•  Voici une oeuvre oubliée... Une oeuvre ?... Bof, ça peut se discuter... Ce petit livre publié dans la collection 10/18 en 1963 regroupe 71 petits contes d'Alphonse Allais écrits autour des années 1900. Ce sont de courtes histoires, et plus exactement des historiettes légères et badines, d'une page ou deux, rédigées sur le ton farfelu des pochades. Alphonse Allais était réputé pour son humour. Mais cet humour relève surtout de la franche déconnade à la Ruquier, sauf qu'Alphonse Allais semble tout de même plus cultivé que l'histrion télévisuel. Je vous donne un exemple des contes d'Allais, que je vous résume vite fait : un homme qui assiste à des funérailles, tombe amoureux fou d'une jeune fille présente dans l'assistance à l'église. Mais hélas, à la sortie, il ne la retrouve plus. Comment faire ? Alors il a une idée toute simple : puisque la jeune fille était là, c'est qu'elle était parente ou amie du défunt... Et pour la revoir, notre homme va donc tuer le frère du défunt : ainsi, la jeune fille reviendra pour ces secondes funérailles, et il la retrouvera  !... Voilà le genre ! Un peu à la Francis Blanche ou à la Pierre Dac... Des récits loufoques, pas forcément rigolos... Par moments, pourtant, il y a chez Allais une sorte de logique absurde qu'on retrouvera beaucoup plus tard chez Boris Vian... Moi, ces saillies verbales continuelles me lassent, à la longue... Sans compter que le style d'Alphonse Allais est terriblement daté. Allais écrit vraiment dans une langue surannée... Bref, on devrait se marrer, et souvent on bâille !... Mais ça vaut le coup de parcourir ce livre, sans forcément lire tout. Car certains des récits sont des sortes de petits documentaires sur les nouveautés de l'époque : le téléphone, l'électricité, tous les progrès technologiques qui éblouissaient nos ancêtres !... Voilà, rien d'autre à en dire... Après c'est comme vous le sentez !...


    2 commentaires
  •  Dis, papa... est-ce qu'il y avait un couple de dinosaures sur l'Arche de Noé ?.... Cette question candide a été posée à l'auteur par sa fille âgée de neuf ans, qui rentrait du catéchisme... La réponse du père, c'est ce livre La Revanche des Otaries... Ce roman est particulier, car il n'obéit pas aux canons du roman classique, il est délibérément impertinent, bourré d'un humour loufoque. On est ici aux confins de l'absurde et de la satire... L'histoire est celle de l'Arche de Noé, mais revue et corrigée dans le sens d'une plus grande vraisemblance. Dans la Bible, on y décrit l'Arche comme l'oeuvre de Dieu. Mais Vincent Wackenheim nous montre que, au vu de notre monde, l'Arche de Noé est plutôt l'oeuvre du Diable. Et nous voici, comme si nous y étions, sur l'Arche de Noé. Les animaux ne sont pas les bêtes innocentes et mignonnes qu'on montre à Trente Millions d'Amis sur la 3. De terribles rivalités d'intérêts opposent les pélicans aux loutres, aux nasiques et à cette salope d'hermine qui n'est pas toute blanche... A la tête de l'Arche, Noé, le patriarche, qui n'est pas né de la dernière pluie, en profite pour s'adonner aux joies de la zoophilie, en particulier avec les otaries, lesquelles, en retour, jouent à fond la promotion-canapé !... Les animaux, au lieu de s'entendre, créent d'innombrables Commissions pour débattre si on va voter par ordre ou par tête !... Mais pendant que les animaux pinaillent, se querellent, complotent, ourdissent et forniquent, il y a sur l'Arche des êtres redoutables, invisibles, auxquels nul n'avait pensé, pas même Dieu, ce sont les termites... et l'Arche est en bois !... Je vous laisse imaginer la suite !... Ce livre où l'on parle d'animaux est pourtant loin d'être bête. C'est un peu comme chez La Fontaine : on y parle des hommes finalement, et de leurs vices récurrents et incorrigibles... L'anachronisme est ici hissé au niveau d'un art permanent, qui fleurit à chaque page, je ne résiste pas à vous livrer cet extrait pour vous en donner une idée : "Ce n'était quand même pas sa faute à lui si cette humanité s'était mise à dérailler grave, l'alcool, le cholestérol, les OGM, le Loto, la Bourse qui fait du Yo-Yo, la météo pareil, et j'en passe, les téléphones portables, le Wi-Fi, les politicards véreux et rien à la télé. Tout ce qui avait poussé le Patron à prendre des mesures pour le moins radicales. Résultat, il se trouvait, lui, Noé, à son âge, sur cette barcasse puante...."

