• De la Bastille à Charonne - 6 mars 2003 -

     

              

     

     

    De la Bastille à Charonne

    Balade organisée par l’Amicale des anciens élèves des écoles d’Ivry

    Le 6 mars 2003

      Départ Place de la Bastille, au début de la rue de la Roquette.


    La Bastille : quartier à l’origine populaire, comme tout l’est parisien.  Profondément modifié ces dernières années, le quartier de la Bastille n’a plus grand chose de prolétarien, à l’exception des enseignes qui cultivent le « mythe prolo » à l’intention des porteurs de cartes bancaires bien approvisionnées ! De nombreux passages sont aujourd’hui fermés et protégés par des codes… Dehors, les pauvres !... Il est devenu très difficile et fort rare d’apercevoir la perspective d’une allée rustique comme il en existait tant il y a quelques décennies…

    • Au 2 rue de la Roquette, on passe sous le porche de l’immeuble et on s’engage dans le passage du Cheval Blanc : c’est une succession de six cours qui portent les noms des six premiers mois de l’année. La cour Janvier : bâtiments du milieu du 19è siècle. Cours février et mars : maisons à pans de bois. Avril : pas de cour, elle a disparu !  Mai : cour reconstruite par l’architecte Sauger en 1910. Juin : immeubles à pans de bois. Le passage conduit, par la cité Parchappe (du nom de la famille qui vécut ici), à la rue du Faubourg St Antoine. Il a largement perdu son caractère artisanal, mais pas sa structure générale. C’est aujourd’hui une cité résidentielle et branchée. Au 18è siècle, il y avait là un important dépôt de bois ; au 19è siècle, de nombreux ateliers y ont été créés. On revient rue de la Roquette et on la suit en tournant le dos à la Bastille.

    Au n° 18, Ets Loubinoux, spécialistes du mobilier de cafés. Leur présence rappelle que le quartier fut longtemps appelé « La petite Auvergne ». Les émigrés du Massif Central s’y fixaient et tenaient tous les bistrots du coin.

    Rue de Lappe : elle a abrité jusqu’à 15 bals auvergnats, avant que la bourrée ne cède la place à la java, puis au tango. Le plus connu des bals, le Balajo, inauguré pendant le Front Populaire, existe encore et a conservé son décor intérieur. D’autres, comme « La Boule rouge » ou « le Bal Bouscat » ont disparu. Il reste toutefois le restaurant « La Galoche d’Aurillac » au n° 41 et l’épicerie « Aux produits d’Auvergne » au n° 6.

    Au 17 rue de la Roquette, une plaque est posée sur la maison habitée par Verlaine entre décembre 1882 et septembre 1883.

    Au numéro 56, très jolie cour ; les arcades sur les façades correspondent peut-être à d’anciennes écuries.

    Au niveau du n° 58, voir au fond de la cité de la Roquette une curieuse petite maison néo-gothique.

    Le n° 41 ouvre sur un passage fermé par une grille : alignements d’ateliers

    43-45 : Maisons basses anciennes jusqu’à la rue du Commandant Lamy.

    Juste après cette rue, c’est la toute nouvelle église Notre Dame d’Espérance au style forteresse déconcertant.

    Presque en face, au n° 70, fontaine édifiées sous Louis-Philippe (entre 1830 et 1848 donc, sous la Monarchie de Juillet).

    Au 76, le théâtre de la Bastille a remplacé un ancien cinéma de quartier, disparu comme tant d’autres.

    84/86 : synagogue pour les Juifs de rite espagnol.

    Au 71, un beau portail à tympan sculpté est le seul vestige, avec les deux colonnes supportant un balcon, d’une riche maison de plaisance du 18è siècle, détruite en 1977.

    Au 93, on pousse la porte cochère : vestiges des Bains Voltaire : mosaïques et deux candélabres encadrant l’escalier qui menait à l’établissement.

    Traversons maintenant l’avenue Ledru-Rollin et la rue Godefroy-Cavaignac.

    130-134 rue de la Roquette : immeubles inspirés de la place des Vosges, mais l’architecte s’est débarrassé des rigueurs du style Henri IV pour surcharger les façades de guirlandes, angelots…

    Traverser le bd Voltaire et continuer la rue de la Roquette.

    Au 166-168 s’élevait la prison de la Grande Roquette. Entre 1851 et 1899, plus de 200 exécutions ont eu lieu ici, le plus souvent la nuit, en présence d’un public nombreux et friand !

    Au 174, le square est à l’emplacement de la prison de la Petite Roquette, prisons pour femmes, démolie en 1974. Il en reste le porche d’accès au square.

    En face du square, rue de la Croix Faubin ; au sol, à proximité du passage piéton, on voit les cinq dalles qui servaient de points d’assise à la guillotine qu’on dressait devant la prison de la Grande Roquette. C’est là que, au 19è siècle, on enfermait les condamnés à mort en attente de leur exécution, ainsi que les bagnards avant leur embarquement.

    Au 153, belle boulangerie  ornée de peintures sous verre en devanture.

