• Ce n'est pas toujours le cas, mais voici un coup d'essai qui est un coup de maître. Premier film de Jean Veber, fils de son père, sauf que son père, Francis Veber est aussi réalisateur, Le Pharmacien de garde est un polar, mais pas seulement. Car on sort ici des limites du genre, et rien n'est habituel dans ce film. D'ordinaire, les méchants sont d'abominables truands, souvent internationaux, ou bien des voyous issus de la racaille banlieusarde, ou encore un taulard libéré et qui replonge en retrouvant des potes ... Bref, ils sont là pour cogner : faut qu'ça saigne, et tant pis si le scénario ne tient pas la route ! Le public veut du sang et des morts ? Il en aura ! Ici au contraire, tout se tient, dans un suspense mystérieux, très inquiétant, et derrière lequel on va découvrir des situations très humaines : il y a de l'épaisseur psychologique et de la vraisemblance dans chaque personnage. On ressent dans sa peau l'angoisse des personnages troubles... Comme le dit le réalisateur Jean Veber lui-même : "On est ici aux frontières du fantastique et de l'horreur"... Quelle est l'histoire ?... Bien sûr, il y a un criminel et il y a un policier, mais même là c'est original, vous allez voir... Le film débute par un plan-séquence magnifique dans son horreur dramatique : la mer, les vagues, le littoral,  mais une mer épaisse recouverte de mazout... des oiseaux se débattent, agonisant dans le pétrole d'une marée noire, tandis qu'en fond sonore, Charles Trenet, d'un ton léger et badin, chante " la mer, qu'on voit danser le long des golfes clairs..."Superbe et bouleversant contraste entre une nature sauvage et belle et  la coupable industrie des hommes qui polluent : rien que pour ce générique, il faut avoir vu ce film... On se doute dès lors que la pollution jouera un rôle... mais lequel ? ... Levons le voile : au début de l'histoire on trouve un cadavre calciné : la victime, armateur responsable d'une marée noire, a été brûlée dans une mare de de fuel enflammé... un peu plus tard, un fumeur invétéré est retrouvé mort, tué d'une overdose de nicotine : plus d'une centaine de cigarettes qu'il a dû inhaler de force... Le meurtrier n'est pas une crapule de banlieue, mais un jeune pharmacien distingué à la gueule angélique : Vincent Perez... Ne supportant pas la pollution, il est parti dans une guerre contre tous ceux qui polluent : il les tue par là-même où ils ont péché : le mazouteur sera brûlé dans le fuel...le fumeur tué par le tabac...etc... La série des crimes justiciers va s'allonger, toujours commis avec une intelligence perverse... Or notre pharmacien rencontre un homme dans un bar : Guillaume Depardieu, qui fait l'homme. Mais non, pas le bar, lisez mieux, merde ! Les deux hommes sympathisent et se revoient. Et Depardieu est en fait policier, un policier fragile et un peu paumé ; il enquête justement sur cette série de meurtres étranges. Mais  il ne sait pas qu'il parle au pharmacien criminel, lequel ignore qu'il a en face de lui le policier qui le traque... D'amitié en confidences, les deux hommes se rapprochent, se devinent peu à peu... j'allais dire se pénètrent, mais je ne voudrais pas que les gays prennent leurs désirs pour des réalités, car il ne s'agit pas de ça !... Les meurtres continuent... Le policier et le pharmacien vont finalement découvrir mutuellement leurs rôles respectifs... La situation est alors cornélienne pour les deux hommes, car le policier se trouve pris entre son étrange amitié et son devoir de policier... Le pharmacien ne peut se résoudre quant à lui à liquider celui qui l'a découvert... Dès lors on s'achemine vers une fin inéluctable et dramatique sur laquelle je ne dirai rien ( faut pas tout dire, ça gâcherait le suspense!), sauf qu'elle me fait penser au roman de Steinbeck " Des souris et des hommes."... Un très grand film qui n'a pas eu le succès mérité, car les medias et la critique  n'ont guère parlé de ce premier film, injustement oublié à sa sortie. Du grand cinéma, sans intellectualisme chiant, mais avec un vrai suspense, un très beau jeu d'acteurs, sur un fond dramatique vraisemblable : la pollution qui détruit la terre ! Trop tard pour voir le film en salle... courez acheter le DVD. Sinon, volez-le !