    Ou encore ceci : "En représailles, le Diable s'attacha alors à distiller avec méthode le Mal sous toutes ses formes, de la méchanceté gratuite à la trahison, du vol au viol, sans compter la prévarication, le mensonge, l'arnaque, les textos meurtriers, l'escroquerie aux assurances, le téléchargement illégal, les spoliations en tous genres, les petites mesquineries et les subprimes, bref il mit le boxon là où régnait l'harmonie..." Pas de doute, c'est bien de nous que parle l'auteur, dans cette fresque pseudo-biblique mais authentiquement drôle. Et derrière l'apparence loufoque et absurde de ce récit, il y a une implacable logique, celle d'un conte philosophique qui mérite plus qu'un éclat de rire : une méditation sur cette humanité noire à laquelle nous appartenons, un peu pour le meilleur et beaucoup pour le pire ! La Revanche des Otaries, c'est excellent, tonique et vrai, à la fois intelligent et drôle, et ça, c'est rare dans un même ouvrage ! C'est publié chez Le Dilettante et ça coûte 16 euros. Il ne faut pas louper ce bouquin, ce serait...trop bête !

    Bio : Vincent Wackenheim est né en 1959. Il commence d'abord par une carrière de libraire à Paris. Il tâte ensuite un peu de l'édition juridique, se rêve en Nouveau Dalloz, mais y renonce rapidement. On le trouve à nouveau dans le monde de l'édition, où il dirige les éditions Prat en 2004. Mais c'est en 1996 qu'il se lance dans l'écriture, en publiant Le Voyage en Allemagne. Une écriture qui verse dans le loufoque et l'absurde, une voie qui n'est donc pas nouvelle, mais dans laquelle il avance avec un style original...


