'agisse des paysages désertiques, des plantations, de vignes ou de céréales, des villages aux ruelles poussiéreuses, ou des avenues asphaltées de la ville d'Oran... Là se meuvent autour de nous de nombreux personnages, au premier rang desquels Younes, un jeune arabe de 9 ans, qui vivait avec son père dans une exploitation céréalière. La moisson s'annonçait belle, mais un incendie détruit toute la récolte..... Younes et son père sont ruinés, ils vont en ville, à Oran... Un oncle pharmacien veut leur venir en aide, mais le père de Younes refuse... La vie continue, dans cette Algérie de années 1940, où se côtoient colons français, Juifs, Arabes, dans des relations qui ne sont pas toujours évidentes ni harmonieuses... Mais il y a la vie, les sentiments, les amours, l'amitié, la camaraderie, qui unit ou qui divise les personnages de cette histoire au cours des années qui passent..  Et puis il y a Emilie, une jeune fille dont tous sont amoureux, y compris Younes l'aimera, mais dans cet amour se heurteront les convenances, les rivalités et les les hésitations et les regrets... On traverse ainsi le temps et l'histoire, des années 1930 à aujourd'hui, en passant par les terribles événements de la guerre d'Algérie entre 1954 et 1962...  Nulle trace de haine, ni d'idéologie, ni de sectarisme dans ce superbe récit.... Arabe, Français ou Juif, chacun cherche à donner du sens à sa vie dans cette terre ensoleillée et plurielle dont on ne sait trop à qui elle appartient finalement... Vraiment, on a là un magnifique roman, dans lequel les valeurs humaines éternelles ne cessent d'émerger, parfois douloureusement, au milieu des vicissitudes culturelles et historiques de l'Algérie...Le roman se termine à Aix-en-Provence, de nos jours... Des pieds-noirs rapatriés d'Algérie, et vieillis,  se retrouvent dans un café, pour célébrer leur amitié et évoquer leurs souvenirs de jeunesse, là-bas... Souvenirs que nous partageons véritablement avec eux, car nous avons partagé, comme eux, leur vie, tout au long de ce beau roman... A lire impérativement...