• MOLIERE

    LE FUMEUR  MALGRÉ LUI<o:p></o:p>

    D’après Molière<o:p></o:p>

    Par Robert Lasnier<o:p></o:p>

    Personnages :<o:p></o:p>


    SGANARELLE : mari de Martine
    MARTINE :         femme de Sganarelle
    GÉRONTE :         père de Lucinde

    ACTE UNIQUE<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    SCÈNE I. - SGANARELLE, MARTINE<o:p></o:p>


    Paraissant sur la  scène en se querellant.<o:p></o:p>


    SGANARELLE : Non, je te dis que je veux encore fumer, et que c'est à moi de parler et d'être le maître.<o:p></o:p>

    MARTINE : Et je te dis, moi, que je veux que tu cesses le tabac, et que je ne suis point mariée avec toi pour souffrir tes fumées.<o:p></o:p>

    SGANARELLE : Ô la grande fatigue,  que d'avoir une femme non-fumeuse ! <o:p></o:p>

    MARTINE : Voyez un peu l'habile homme, avec son benêt de fume-cigarettes ! Et qui empoisonne l’air de toute une maison, et fait tousser les domestiques !<o:p></o:p>

    SGANARELLE : Oui, habile homme : trouve-moi un faiseur de mégots qui sache, comme moi, raisonner des choses, qui ait servi six ans un fameux buraliste qui faisait aussi commerce de cendriers… <o:p></o:p>

    MARTINE : Peste du fou fieffé qui embrume l’air ! Et qui pique les yeux ! <o:p></o:p>

    SGANARELLE : Peste de la charogne ennemie de l’herbe à Nicot!<o:p></o:p>

    MARTINE : Que maudits soient l'heure et le jour où j'aviserai d'aller tirer une bouffée de tes clopes !<o:p></o:p>

    SGANARELLE  : Que maudit soit le bec cornu de notaire qui me fit épouser pareille femme, qui ne supporte ni Stuyvesant, ni Balto, ni Muratti ! Ni Lucky Strike, ni Marlboro ! Et qui veut que je vive en ascète, sans plaisirs et sans joies !<o:p></o:p>

    MARTINE : C'est bien à toi, vraiment, à te plaindre de cette affaire. La cigarette te tue, te ronge la carcasse, ravage tes poumons, et je vole  à ton secours en t’en préservant. Rêves-tu donc de métastases depuis lors que nous sommes mariés ?<o:p></o:p>

    SGANARELLE : Il est vrai que tu me fis trop d'honneur, et que j'eus lieu de me louer la première nuit de nos noces ! Hé! morbleu! Tu le fumas bien alors, mon gros cigare !<o:p></o:p>

    MARTINE : Quoi? Que dis-tu? Tu tiens là propos de vantard ! Gros cigare, gros cigare !... A dire vrai je ne trouvai  avec toi dans le lit  que bien maigre cigarillo ! A peine allumé, déjà éteint, presque en cendres ! Un ninas rabougri.  Il en eût fallu bien davantage pour éteindre mes ardeurs ! Ah la pauvre affaire, le piètre mégot que tu me montras céans ! J’eusse été en droit de t’en faire légitime grief.<o:p></o:p>

    SGANARELLE : Baste, laissons là ce chapitre. Il suffit que nous savons ce que nous savons, et que tu fus bien heureuse cependant de me trouver. Tu ne fis point de récrimination quand je voulus une pipe !<o:p></o:p>

    MARTINE : Qu'appelles-tu bien heureuse de te trouver? Un homme qui me réduit à la fumée ? Un débauché qui m’empoisonne, un traître qui dépense tout mon bien en cigarettes ?<o:p></o:p>

    SGANARELLE : Tu as menti : j'en fume seulement une partie, de ton bien, fort petite au demeurant.<o:p></o:p>

    MARTINE : Un homme qui empeste, pièce à pièce, tout ce qui est dans le logis. Que tout en est imprégné. Qui ne vide jamais les cendriers !...<o:p></o:p>

    SGANARELLE : C'est vivre de ménage. C’est bonne chose que de fumer…<o:p></o:p>

    MARTINE : Tu m'as ôté jusqu'au droit de respirer ! J’ai quatre enfants sur les bras, qui ne cessent de tousser.<o:p></o:p>

    SGANARELLE : Mets-les à terre, ils t’en seront moins lourds ! Et donne-leur du sirop. Ils en tousseront moins.<o:p></o:p>