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  • Quand je suis sorti de la salle de cinéma après avoir  vu Cyprien, je me suis dit "Ouf ! Heureusement que c'était gratuit" ! Je m'explique : à Vitry-sur-Seine, les Vieux (Anciens..Vétérans... Retraités... Séniors, rayez la mention inutile !) ont droit à la gratuité du cinéma le premier mardi de chaque mois ! C'est donc à ce titre que j'ai vu "Cyprien. .. L'histoire d'abord : une jeune homme, ou plutôt un homme jeune, 35 ans, (Elie Semoun)  est insignifiant, malingre, laid, avec des dents mal implantées qui n'arrangent rien et une pré-calvitie partielle et précoce qui achève de le démolir, notamment auprès de la gent féminine. Il bouffe donc sa pizza, seul devant la télé.. rien de bien original. Ce gringalet est par contre un fondu d'informatique, un surdoué du disque dur,  et dans l'entreprise où il travaille, un magazine de mode, il rêve de conquérir Gina Mac Queen, un top-model à forte poitrine qui pose pour le magazine ! Avec son physique ce n'est pas gagné, et c'est un euphémisme ! Autrement dit c'est perdu.  Mais on est au cinéma où tout est possible, même le plus invraisemblable ! Et donc notre anti-héros trouve une sorte de lotion magique ; quand il s'en asperge, il devient un beau gosse ! C'est Mister Hyde qui devient le séduisant Docteur Jekyll ! Une fois ce gag abracadabrantesque mis en place, le film va  d'anecdotes imbéciles en rebondissements rigolards, on a droit à tous les poncifs.... les filles qui tombent devant le beau gosse.. qui fuient le moche... puis on a le beau gosse qui oublie sa lotion et redevient soudain laid... devant celle qu'il courtisait ! On aura droit aussi, évidemment au combat de deux rivaux  sous les yeux de la femelle enjeu du combat,  et on rame ainsi laborieusement jusqu'à la fin, qui sera évidemment conventionnelle et très morale ! Divertir le bon peuple, oui, mais faut surtout pas lui donner de mauvaises idées ! Partir avec un top-model... surtout pas ! Et donc, notre anti-héros va redevenir moche  Mieux... il va être content de l'être et renoncer à la belle et opulente Gina Mac Quenn et son 95D, pour se contenter de sa banale collègue de bureau, bien gentille,  au teint vaguement terne, et qu'incarne la peu jolie Léa Drücker, oui, elle, la nièce à son tonton animateur vedette depuis 50 ans à la télé !... Le film végète constamment entre le style rigolard-qui-prend-pas-la-tête, et la morale bien conventionnelle : ne rêvez pas de la vraie beauté, braves gens ! C'est pas pour vous ! Regardez plutôt la beauté intérieure des moches,  car c'est là la vraie richesse et vive le Grand Amour, avec un grand G et un grand A ! (Et enfoncez-vous bien ça dans la tête !) ... A sa décharge, ce film n'est pas le seul dans ce genre, à véhiculer des idées bien-pensantes et bien gnan-gnan. Chaque fois, j'enrage devant ces poncifs éternellement radotés. Heureusement, avec Cyprien, je me console : ouf ! C'était gratuit ! Je n'ai donc perdu.. que mon temps !


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  • A la demande de deux Christiane qui me sont chères, appelons-les Titi et Cricri, je crée sur mon blog une nouvelle rubrique consacrée au cinéma. Les réalisateurs et les acteurs n'ont qu'à bien se tenir ! Car n'étant ni salarié d'un journal, ni copain de l'ami d'un parent d'un proche d'un acteur, je ne suis pas tenu par les exigences hypocrites du copinage... Et je peux donc m'exprimer librement, dans les limites étroites prescrites par les lois, mais c'est déjà mieux que rien. Pour mieux comprendre mes critiques, je voudrais faire quelques remarques préalables.

    -  Mon regard sur le cinéma a beaucoup changé depuis le temps de mon enfance. (Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, dit-on !) A vrai dire, mon premier contact avec le cinéma (en noir et blanc et muet) se passa dans la salle à manger familiale, où mon père organisait de véritables projections, en louant des films 8 mmm  de chez Film-Office. Dans le vacarme du projecteur Ciné-Gel, j'ai vu ainsi Buster Keaton, Charlie Chaplin en Charlot, Laurel et Hardy, Harrold Lloyd, mais aussi des documentaires de Cousteau, Aladin et la lampe merveilleuse, et des aventures sahariennes à l'eau de rose, Le Fils du Sheik, avec Rudolf Valentino...