    Poursuivons, rue de la Roquette, traversons le bd de Ménilmontant et entrons par la porte principale dans le cimetière du Père Lachaise.

    Dans le cimetière :

    Avançons dans l’allée principale et gagnons la terrasse par les escaliers latéraux.

    En chemin, tombe de Colette, au début de l’avenue du Puits ; celles de Rossini, Musset, Haussmann (à gauche allée principale), et d’Arago, Ledru-Rollin, Félix Faure (côté droit)

    Parvenus au sommet des escaliers, souffler ! C’est de ce balcon que le jeune Rastignac, héros de Balzac, s’écrie « A nous deux, maintenant » !

    Prenons à droite l’avenue de la Chapelle, où se trouve un bronze de Géricault, puis tout de suite à gauche le chemin du Bassin, puis le chemin Molière où on voit les tombeaux de Gay-Lussac, Molière et La Fontaine, dont on peut douter qu’on ait vraiment retrouvé leurs restes dans les cimetières Saint-Joseph et des Innocents).

    Empruntons maintenant le premier petit chemin sur la gauche. Traverser la Transversale 1 et le chemin des Anglais pour nous engager dans l’avenue Greffüle. Tournons à gauche dans la Transversale 2. A 50 m à droite, tombe de Victor Noir, abattu en 1870 par le Prince Pierre Bonaparte. Cette tombe est une des plus visitées : le sexe du gisant est caressé par de nombreuses mains anonymes !!!…

    Après Victor Noir, tournons à droite avenue Carette ; on y voit la tombe d’Oscar Wilde, couverte des traces de rouge à lèvres d’admiratrices…

    Prenons à gauche l’Avenue circulaire et rejoignons la porte Gambetta pour sortir.

    Tournons à droite dans le rue des Rondeaux. Il y subsiste sur la gauche des maisons modestes. Au n° 52, le mur porte sur le chaînage d’angle un repère de nivellement : altitude 89,562m. Prenons à gauche dans le rue Charles Renouvier, qui se transforme en pont pour enjamber la rue des Pyrénées.

    Juste après le pont, on tourne à droite le passage Stendhal pour rejoindre la rue Stendhal ; au débouché du passage, on aperçoit la villa Stendhal : cet ensemble immobilier est le premier conçu pour une clientèle bourgeoise au début du 20è siècle.

    Après la rue Lisfranc, à gauche, l’espace engazonné coiffe les réservoirs de Charonne.

    Tournons à gauche dans le chemin du Parc de Charonne et pénétrons dans le cimetière Saint-Germain de Charonne. L’église Saint-Germain de Charonne est l’une des deux seules à Paris à être encore entourées d’un cimetière (L’autre étant l’église St Pierre de Montmartre). En effet à partir de 1785, les cimetières entourant les églises et les couvents de Paris ont été vidés, et les ossements transférés dans d’anciennes carrières du 14è arrondissement, devenues les Catacombes… Mais Charonne était à l’époque en dehors de Paris, et n’y fut rattaché qu’en 1860, après la destruction de l’enceinte des « Fermiers Généraux » (Ce mur murant Paris rend Paris murmurant …)

    Dans ce cimetière, quelques sépultures célèbres :

    • La tombe de Robert Brasillach, écrivain Français fusillé en 1945 pour son engagement dans la collaboration et la promotion du nazisme.
    • La tombe aussi des deux enfants d’André Malraux, tués en 1961 dans un accident de voiture.
    • La tombe de Magloire, un farfelu, se prétendant secrétaire de Robespierre ! En fait, c’était un joyeux drille, grand buveur devant l’Eternel, dont on dit qu’il fut enterré ici avec auprès de lui une dernière bouteille !
    • La tombe également de l’acteur Pierre Blanchar.

    Eglise Saint-Germain de Charonne : selon la légende, Saint-Germain, évêque d’Auxerre, a rencontré dans ce lieu champêtre la future Sainte-Geneviève, en 1429. C’est ce que représente une grande toile du 18è siècle sur le mur pignon intérieur, à gauche de l’entrée. Une petite chapelle fut élevée à cet emplacement au début du Moyen-Âge, remplacée par une église au 12è siècle : il en reste la base du clocher actuel, avec les forts piliers cylindriques qui le soutiennent à la deuxième travée. L’église fut endommagée lors des guerres de religion et de la fronde. Il y eut des travaux de reconstruction aux 15 è et 17è siècles.  En 1737, suite à un incendie, le portail ouest est supprimé, ainsi que l’abside, désormais plate, qui a raccourci l’église. Ce sont les villageois de Charonne qui participèrent eux-mêmes financièrement aux travaux au XVè siècle notamment. Le clocher renferme une cloche appelée Germaine. L’église surplombait le village. Il faut savoir que sur la superficie de l’actuel 20è arrondissement, il n’y avait en 1800 que 599 habitants ! Au milieu de l’actuelle rue Saint-Blaise était la place de Grès où l’on mettait au pilori les voleurs et autres malfaiteurs condamnés par la justice seigneuriale. Charonne était un village de paysans et de vignerons. Sur la butte, la rue des Vignoles est en fait l’ancienne rue des Vignobles.