    votre commentaire
  •  Paris lanterne magique, publié en 1997, ne sera jamais un best-seller. On ne le verra pas au catalogue trimestriel de France-Loisirs, la chose est sûre. Marcel Schneider, que j'ai connu autrefois comme prof de lettres au lycée Charlemagne, se révèle ici sous un jour dont il ne laissait rien paraître comme enseignant. Ce livre est celui d'un esthète raffiné, un amoureux de Paris, de son histoire, de son esprit. Cet esprit ne naît pas dans les grands lieux galvaudés par un certain tourisme de masse dévoyé par le profit et l'âpreté au gain... Pas de tour Eiffel en matière plastique dans ce livre ! Marcel Schneider nous invite dans ces pages à un parcours précieux dans des endroits inconnus, incongrus, disparus, mais qui tous ont été porteurs de civilisation dans ses manifestations les plus hautes comme dans ses oeuvres les plus basses... A la suite de l'auteur, nous cheminons sur le Cours la Reine (Cette reine était Marie de Médicis, ça vous en bouche un coin, hein !), nous déambulons dans des passages couverts aujourd'hui disparus, nous visitons la Place des Vosges. Mais je vous réserve le meilleur, c'est-à-dire le pire, que nous raconte Marcel Schneider : Au numéro 113 du boulevard Beaumarchais, à Paris, à l'angle de le rue du Pont-aux-Choux, il existe encore aujourd'hui un Café de la Petite Chaise. Voici son histoire : Le 3 septembre 1792, la Princesse de Lamballe, confidente de la reine Marie-Antoinette, est extraite de sa cellule de la prison de la Petite Force (dans l'actuelle rue Pavée, dans le 4è arrondissement). Dehors, dans l'étroite rue des Ballets (actuelle rue Mahler) elle butte sur un tas de cadavres, plus d'une centaine ! Elle s'écrie : "Fi ! L'horreur !"... Immédiatement, c'est la curée : un homme lui lance une énorme bûche dans les reins. La princesse tombe. La foule se déchaîne, la transperce de multiples coups de piques. Le corps est traîné jusqu'à une borne ; là, un autre manifestant, nommé Grison, sort un couteau avec lequel il découpe la tête de la princesse de Lamballe avant de la ficher au bout d'une pique. D'autres lui ouvrent la poitrine, on lui arrache le coeur qu'on plante au bout d'un sabre, tandis qu'on lui fait subir également des mutilations sexuelles, sous les quolibets de la foule... Un cortège braillard se met en marche et s'engage dans la rue Saint-Antoine ; des hommes traînent le corps sanglant par les pieds, un autre porte la tête au bout de la pique. Arrivé devant la Bastille en ruines, l'odieuse troupe ne sait plus quoi faire, elle hésite. Elle se divise. Une premier groupe, traînant toujours le cadavre mutilé, s'engage dans la rue du Faubourg Saint-Antoine, jusqu'à l'Hospice des Enfants Trouvés, où le corps est abandonné (Les restes seront inhumés provisoirement dans le cimetière de l'hospice). Un second groupe, conduit par le perruquier Charlat, celui qui exhibe la tête au bout d'une pique, remonte le boulevard Beaumarchais. A l'angle de la rue du Pont-aux-Choux, la populace s'arrête à une taverne. Sur le trottoir, devant la façade, il y a une petite chaise, et un seau empli d'eau pour abreuver les chevaux : c'est dans ce seau qu'on plonge la tête sanglante de la princesse de Lamballe, pour lui laver le visage et les cheveux. Car Charlat a une idée diabolique : porter la tête sous les fenêtres de la prison du Temple, pour la montrer à la reine Marie-Antoinette... Et pour finir, Charlat poursuit jusqu'au Palais-Royal, où il jette la tête de la princesse sur la table où dîne le duc d'Orléans, Philippe-Egalité. C'est aussi ça, la Ville-Lumière !... Voilà ce qu'on apprend dans le livre de Marcel Schneider.. On y apprend aussi, justice immanente, que le perruquier Charlat, le porteur de pique, subit dès le lendemain le même supplice que celui qu'il a infligé la veille à la Princesse de Lamballe. Le 4 septembre 1792, alors qu'il vient de s'engager comme tambour, il est massacré par ses camarades ! Bien fait pour sa gueule !... Quant à Grison, celui qui avait découpé la tête au couteau, il sera exécuté en janvier 1797 comme "assassin de septembre 1792" : bien fait pour sa gueule, bis repetita !... Paris lanterne magique, un livre précieux pour esprits curieux, à un tout petit prix : quelques euros dans le Livre de Poche... Et rappelez-vous : le Café de la Petite Chaise existe encore, au 113 bd Beaumarchais !... C'est même un petit restaurant : Bon appétit messieurs dames !...


    votre commentaire
  •  

     Lorsque le froid fait une percée hivernale au coeur de l'automne, le mieux à faire est sans doute de rester chez soi, ne fût-ce que pour économiser l'essence qui se fait rare en ce moment !... Bien au chaud dans mes pantoufles, un thé de Ceylan dans ma tasse, avec un nuage de lait bien sûr, j'ai regardé un film : Dans ses yeux, du réalisateur argentin Juan José Campanella. Dans un monde où pullulent les films tels que Camping, Bidasses en folie, Taxi 1, 2, 3, 4, et autres crétineries, il est réconfortant de voir émerger un film à la fois beau, intelligent et accessible au plus grand nombre. Le film est sorti le 5 mai 2010. Je ne sache pas qu'il ait eu une très large audience et c'est dommage. C'est pourquoi je veux ici le défendre. On peut le caractériser en disant que c'est un thriller romantique, même s'il est rare d'accoler ces deux mots. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. L'histoire se passe en 1974, à Buenos Aires, ce qui lui confère un climat exotique du meilleur effet. Un policier en retraite, Benjamin Esposito, décide d'écrire un roman pour occuper son inactivité. A cette occasion, une vieille affaire lui revient et l'obsède : le viol et le meurtre sauvage d'une jeune femme, vingt-cinq ans plus tôt. En se penchant sur ce dossier, le policier se rappelle aussi qu'il était à cette époque amoureux d'une jeune collègue policière... dans le même temps, il est persuadé que les deux "auteurs" du crime arrêtés à l'époque n'étaient pas coupables... Mais alors qui ?... En feuilletant inlassablement des albums de photos familiales relatives à la jeune femme assassinée, le policier croise, sur plusieurs photos, le regard d'un homme... Et il a une intuition : c'est cet homme, un nommé Gomez, qui est coupable... Qui est-il ? Comment le retrouver ? Le juge est violemment opposé à la réouverture d'une enquête... Pourquoi un tel barrage ??? Au cours de sa nouvelle enquête, notre policier en retraite va tout à la fois revivre son passé et écrire son roman. Et en le lisant, sa collègue d'autrefois comprendra qu'il l'a aimée.. Mais le vrai coupable sera-t-il démasqué ? ... Le moins qu'on puisse dire est que l'histoire est fertile en rebondissements inattendus, mais qui ne semblent pas abracadabrants, bien qu'ils soient parfois peu vraisemblables. Mais justement, il y a dans ce film un art consommé de la progression dramatique, un vrai talent pour entretenir un suspense constant, avec une musique habilement choisie qui sait admirablement souligner les instants graves ou dramatiques, et ceux au contraire où vibrent la tendresse et l'amour... Les images, belles et sobres, sont toujours très adaptées à l'action, sans outrance ni faiblesse, et la construction du film est solidement charpentée, toujours parfaitement compréhensible malgré les nombreux flashs-backs... Il y a un signe qui ne trompe pas : pas un moment on ne s'ennuie, alors que le film dure tout de même deux heures et neuf minutes... Citons pour finir les deux acteurs principaux, même s'ils sont peu connus chez nous : Ricardo Darin interprète le policier en retraite, tandis que la belle Soledad Villamil joue Irène, la collègue policière. Du très bon, de l'excellent cinéma, qui mêle habilement le mystère, le suspense, et la tendresse. Si vous hésitez entre un film policier, un film d'aventures ou une histoire d'amour, Dans ses yeux vous apportera les trois à la fois. Et comme le DVD est sorti, courez vite l'acheter. Ou empruntez-le. Ou volez-le ! De toute façon, il faut absolument le voir !