    Vers  12 ans, aussi saugrenu que ça puisse paraître, j'avais un faible pour les films romantiques, les belles histoires d'amour et de princesses, sur fond de châteaux chargés d'histoire ou sur fond d'aventures : Michel Strogoff, avec Yul Brynner... Mais mon film préféré de cette époque fut "Le Cygne", avec la très belle Grace Kelly qui me fit rêver avant même que le Prince Rainier  de Monaco n'en ait eu l'idée ! Mais c'est lui qui l'a eue. Beau joueur, je la lui ai laissée !...

    -Vers 15 ans, je suis devenu, avec une bande de copains du lycée Charlemagne, un fan inconditionnel du cinéma Midi-Minuit, sur les Grands Boulevards de Paris. Mais je serais bien incapable de vous citer un seul film, tous des navets de série B, car ce n'était pas pour le film qu'on y allait, mais pour l'entracte. Soyons franc, ce n'était pas non plus pour l'entracte... mais pour la fille, qui, pendant l'entracte, faisait un strip-tease sur la scène ! Nettement mieux que trois pauvres spots de pub pour les esquimaus Gervais ! Et puis, en classe, la sexualité n'était étudiée que sur la pomme du pin sylvestre et sur les spores de la fougère ; il fallait donc trouver ailleurs des informations complémentaires...

    - A 16 ans, j'ai eu ma période cinéma-intello : pour que j'aime un film, il fallait qu'il soit en noir et blanc, avec peu de mouvements, avec des dialogues compliqués et des gens qui se prennent la tête pendant une heure trente en se fouillant le nombril. Ce fut ma période ciné-club à la salle des Conférences d'Ivry. Et après s'être bien emmerdé pendant le film, chacun pouvait ensuite gloser publiquement en hurlant son enthousiasme et en décortiquant le scénario, tout ça pour faire son intéressant. Mes films d'alors : Les Fraises sauvages, de Bergman, et bien entendu, tous les films d'Antonioni, de Varda, de Bunuel, de Marcel Carné, de René Clair... Dans le même temps je me suis pris d'intérêt pour les westerns : ils étaient pour moi, sédentaire Ivryen, une belle occasion de voyager par l'image dans les vastes espaces américains et aussi dans le fabuleux 19è siècle de la ruée vers l'or...


    Je vous fais grâce de mes évolutions ultérieures, car ce serait top long, et parvenu désormais à l'âge de la retraite, j'en arrive à effectuer un retour tardif mais salutaire sur le mot même de cinéma et à son étymologie ! Explication : cinéma, c'est l'abréviation de cinématographe, qui signifie "écrire le mouvement" (graphe = écrire, cinéma= mouvement) Et donc, je me dis que le film doit être essentiellement mouvement, le vrai mouvement, celui que l'on voit, et non les obscurs mouvements des âmes et des coeurs. J'attends donc du cinéma que "ça bouge" ! Ca ne veut pas dire qu'on doive se foutre une peignée toutes les dix secondes, ni abattre un héros toutes les minutes... Je parle du mouvement de l'image... Je ne supporte plus au cinéma les films longs, statiques, tout d'immobilisme et de cheminement intérieur. Non pas que ces cheminements ne m'intéressent pas, mais pour les suivre, je préfère le livre, plus adapté à la réflexion, à l'intériorité... J'en suis venu également à détester les films-slogans, les films délibérément partisans : ils sont souvent sectaires et utilisent de manière odieuse le pouvoir émotionnel de l'image pour soutenir une cause  et orienter la pensée par des moyens qui relèvent de tout sauf de l'intelligence. Je n'aime pas films qui "dénoncent", car ils ne servent qu'à se donner bonne conscience pour le prix d'une place de cinéma. Plutôt que de verser une larme de compassion devant un film qui montre la misère, restons les yeux secs et envoyons un chèque à l'Abbé Pierre, on aura été ainsi plus efficace ! Je veux donc du mouvement pour le cinéma, car un cinéma sans mouvement trahit jusqu'à son nom, puisque cinéma signifie mouvement, mais ça, je l'ai déjà dit plus haut et je m'en voudrais de radoter !  Je termine donc ici ce préambule qui m'a semblé utile, en espérant qu'il vous a intéressé... Et maintenant, que la critique commence !...


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