    L’église St-Germain renferme trois autels : à gauche l’autel de Saint-Blaise, avec une statue de Saint Blaise et un tableau de Paul Rambié (artiste contemporain qui vit dans le quartier) : Sainte Thérèse d’Avila adorant le Christ crucifié. A droite l’autel de la Vierge, avec une Pièta de Paul Rambié également.

    Pourquoi Saint Blaise ? La légende veut qu’ici même un roi, un certain Charles, avait eu un grand enrouement après avoir crié contre une cloche qui avait fait fuir son gibier ; guéri par l’intercession de St Blaise, il fit élever une chapelle en son honneur ; et jusqu’au 19è siècle, on continua d’invoquer Saint-Blaise  contre les maux de gorge. Dans les cas graves, on apposait un cierge triangulaire allumé sur la gorge des malades…

    Les vitraux modernes (1950) illustrent les Miséricordes : Veillez sur ceux que personne n’aime, sur ceux qui ont faim, sur ceux qui pleurent…

    Au pied d’un pilier, lire absolument le texte reconstitué de la dédicace de l’église : « L’an 1460, le dimanche devant la Saint-Germain, le 17è jour de juillet fut l’église de Charonne dédiée par Révérend Père en Dieu Monseigneur Guille, évêque de Paris. » … Si vous avez bien lu, cette lecture vous donne droit à « 40 jours de vrai pardon » !

    Au fond de l’église, un tableau de Joseph Benoist Suret (mort en 1807) représente la rencontre historique de Saint-Germain et de Sainte Geneviève.

    L’orgue, de 1850, signé Suret père et fils, possède encore sa mécanique d’époque.

    Quittons l’église, descendons les marches et traversons la rue de Bagnolet pour prendre la rue Saint-Blaise : c’était l’ancienne rue principale du village de Charonne, un bourg plus campagnard encore que les villages voisins de Belleville et Ménilmontant. Les riches parisiens y édifièrent aux 17è et 18è siècles des résidences secondaires parfois somptueuses.

    Tournons à gauche dans la rue de Riblette, une des plus vieilles rues du village de Charonne, puis encore à gauche dans la cité Leclaire, à droite place Pierre Vaudrey, et à gauche rue des Balkans.

    Derrière les grilles du jardin public de l’hospice Debrousse, se dresse l’élégant pavillon de pierre blanche de l’Ermitage, construit en 1734 ; c’est l’ultime vestige du château de Bagnolet, dont le domaine couvrait 80 hectares sur Charonne et Bagnolet, soit deux fois la superficie de l’actuel cimetière du Père Lachaise ! Morcelée, déboisée et lotie à la fin du 18è siècle, la propriété fut progressivement avalée par la ville dans le courant du 19è siècle. Le pavillon de l’Ermitage fut le siège de la contre-Révolution ; les conjurés tentèrent en vain de faire évader Louis XVI et Marie-Antoinette. Tous les « conjurés de Charonne (54) furent arrêtés et guillotinés, à l’exception de leur chef, le prince de Batz, introuvable, qui survécut, et qui fut décoré en 1823 de l’Ordre de Saint-Louis.

    En face du débouché de la rue des Balkans, au 135-137 rue de Bagnolet : deux maisons villageoises, dont l’une est pourvue d’une niche en façade. Juste à gauche, à l’angle de la rue de Bagnolet, un joli café, construit en 1914, présente un décor de boiseries et de faïences.

    Non loin du carrefour Balkans/Bagnolet, on peut voir au 134/136 rue de Bagnolet, deux escaliers en fer à cheval : les maisons haut perchées étaient autrefois beaucoup plus basses, et se sont trouvées surélevées du fait du creusement vers 1850 de la rue de Bagnolet pour en abaisser la pente.

    Tournons à droite dans la rue de Bagnolet puis à gauche dans la rue Pelleport. Traversons la rue Belgrand et suivons la rue du Capitaine Ferber jusqu’à la place Octave Chanute. Vers la droite, on s’engage dans la petite rue Paul Strauss.

    Ici commence le lotissement « La campagne à Paris », bâti sur une ancienne carrière de gypse appelée la « Carrière du père Roussel », carrière de gypse (pierre à plâtre) remblayée à la hâte vers 1880 avec les décombres et gravats provenant du percement haussmannien des avenues Gambetta et de la République. La butte, ainsi stabilisée, et devenue un petit bois, fut achetée en 1908 par une société coopérative dénommée «  La campagne à Paris », en vue de faciliter l’accession à la propriété des gens aux revenus modestes mais réguliers (employés). Une centaine de pavillons en meulières ou en briques furent construits en vingt ans. Le site fut inauguré en 1926 ; il n’a pratiquement pas bougé depuis. Parcourons les rues Jules Sigfried et Irénée Blanc, avant de descendre un escalier qui ramène vers le bruyant Boulevard Mortier, fin de la balade. Si on veut se reposer, une halte est possible juste en face, dans le square Séverine… Bon, il ne vous reste plus qu’une chose à faire : copier ce texte, chausser vos baskets, et faire à votre tour cette belle balade parisienne !... 


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