    MARTINE : Et qui paiera la potion ? C’est qu’il en faudrait, de l’or et  tu ne m’en laisses point, avec ta tabagie…<o:p></o:p>

    SGANARELLE : Par la peste ! L’apothicaire te la procurera en générique, cela t’en coûtera moins d’écus.<o:p></o:p>

    MARTINE : Mais cette médecine ne me sera point remboursée !<o:p></o:p>

    SGANARELLE : Maudite sois-tu de ne te soucier que de la Sécu ! Me sont-elles remboursées, à moi, mes cigarettes ? Elles me sont pourtant un précieux remède. Je les paie de mes deniers, et je ne maugrée point ainsi que tu le fais !<o:p></o:p>

    MARTINE : Chut ! Cessons là notre vaine querelle. On a frappé je crois…<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Scène II. – GERONTE –SGANARELLE - MARTINE<o:p></o:p>

    La porte s’ouvre. Géronte entre. Il brandit un papier…<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    GERONTE : Le voici ! Le voici, je l’ai, je le tiens…<o:p></o:p>

    MARTINE : Que le ciel m’oblige de vous voir céans ! Il me faut vous dire que nous nous entretenions, à l’instant, d’un sujet fort fumeux et que…<o:p></o:p>

    SGANARELLE : Ah, ma femme, la paix ! Par le diable, vous bavez ! Laissez-nous ! Ce sont discussions d’hommes que nous devons avoir. Il n’appartient point aux femmes de se mêler de ces choses.<o:p></o:p>

    Il se tourne vers Géronte, lui souriant :<o:p></o:p>

    SGANARELLE : Faites nous l’honneur de vous asseoir. Et pardonnez ma femme. Elle a quelque migraine qui la rend querelleuse depuis trois jours, et prétend que c’est à cause de ma fumée ! La plaisante farce que voilà !<o:p></o:p>

    GERONTE, montrant le papier qu’il a en mains  : Hé  Hé ! C’est que voyez-vous, ce que femme veut, souvent le Ciel vient à l’exaucer…<o:p></o:p>

    SGANARELLE : Qu’est-ce à dire ? Parlez clair ! Ne restez point ainsi dans le demi-mot, car cela m’impatiente et m’insupporte. Vous voyez bien que je me ronge.<o:p></o:p>

    GERONTE : Je suis venu vous montrer l’édit du Roi. Lequel mande et ordonne qu’on ne fume plus de tout son royaume, et qu’il en soit ainsi au jour du premier janvier de l’an de grâce qui vient. Et qu’il en sera ainsi toutes les autres années que Dieu fait. <o:p></o:p>

    SGANARELLE : Et s’il me plaît, à moi, de fumer encore ?<o:p></o:p>

    MARTINE (à part) : Mon Dieu ! Voici qu’il recommence ! Sa fureur tabagique ne cessera donc pas  ?...<o:p></o:p>

    GERONTE : Si tu continues de fumer, au mépris de la défense qu’en fait notre roi,  les gens d’armes te puniront. Il te faudra payer une amende : 60 euros !<o:p></o:p>

    SGANARELLE : Que me parles-tu d’euros, manant ! Ils ne sont point encore inventés !  Serais-tu devin ou mage ou quelque sorcier divinateur de l’avenir ?<o:p></o:p>

    GERONTE : Baste, qu’importe ! Mais tu ne fumeras plus, et je te conjure de te soumettre à cette loi nouvelle, si tu ne veux pas qu’il t’en coûte  en euros !<o:p></o:p>

    MARTINE : il nous en coûte déjà beaucoup en tabac !<o:p></o:p>

    SGANARELLE : Eh bien soit ! Je me range à votre sagesse ! Désormais qu’on se le dise : je ne fume plus !… <o:p></o:p>

    GERONTE : Il me plaît de te voir ainsi devenu sage.
    SGANARELLE : Sage pour le tabac, mais je n’ai point dit encore mon dernier mot.<o:p></o:p>

    GERONTE : Et quel est-il, ton dernier mot ?<o:p></o:p>

    SGANARELLE : Je bois !<o:p></o:p>

    MARTINE : Le diable d’homme ! Qu’ai-je donc fait au Seigneur pour mériter un sort semblable ? Il ne fume plus… mais il boit ! Hélas, la souffrance des femmes n’aura-t-elle jamais de fin ?<o:p></o:p>

    FIN<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

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