    2 commentaires
  •  Le Père adopté, de Didier van Cauwelaert, publié en 2007, c'est un long monologue de l'auteur qui parle à son père mort. C'est dire qu'il ne risque pas d'être contredit. Mais surtout, je le dis sans l'ombre d'un scrupule, Le Père adopté, c'est 248 pages d'un long emmerdement tranquille, 248 pages d'anecdotes personnelles qui n'intéressent que l'auteur, 248 pages d'histoires familiales où l'on retrouve tout ce que vous connaissez déjà vous-même dans votre famille ou dans votre vie : les mariages, les amours clandestines, les affaires qui marchent puis qui périclitent, le tonton comme ci, le grand-père comme ça, le cancer de la tante machin, l'héritage convoité, le type qui se tue en tombant d'un toit, enfin plein de choses banales ou plus rares, tragiques ou comiques, qui vous passionnent quand ça vous concerne, mais dont vous vous foutez éperdument quand ça arrive aux voisins, dont la saga vous indiffère, ne le niez pas...

    Ca donne des trucs comme ça, je cite :

    " Je n'ai aucun souvenir de toi au moment de ton enterrement. Tu te cachais toujours quand tu avais trop mal. Moi, comme un crétin, j'étais fier de mon brassard de deuil qui déclenchait le respect des copains et l'indulgence de l'instituteur. L'image de Mamy s'est diluée au fil des ans dans l'amour de Mamé, mon autre grand-mère, qui partageait avec moi des secrets moins brutaux sous la même connivence". Etc... etc.. Il y en a des tartines entières comme ça, jusqu'à l'indigestion, qui s'est produite pour moi à la page 143, sur laquelle je me suis endormi trois fois de suite, avant de refermer le bouquin définitivement, après avoir tout de même, par acquit de conscience, lu les dix dernières lignes de la dernière page afin de ne pas louper le mot FIN que j'ai salué comme une délivrance. Franchement, il y a du bon et du moins bon dans l'oeuvre de van Cauwelaert. Ici on touche le fond, avec un auteur qui nous assène des histoires familiales qu'il aurait mieux fait de garder pour lui... Comment peut-on avoir une telle suffisance et emmerder la terre entière avec ses souvenirs personnels et ses bobos ?... Hélas, quand un auteur est publié depuis longtemps, la tentation est grande pour lui de sortir ensuite de ses tiroirs n'importe quel manuscrit, trop heureux que ça se vende ! Car si ça se vend, dame !... ça rapporte !... Le père adopté, un bouquin de plus qui part à la benne parmi les scories de la littérature...


    1 commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires