• Bob MORANE

    L’OMBRE JAUNE DE LA NICOTINE<o:p></o:p>

    A la manière de Henri Vernes (Bob Morane)<o:p></o:p>

    Par Robert Lasnier<o:p></o:p>

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    Du fond du local où les sbires l’avaient enfermé, les mains ligotées derrière le dos, Bob Morane méditait sur la façon de se sortir de ce guêpier. Ballantine ne s’était pas trompé, le whisky l’avait rendu clairvoyant. L’Ombre Jaune de la Nicotine, alias monsieur Ming, était là, dans ce repaire perdu, quelque part dans la Chine profonde, à plusieurs centaines de kilomètres de Canton, probablement. Cet être malfaisant s’apprêtait à empoisonner toute la terre avec ses clopes. La porte s’ouvrit brutalement. Le Mongol s’était planté devant Bob Morane. Ensuite il éclata de rire, un rire de fumeur se terminant en toux grasse, que le Français ne connaissait que trop bien, et qui était toujours annonciateur de catastrophes.<o:p></o:p>

    -         Ainsi, fit l’Ombre Jaune de la Nicotine, quand son hilarité et sa toux furent calmés, me voici en présence de ce fameux commandant Morane, l’ennemi juré des fumeurs. Décidément, je ne peux pas faire un pas sans que vous soyez là, attaché à moi tel un fauve à sa proie. Malheureusement pour vous, la proie se change souvent en fauve, et c’est vous alors qui êtes à ma merci.<o:p></o:p>

    Et il alluma une longue cigarette dont il souffla la fumée au visage de son prisonnier. Bob essaya de sourire, mais il ne put que grimacer à cause des cordes qui entravaient ses poignets et de l’épouvantable fumée qu’il ne pouvait éviter.<o:p></o:p>

    -         Votre écran de fumée ne vous protégera pas toujours, gronda Morane. Le temps viendra où les non-fumeurs triompheront de votre vice.<o:p></o:p>

    Le grand Mongol hocha la tête avec condescendance, en soufflant sa fumée à nouveau. La haine déformait ses traits.<o:p></o:p>

    -         Je reconnais que vous êtes un adversaire redoutable, et tout autre que moi aurait succombé  devant votre acharnement. Seulement voilà, c’est à moi que vous avez eu affaire, à moi l’Ombre Jaune de la Nicotine, et vous vous trouvez une nouvelle fois en mon pouvoir.  Je suis donc en mesure de vous contraindre à négocier. Parlez-moi de votre projet funeste d’interdire le tabac. Je veux tout savoir. Parlez, vous n’avez pas le choix. Dans une demi-heure, si vous ne parlez pas, les charges de T.N.T placées sous vos pieds exploseront et alors : Adieu Bob Morane ! Le Mongol découvrit dans un abominable rictus  ses dents de loup, et ses yeux lançaient des éclairs tabagiques.<o:p></o:p>

    Bob Morane le savait, il était en bien mauvaise posture.  Il eut une soudaine pensée pour Miss Ylang-Ylang pour qui il avait toujours eu un faible, et se demanda en cet instant s’il la reverrait jamais. Alors il se décida à parler. Pendant ce temps, son esprit tenterait d’échafauder un plan. Bob Morane n’était pas là pour philosopher. Il savait aussi que son fidèle Bill Ballantine, le géant roux,  était libre, lui, et qu’il était probablement parti à sa recherche. Il ne devait pas être très loin, et avec un peu de chance…<o:p></o:p>

    -         Le tabac, expliqua le Français, est hautement cancérigène et les plus grands savants l’ont prouvé dans tous les pays du monde. Le cancer des bronches, les tumeurs du poumon font des ravages qu’on ne peut plus accepter. C’est pourquoi nous préparons une loi selon laquelle il ne sera plus permis de fumer dans les lieux publics.<o:p></o:p>

    Monsieur Ming éclata d’un rire formidable. Et tout son corps fut secoué de mouvements qui eussent impressionné tout individu normalement constitué, mais qui laissèrent de marbre le commandant.<o:p></o:p>

    -         Dans les lieux publics ! Dans les lieux publics ! Mais c’est là que se fument plus de 80 % des cigarettes dont je fais commerce, hurla-t-il, congestionné de rage. Mon Organisation ne vous permettra pas de ruiner son activité mondiale. Votre détermination est certaine mais il est trop tard pour vous, vous mourrez ! Aujourd’hui même !<o:p></o:p>

    -         Je suis fort triste de vous voir animé de telles intentions à mon encontre, dit Morane d’un air dégagé. J’aurais pourtant voulu qu’au moins nous nous quittions sinon amis du moins en meilleurs termes.<o:p></o:p>

    -         Alors soit, répondit Ming, je vous invite à voir les stocks de cigarettes dont je dispose. En les voyant, vous comprendrez qu’il y a là une fortune et qu’il n’est pas question d’y renoncer.<o:p></o:p>

    Il tapa dans ses mains et deux brutes surgies d’on ne sait où accoururent, se précipitèrent et délièrent les mains de Bob Morane, puis l’empoignèrent. Solidement encadré, Bob Morane n’aurait pu esquisser le moindre mouvement de fuite. Au demeurant où aurait-il pu aller, seul et désarmé, dans ce lieu inconnu et hostile ?<o:p></o:p>

    -         Suivez-moi, lança L’Ombre Jaune de la Nicotine.<o:p></o:p>

    Quelques secondes plus tard, Bob Morane, étroitement serré par ses deux anges gardiens, suivit monsieur Ming. Les quatre hommes cheminèrent à travers un long corridor dont la forme voûtée faisait penser à un tunnel interminable. Ils débouchèrent enfin sur une large cour pavée. Une longue limousine noire semblait les attendre.<o:p></o:p>

    -         Montez donc, commandant Morane, dit monsieur Ming avec un faux sourire obséquieux.<o:p></o:p>

    La limousine bondit, le doux moteur  de 350 chevaux feula en silence tandis que la voiture, quittant la cour, s’élança sur l’asphalte d’une route rectiligne. Le voyage ne fut pas long. On arriva devant un haut portail métallique surmonté de trois caméras mobiles dont les tourelles porte-objectifs se tournèrent en silence vers la limousine noire comme des yeux inquisiteurs. Le portail s’ouvrit sans un bruit, puis se referma rapidement après avoir laissé entrer la voiture. Monsieur Ming parla :<o:p></o:p>

    -         J’ai voulu vous faire un cadeau, commandant Morane, dit L’Ombre Jaune de la Nicotine.<o:p></o:p>

    -         C’est trop gentil à vous, plaisanta le Français.<o:p></o:p>

    -         Un dernier cadeau, précisa-t-il.<o:p></o:p>

    -         Pourquoi un dernier cadeau ? fanfaronna Bob Morane. Je veux bien en accepter d’autres de vous, vous êtes si aimable !<o:p></o:p>

    -         Vous n’en aurez pas l’occasion, répondit sèchement monsieur Ming. Vous êtes arrivé au terme de votre existence. Allons, nous n’avons que trop perdu de temps. Je vous invite à visiter mon trésor avant de mourir. Un immense hangar métallique, brillant comme de l’argent, se dressait en pleine nature. Ses portes s’ouvrirent un bref instant pour laisser entrer les quatre hommes. Bob Morane y pénétra, poussé en avant par les deux sbires. Il aperçut alors un gardien dont l’allure le surprit : une sorte de colosse dont la silhouette lui parut familière s’inclina devant monsieur Ming. Mais il se redressa soudain en poussant un cri rageur, sortit un automatique et abattit  les deux brutes qui entouraient Bob Morane. Le Français bondit  de joie : ce gardien providentiel n’était autre que son fidèle Bill Ballantine. Le géant roux se rua ensuite sur monsieur Ming et d’un seul coup de poing lui fit éclater le crâne.<o:p></o:p>

    -         Venez vite commandant ! Vous êtes sauvé !<o:p></o:p>

    Puis il craqua une allumette sur un jerrycan d’essence et sortit rapidement avec Bob Morane. En un instant, le hangar s’embrasa, et les milliers de tonnes de cigarettes qui y étaient entreposées partirent en fumée, ce qui est d’ailleurs le sort commun   des cigarettes.<o:p></o:p>

    -         Vite, commandant, à l’hélicoptère ! Les deux hommes coururent et prirent place dans l’aéronef où le pilote qui les attendait fit décoller immédiatement l’appareil ;<o:p></o:p>

    -         Bravo, mon vieux Bill ! s’écria joyeusement Bo Morane. Il était temps ; on peut dire que je l’ai échappé belle !  Tu m’as sauvé la vie, Bill !  Où m’emmènes-tu ?<o:p></o:p>

    -         Prendre un pot, commandant, pour fêter votre libération ! J’ai très envie d’un whisky…<o:p></o:p>

    -         Et où ça ?<o:p></o:p>

    -         Oh, répondit Bill Ballantine, pas très loin d’ici, dans un bar à une heure de vol.<o:p></o:p>

    -         Non-fumeur ?<o:p></o:p>

    -         Ça oui, commandant, un bar non-fumeur !<o:p></o:p>

    Les deux hommes partirent d’un grand éclat de rire tandis que Bob Morane, d’un geste familier, passait les doigts de sa main droite dans ses cheveux drus coiffés en brosse et que l’hélicoptère disparaissait, là-bas, derrière les collines. Au loin,  derrière eux, un épais nuage de fumée s’élevait sur un tas de cendres grises : c’est tout ce qui restait de l’Ombre Jaune de la Nicotine et de son lugubre stock de cigarettes. Depuis le premier janvier, on ne fume plus dans les lieux publics. Et c’est un peu, n’en doutons pas, grâce à Bob Morane et à son fidèle compagnon, le colosse roux Bill Ballantine.<o:p></o:p>


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